La résolution judiciaire du contrat ne requiert pas une faute du débiteur

  Article publié le 7 février 2023

 

Capture d e cran 2022 12 06 a 16 00 18ans un arrêt en date du 18 janvier 2023[1], la chambre commerciale de la Cour de cassation a déclaré que linexécution fautive du débiteur nest pas une condition pour obtenir la résolution dun contrat. 

En lespèce, le 13 février 2020, la société Senso a signé avec la société Pavillon un contrat de prestation de service, par laquelle cette dernière sest engagée à fournir diverses prestations de restauration durant la période du salon international des professionnels de limmobilier. Toutefois, en raison de l’épidémie du Covid-19, le salon a été contraint d’être annulé à la suite des mesures sanitaires prévues par la loi du 23 mars 2020 et de ses arrêtés dapplication. Le 12 juin 2020, la société Senso a mis en demeure la société Pavillon de lui restituer lacompte versé au titre du contrat. Pourtant, la société débitrice a soutenu que le contrat n’était pas résilié et a donc refusé cette restitution. La société Senso a assigné en restitution la société Pavillon. 

 

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Par un arrêt en date du 18 mars 2021, la société Senso a reproché à la Cour dappel dAix en Provence de rejeter ses demandes alors que « la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté peut provoquer la résolution du contrat, même si cette inexécution n'est pas fautive et quel que soit le motif qui a empêché son cocontractant de remplir ses engagements, notamment si cet empêchement est résulté du fait d'un tiers ou de la force majeure ». Les juges du fond ont décidé néanmoins que linexécution de lobligation de la société Pavillon avait été causée par un élément extérieur, à savoir lannulation du salon par un tiers. De surcroît, la Cour dappel ayant déclaré quelle n’était pas fondée à voir prononcer la résolution du contrat conclu avec la société Pavillon et à se voir restituer lacompte versé, aurait violé les articles 1217, 1227 et 1229 du Code civil. En conséquence, la société Senso a formé un pourvoi en cassation. 

La chambre commerciale de la Cour de cassation va répondre positivement à la demande de la société Senso en cassant partiellement la décision rendue par la Cour dappel.

Ainsi, en premier lieu, la Haute juridiction va déclarer au visa des articles 1217, 1227 et 1229 du Code civil que « la partie envers laquelle lengagement na pas été accompli, peut provoquer la résolution du contrat ». « La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice et met fin au contrat ». Enfin, « lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à lautre. »

En second lieu, la Cour de cassation énonce que la Cour dappel pour rejeter les demandes de la société Senso déclare « bien que l'inexécution du contrat ait été totale et d'une gravité suffisante, elle ne peut être considérée comme fautive puisqu'elle a été causée par l'annulation du salon ». En dautres termes, les juges du fond arguent labsence dune faute pour refuser la résolution du contrat et la restitution de lacompte. La faute du débiteur s’érigerait ainsi comme un critère de la résolution judiciaire, de sorte que linexécution « pourrait être imputable » au débiteur dès lors quelle nest pas fautive[2]. Cependant, la Cour de cassation a déclaré que la Cour dappel « constatait que les prestations objet du contrat navaient pas été exécutées ». Les termes employés laisse peu de doute quant à l’intention de la Haute juridiction de sopposer à cette interprétation. De surcroît, elle déclare que la Cour dappel a violé les articles susvisés et ordonne la résolution du contrat et la restitution des sommes sans avoir à démontrer lexistence dune faute. Une stricte application des articles susvisés est ainsi opérée par la Haute juridiction.

Ainsi, cette solution retenue se veut protectrice à l’égard du créancier. En cas de manquement, il peut réclamer la résiliation du contrat, ce qui lui permettra de se dégager de ses obligations contractuelles et de récupérer ce qu'il a transmis selon les termes du contrat, sans qu'une faute de la part du débiteur soit nécéssairement constatée. 

Quid de la force majeure dans cet arrêt ? Certains auteurs étaient plus favorables à invoquer la force majeure, puisque cela aurait provoqué une résolution de plein droit. En évitant de discuter du concept de force majeure, une interprétation favorable de l'article 1227 a permis d'arriver à la même conclusion : le remboursement de l'acompte.[3]  

Anais Glais

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[1] Com. 18 janv. 2023, F-B, n° 21-16.812

[2]  HELAINE. C, « La résolution judiciaire du contrat ne suppose pas l’inexécution fautive du débiteur », Dalloz Actualité, 24 janvier 2023

[3] Ibid

 
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