Copropriété
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Une partie revendiquée commune par le syndicat de copropriété peut être acquise par usucapion
- Par jurisactuubs
- Le 22/01/2024
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Article publié le 21 novembre 2015
Civ. 3e, 8 oct. 2015, FS-P+B, n° 14-16.071
La propriété peut s’acquérir par le jeu de l’usucapion. L’usucapion, ou prescription acquisitive, est définie à l’article 2258 du Code civil comme étant « un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi ». L’article 2272 du même code est la règle de droit rappelée par les juges du droit afin de casser l’arrêt d’appel, celui-ci dispose que « le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans. Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans ».
Une décision novatrice a été récemment rendue par la Cour de cassation en matière de prescription acquisitive concernant une partie, à l’origine, privative d’un immeuble. Les juges du droit cassent l’arrêt de la cour d’appel de Reims du 4 février 2014, au visa de l’article 2272 précité, en constatant que les syndicats (de copropriétaires en l’espèce) pouvaient bénéficier au même titre que les personnes physiques de la prescription acquisitive de 30 ans, pour acquérir la propriété d’un lot. En l’espèce, un propriétaire divise puis vend un immeuble en lots. Un lot comprenant un garage fait l’objet d’une vente ultérieure avec l’un des copropriétaires. Le syndicat se prévaut de l’acquisition du lot par prescription trentenaire et assigne la partie venderesse afin d’obtenir l'annulation de la vente du lot litigieux.
N'est pas revendiqué ici le caractère privatif du lot en question mais bien son caractère commun. En effet, selon le syndicat le lot correspond au garage à vélo utilisé par les copropriétaires depuis plus de 30 ans (prescription acquisitive trentenaire). La première question se situe au niveau de la capacité et des pouvoirs du syndicat à revendiquer une telle acquisition. L’objet d’un syndicat des copropriétaires est celui de conserver et d’administrer l’immeuble en copropriété. Mais les juges du fond rappellent l’effet rétroactif de la possession : « la propriété est censée remonter, non pas au jour où la prescription a été acquise ou invoquée, mais à celui où elle a commencé à courir, c’est-à-dire au début de la possession ». Ainsi puisque le lot litigieux a déjà acquis la qualité de partie commune, le syndicat agit en défense de celle-ci, et on ne peut dès lors lui reprocher une incapacité d’agir. Il parait important de relever que dorénavant une personne morale, le syndicat, pourra acquérir la propriété d’un immeuble non pas par sa propre possession mais par celle des copropriétaires, ceux ayant utilisé le garage à vélo, donc de manière indirecte, et dans le but d’évincer l’un des copropriétaires au profit d’une partie d’entre eux. En effet, dans cette hypothèse le jeu de la prescription sanctionne à la fois le propriétaire négligent d’origine et l’acquéreur copropriétaire.
Finalement, l’arrêt fait apparaitre clairement la supériorité du droit de propriété, à valeur constitutionnelle, rappelons-le, au profit d’un syndicat au titre d’une collectivité de copropriétaires. Le droit commun de l’usucapion prévaut également sur les règles du droit de la copropriété, et, notamment, sur l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 en vertu duquel le syndicat des copropriétaires ne pourrait, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire la transformation en partie commune d’une partie privative.
La modification de la destination des lots sans le vote ou le consentement des copropriétaires semble ainsi jouer en faveur de la majorité. Mais pour autant tout n’est pas réglé. Il faudra notamment répartir les nouvelles charges et apporter des modifications dans les actes de copropriété, qui se fera par le vote en assemblée générale.
Anne-Lise Becq
Sources :
- Me Finalteri, Christian. « Aucune disposition ne s’oppose à ce qu’un syndicat de copropriétaires acquière par prescription la propriété d’un lot ».
- Le Rudulier, Nicolas. « Usucapion d’une partie privative par le syndicat de copropriété », Dalloz Actualité.