La responsabilité civile conjointe des parents séparés

Cass. ass. plén., 28 juin 2024, n° 22-84.760

Dans un arrêt rendu par l’Assemblée plénière le 28 juin 2024, la Cour de cassation précise les modalités de l’autorité parentale conjointe lorsque la résidence principale de l’enfant est fixée chez l’un des deux parents.

En l’espèce, un mineur avait été reconnu responsable d’incendies survenus en 2017 dans le sud de la France, entraînant alors la reconnaissance de ses parents comme civilement responsables. A ce moment-là, bien que l’autorité parentale fût exercée conjointement par les deux parents séparés, le lieu de résidence principale de l’enfant était fixé chez sa mère.

La cour d’appel, infirmant la décision de première instance, a reconnu la mère comme seule responsable, en s’appuyant sur la fixation de la résidence principale de l’enfant à son domicile. Mécontente de cette décision, la mère s’est pourvue en cassation, cherchant à voir le père également être reconnu comme solidairement responsable des dommages causés par leur enfant mineur.

Le 28 novembre 2023, la chambre criminelle de la Cour de cassation a renvoyé l’affaire devant l’Assemblée plénière en raison de l’importance juridique de la question. Le 17 mai 2024, le procureur général a laissé entrevoir un possible revirement de jurisprudence, qui a été confirmé le 28 juin 2024.

Ce revirement, entraîne donc des répercussions significatives pour de nombreux parents séparés, car il s’agit d’une situation touchant 4 millions d’enfants en 2020. Puisqu’il a été établi que la responsabilité découlant de l’article 1242, alinéa 4, du Code civil constitue une responsabilité de plein droit des parents pour les faits de leur enfant, dont seule la force majeure ou la faute de la victime peut les exonérer, cette responsabilité parentale est ainsi interprétée comme une responsabilité objective sans faute.

Dès lors, la seule responsabilité d’un des deux parents ne favorise pas une meilleure indemnisation des victimes, tandis que la reconnaissance de la responsabilité solidaire des deux parents assure une couverture plus complète.

Par cet arrêt, il est admis plus clairement que lorsque la responsabilité des parents est engagée en raison des actes de leur enfant mineur, ils sont solidairement responsables dès lors que l’autorité parentale est exercée conjointement, indépendamment du lieu de résidence principale de l’enfant.

Parallèlement, cette même question a fait l’objet d’une QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité)[1] par laquelle le Conseil Constitutionnel a été contraint de relever la conformité de l’article 1242 alinéa 4 à la Constitution. Celui-ci avait donc conclu à une différence de traitement évidente entre le parent chez lequel la résidence de l’enfant a été fixée et l’autre parent qui ne peut être responsable que pour une faute personnelle. Malgré cela, le Conseil Constitutionnel relevait que l’article 1242 ne méconnaissait pas non plus l'exigence constitutionnelle de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant, le droit au respect de la vie privée ou le droit de mener une vie familiale normale, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit. De ce fait le texte a été déclaré conforme à la Constitution.

Mais, cet arrêt récent est la preuve que la solution précédemment adoptée par la jurisprudence constante, bien que conforme à la Constitution, posait quelques soucis d’égalité entre les deux parents séparés.

Cette nouvelle solution dégagée par la Cour de cassation garantit une égalité parfaite entre les deux parents. Ainsi, bien qu’ils soient séparés, leur responsabilité vis-à-vis du fait de leur enfant mineur reste la même.

Léna RABILLARD


[1]Cass. crim., 14 févr. 2023 nº 22-84.760.

 
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