Marques et risque de confusion : la notoriété du déposant postérieur est un facteur d’appréciation

Article publié le 23 décembre 2020

 

En 2011, le joueur de football mondialement célèbre Lionel Messi a déposé une demande afin que son nom « MESSI » soit enregistré au titre d’une marque pour désigner des articles et vêtements de sport. Rapidement, une marque de l’Union européenne déjà notoire nommée « MASSI » proposant les mêmes produits, s’oppose à la demande en raison de l’existence d’un risque de confusion entre les deux marques.

Après 9 ans de procédure, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) tranche le litige[1]. Elle estime que la notoriété de la personne attachée à la marque postérieure est un facteur d’appréciation du risque de confusion en jugeant que « la notoriété de M. Messi Cuccittini (Lionel Messi) constituait un facteur pertinent afin d’établir une différence sur le plan conceptuel entre le terme « MESSI » et le terme « MASSI » [2]. »

Faisant application de la jurisprudence RuizPicasso[3] qui permet de conclure que « les différences conceptuelles entre deux signes peuvent neutraliser les similitudes visuelles et phonétiques[4] », la CJUE décide ainsi de l’absence d’un risque de confusion. Dans un premier temps, l’Office européen de la propriété intellectuelle (EUIPO) avait accueilli positivement les prétentions de la marque « MASSI »[5] en retenant l’existence du risque de confusion entre les deux marques en raison de ressemblances visuelles et phonétiques, que seul un public concerné par le milieu sportif était jugé capable de discerner. Un public non concerné par le sport était ainsi considéré comme susceptible de confondre les deux marques « MASSI » et « MESSI ».

Cette décision avait par la suite été suivie par la Chambre des recours[6] après un recours du déposant de la marque « MESSI ».

Ce dernier forme alors un second recours devant le Tribunal de l’Union européenne qui accueille favorablement sa demande et annule la décision de l’EUIPO[7].

Le TUE a surpris par son raisonnement en se fondant sur la notoriété du titulaire de la marque contestée alors que la notoriété de la marque antérieure était celle classiquement prise en compte pour l’appréciation d’un risque de confusion. 

L’opposant titulaire de la marque « MASSI » saisit alors la CJUE en juillet 2018.

La CJUE va cependant suivre la décision du TUE et « justifie cette approche en rappelant que tous les facteurs pertinents doivent être pris en compte pour apprécier le risque de confusion[8] » comme cela avait déjà été précisé dans une autre affaire récente[9].

Ainsi, la CJUE énonce en son point 47 qu’il « doit également être tenu compte de l’éventuelle notoriété de la personne qui demande que son nom soit enregistré en tant que marque, dès lors que cette notoriété peut, de toute évidence, avoir une influence sur la perception de la marque par le public pertinent. »

Concernant le public, à la différence de l’EUIPO, le Tribunal de l’Union européenne avait quant à lui « pris en compte la perception des deux marques par l’ensemble du public pertinent et non pour une partie seulement[10]. » En outre, il estimait que « la réputation du footballeur est telle que, même si quelques consommateurs ne le connaissent pas, il ne peut exister aucun risque de confusion pour le public pertinent qui va associer le signe MESSI à la star du football, si bien que la marque MASSI sera perçue comme conceptuellement différente[11]. »

Cette analyse a également été confirmée par la CJUE.

On comprend ainsi que la CJUE et le TUE ont dérogé aux règles traditionnelles du droit des marques en vertu desquelles le premier arrivé est le premier servi, le premier déposant étant donc prioritaire.

Il conviendra de suivre l’actualité juridique pour voir si cette décision est unique ou bien deviendra un principe pour tous les déposants de marque postérieurs disposant d’une notoriété non-équivoque largement supérieure à celle du déposant de la marque antérieure.

Nelvana Arnaux.


[1] CJUE, 17 septembre 2020, aff. C‑474/18 P.

[2] CJUE, 17 septembre 2020, aff. C‑474/18 P, point 48.

[3] CJUE, 12 janvier 2006,  n° C-361/04.

[4] CJUE, 17 septembre 2020, aff. C‑474/18 P, point 85.

[5] EUIPO, 12 juin 2013, aff. B1 938 458.

[6] Chambre des recours, 23 avril 2014, aff. R 1553/2013-1.

[7] TUE, 26 avril 2018, aff. T-554/14.

[8] BEYEN A., « Marque : la notoriété du footballeur déposant Messi suffit à écarter le risque de confusion », Dalloz actualité, 5 octobre 2020.

[9] CJUE, 4 mars 2020, EUIPO c/ Equivalenza Manufactoring, aff. C-328/12 P, point 57.

[10] LEPI, novembre 2020, n° 113q3, p. 6.

[11] LEPI, ibid. ; Voir aussi, Dalloz IP/IT 2020 p.525.

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