C’est au jour de la résiliation unilatérale du contrat que doit s’apprécier le sort de la condition suspensive
- Par jurisactuubs
- Le 24/01/2024
- Dans Droit civil
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(Cass. civ. 3e , 14 sept.2023, n°22-18.642)
Le 14 septembre 2023, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt de rejet précisant le moment où doit être apprécié le sort d’une condition suspensive dans un contrat comportant une clause de résiliation unilatérale.
Dans cette affaire, une personne physique a conclu un contrat de maîtrise d'œuvre le 24 octobre 2017 avec une société d'architecture. Ce contrat visait à réaménager la résidence personnelle du maître de l’ouvrage et à mettre en conformité son cabinet médical avec les normes d'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. Le contrat incluait une clause autorisant la société à résilier unilatéralement le contrat, ce que cette dernière a fait le 12 juin 2018.
Selon l’article L.313-42 du Code de la consommation, lorsque le contrat stipule que le paiement se fera sans avoir recours à un prêt, l’acheteur doit indiquer qu’il reconnaît avoir été informé que s’il recourt à un prêt, il ne pourra pas bénéficier des dispositions légales. En l’absence de cette mention, et si un prêt est néanmoins demandé, le contrat est considéré comme conclu sous la condition suspensive de l’obtention d’un prêt.
Le particulier, maître de l’ouvrage, prétend que le contrat de maîtrise d’œuvre ne comporte pas la mention précitée. Ainsi, ce contrat devrait être considéré comme conclu sous la condition suspensive d'obtention d'un prêt pour financer les travaux. Or, à la date de la résiliation du contrat, le maître de l’ouvrage n’avait pas encore obtenu son prêt. En conséquence, il sollicite le remboursement des honoraires versés ainsi que le rejet des demandes de la société d’architecture visant au règlement du solde de ses honoraires.
La Cour d’appel fait droit à sa demande en retenant que le contrat était conclu sous condition suspensive d'obtention d'un prêt, lequel n'a été accordé qu'en 2020, après la résiliation du contrat. La société d’architecture se pourvoit en cassation en arguant que lorsqu’un engagement est affecté d'une condition suspensive sans terme fixe, il ne peut prendre fin unilatéralement et subsiste jusqu'à la défaillance de la condition. Ainsi, ledit contrat ne peut être résilié par la seule volonté de la société, et le fait que le maître de l’ouvrage ait ultérieurement obtenu un financement signifie que la condition n’avait pas échoué.
Dans un premier temps, la Haute juridiction affirme que le contrat de maîtrise d’œuvre est bien soumis à la condition suspensive de l’obtention d’un prêt, en application de l'article L.313-42 du Code de la consommation.
Deuxièmement, la Cour de cassation rappelle la règle selon laquelle un engagement affecté d'une condition suspensive sans terme fixe subsiste aussi longtemps que la condition n'est pas échue et ne peut prendre fin par la volonté unilatérale de l'une des parties.
Par dérogation, la Cour précise que cela ne prive pas les parties du bénéfice des stipulations du contrat prévoyant une faculté de résiliation unilatérale. Dans cette situation, le sort de la condition s'apprécie à la date de la résiliation. Cette solution s’inscrit dans une logique temporelle: la résiliation du contrat oblige à apprécier le sort de la condition à cette date. Au-delà de cette date, le contrat résilié ne pourra évidemment plus inclure ladite condition. En d’autres termes, si la condition n’est pas remplie à la date de la résiliation, elle est considérée comme définitivement défaillie. Par conséquent, la réalisation ultérieure de la condition devient indifférente.
En l’espèce, la société d’architectes a résilié le contrat alors que la condition suspensive n'était pas encore réalisée. En vertu de l'article 1304-6 alinéa 3 du Code civil, en cas de non-réalisation de la condition, l'obligation est réputée n'avoir jamais existé. Par conséquent, les honoraires versés par le maître de l'ouvrage doivent être restitués.
Eva THÉBAULT
Sources :
- Cass. civ. 3e , 14 sept.2023, n°22-18.642.
- L. 313-42 du Code de la consommation.
-C. HELAINE, « Condition suspensive et faculté de résiliation unilatérale », Dalloz Actualité, 19 septembre 2023.
- H. PLANCKAERT, « Condition suspensive sans terme fixe : une faculté de résiliation unilatérale peut être prévue mais le sort de la condition s’appréciera à la date de la résiliation », Lamyline, 19 septembre 2023.
- M. HERVIEU, « Condition suspensive et résiliation unilatérale du contrat », Dalloz Actualité Etudiant, 6 oct 2023.
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