Déclaration des créances : précisions sur le destinataire de l’avis de contestation

Article publié le 12 mars 2018

 

Le 10 janvier 2018, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu un arrêt de cassation précisant les modalités d’envoi d’un avis de contestation de créance. En effet, la notification d’une contestation de créance au créancier lui-même, et non à son agent comptable, vaut avis à celui-ci de l’existence de la contestation.

Pour rappel, l’article R. 624-1 alinéa 2 du Code de commerce prévoit que « si une créance autre que celle mentionnée à l'article L. 625-1 est discutée, le mandataire judiciaire en avise le créancier ou son mandataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le délai de trente jours prévu à l'article L. 622-27 court à partir de la réception de la lettre. Cette lettre précise l'objet de la discussion, indique le montant de la créance dont l'inscription est proposée et rappelle les dispositions de l'article L. 622-2 ».

Si à l’expiration de ce délai de trente jours le créancier n’a pas répondu, il ne peut plus contester la proposition du mandataire ni exercer un recours contre la décision du juge commissaire confirmant cette proposition en application de l’article L.624-3 du Code de commerce. 

En l’espèce, une société en redressement judiciaire a été mise en liquidation judiciaire le 11 septembre 2012. L’agent comptable d’un établissement public a déclaré une créance auprès du liquidateur qui a été désigné. Contestant cette créance, le liquidateur judiciaire en a avisé l’établissement public en l’invitant à lui faire connaitre ses explications dans un délai de trente jours, conformément à l’article L. 622-27 du Code de commerce. Cette contestation n’a donc pas été faite expressément à l’agent comptable habilité à déclarer les créances aux procédures collectives des co-contractants de l’établissement. En l’absence de réponse de la part de l’établissement public, le juge commissaire a été contraint de rejeter la créance par ordonnance.

Agissant par son agent comptable, l’établissement public a formé un recours en invoquant que ni le délai d’appel contre l’ordonnance, ni celui accordé pour répondre à la contestation du liquidateur n’avaient commencé à courir puisque ces dernières ne lui avaient pas été notifiées alors qu’il était le seul à pouvoir déclarer ces créances.

La cour d’appel de Versailles[1] a jugé recevable la contestation formulée par l’établissement public de la proposition de rejet de sa créance émise par le liquidateur. Les juges du fond ont estimé que l’envoi de la lettre de contestation à l’établissement public et non à son agent comptable ne faisait pas courir le délai de trente jours prévu à l’article L. 622-27 du Code de commerce.

Statuant sur le pourvoi du liquidateur judiciaire, la chambre commerciale de la Cour de cassation n’est pas convaincue par ce raisonnement et censure l’arrêt d’appel au visa des articles 665 et 692 du Code de procédure civile. Pour la Haute juridiction, l’envoi de la lettre de contestation au créancier est valable et fait déclencher le délai de trente jours posé à l’article L. 622-27 du Code de commerce.

Par cette décision, une distinction nette est faite entre les personnes aptes à contester une créance et celles qui sont habilitées à les recevoir. En effet, la chambre commerciale souligne que le destinataire de la lettre de contestation d’une créance n’a pas à être la personne habilitée à déclarer les créances au sein de la société.

L’arrêt commenté fait écho à un arrêt du 19 décembre 2007[2] dans lequel la Cour de cassation avait déjà affirmé que « lorsqu’un créancier déclare sa créance par l’intermédiaire d’un mandataire, la lettre par laquelle le représentant des créanciers avise que la créance déclarée fait l’objet d’une contestation peut être adressée soit au mandataire (en l’occurrence il s’agissait d’un avocat) qui a déclaré la créance soit au créancier lui-même ». Ainsi, cette solution s’inscrit dans la lignée de sa jurisprudence antérieure.

 

Anaïs MAURICE

 

 

Sources :

              - Com., 10 janvier 2018, n°16-20.764.

              - Article R. 624-1 du Code de commerce.

             - Alain Lienhard, Déclaration des créances : destinataire de l’avis de contestation, Dalloz actualité, 12 janvier 2018, disponible sur : www.dalloz-actualite.fr.

 

 


 

 

 


[1] CA Versailles, 19 mai 2016, n° 14/01101.

[2] Com., 19 décembre 2006, n° 05-19.115. 

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