Transfert privé-public : précisions sur les contrats de travail

Article publié le 21 février 2017

 

L'article L1224-3 du code du travail ne cesse de susciter du contentieux malgré les diverses tentatives du législateur visant à son amélioration. La chambre sociale a eu l'occasion dans son arrêt du 1er février 2017 de rappeler l'étendue exacte des règles relatives au contrat de travail en cas de transfert du secteur privé au secteur public.

En l'espèce, un salarié bénéficiait d'un contrat de travail avec une association dont la gestion a été reprise par une personne publique. De ce fait, elle avait proposé au salarié un contrat de droit public qu'il avait accepté. Cependant ce contrat avait été retiré par cette dernière au titre d'une erreur manifeste d'appréciation. La personne publique lui a alors proposé un nouveau contrat avec une rémunération inférieure mais celui-ci ne l'a pas accepté. Par conséquent, elle lui avait notifié son licenciement.

Le salarié  a assigné l'établissement public aux motifs que son licenciement n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse et que la procédure de licenciement n'avait pas été respectée. La cour d'appel de Paris dans son arrêt du 13 mars 2015 a accueilli favorablement les requêtes de ce dernier.

La question qui était posée aux juges du droit était de savoir si le fait de ne pas répondre favorablement au contrat proposé constituait une cause de licenciement réelle et sérieuse et si la procédure de licenciement, dans ce cas, devait être respectée.

La Cour de cassation a pu se prononcer plusieurs fois au cours des derniers mois sur le transfert d'une activité privée à une personne publique et sur les conséquences que cela emportait sur les contrats de travail. L'article L1224-3 du code du travail a été consacré à la suite d'une décision de la CJUE appliquant le régime générale des transferts à la reprise d'une activité par une personne publique. Ainsi il dispose que « Lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires.

Sauf disposition légale ou conditions générales de rémunération et d'emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires, le contrat qu'elle propose reprend les clauses substantielles du contrat dont les salariés sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération ».

Les dispositions de cet article restaient floues en la matière, c'est pourquoi la chambre sociale de la Cour de cassation est venue préciser les contours de la notion. Elle a ainsi estimé qu'en cas de transfert d'une activité à une personne publique, l'employeur doit notifier la rupture du contrat de travail. Néanmoins, le défaut de notification ne constituait qu'une irrégularité de forme n'ouvrant droit qu'à l'allocation de dommages et intérêts[1]. Par ailleurs, dans un arrêt important du 10 janvier 2017, les juges du droit ont rappelé que si le salarié refusait la conclusion du contrat de travail, ce dernier avait le droit à l'indemnité de préavis, mais que les règles relatives au licenciement et plus particulièrement à l'entretien préalable ne s'appliquaient pas[2]. Elle consacre l'idée ici qu'il s'agit d'une rupture sui géneris comme cela avait été évoqué dans son rapport annuel.

 

 Dans cet arrêt du 1er février 2017, les juges du quai de l'horloge confirment leurs décisions précédentes. Ils estiment dans un premier temps que la cour d'appel a violé le texte ci-dessus mentionné en ne retenant pas les conséquences du retrait du premier contrat et que le refus du second contrat constituait bien un motif de licenciement. Dans un second temps, les juges rappellent que si  la rupture produit de plein droit les effets d'un licenciement, les dispositions relatives à la convocation d'un entretien préalable ne sont pas applicables en l'espèce.

La solution retenue est donc conforme aux décisions antérieures. Toutefois elle paraît sévère en l'espèce car le salarié avait eu connaissance d'un premier contrat lui proposant une rémunération plus importante, on peut comprendre aisément sa réticence à conclure le deuxième contrat.

 

 

Camille RIO

 

Sources :

 

 

 
 
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Commentaires

  • Annabel QUIN
    • 1. Annabel QUIN Le 26/02/2017
    Oui, cette décision paraît particulièrement sévère. Car finalement, la personne publique n'a-t-elle pas, en réalité, procédé à une modification substantielle du contrat de travail en lui proposant un contrat avec une rémunération moindre. De sorte que la rupture serait imputable, non pas au refus du salarié, mais à la modification substantielle du contrat de travail par l'employeur. Donc il s'agirait en réalité d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse...

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