Droit bancaire

  • L’absence d’une obligation de mise en garde spécifique du banquier pour un crédit in fine

    Cass.com., 8 novembre 2023, n°22-13.750, publié au bulletin

    Dans un arrêt de rejet en date du 8 novembre 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation précise que dans le cas de l’octroi d’un prêt remboursable par échéances ou in fine, l’établissement de crédit a une obligation de mise en garde à l’égard de l’emprunteur profane, seulement en ce qu’elle porte sur l’inadaptation de ce prêt aux capacités financières et sur le risque d’endettement qui en résulte.

     

    En l’espèce, les 3 février et 10 décembre 2012, un emprunteur souscrit auprès d’une banque deux prêts remboursables in fine. Le 15 mars 2018, l’emprunteur assigne l’établissement de crédit en nullité des contrats de prêts et en indemnisation de son préjudice matériel et moral, en raison d’un manquement par celui-ci à son obligation de mise en garde.

    Dans un arrêt du 20 janvier 2022, la Cour d’appel de Pau rejette les demandes au motif que, même si la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d’un emprunteur non averti, il faut qu’au jour de l’octroi du prêt, il existe un risque d’endettement excessif du fait de l’inadaptation de l’engagement à ses capacités financières. En l’occurrence, cet emprunteur est propriétaire d’un immeuble dont la valeur se trouve en adéquation avec la somme empruntée. Le risque d’endettement n’existe alors pas.

    L’emprunteur forme un pourvoi en cassation. Il fait grief à l’arrêt d’appel de rejeter ses demandes, alors qu’un crédit in fine, dont le capital est remboursé en une seule fois à la fin du prêt, fait naître un risque particulier sur lequel le banquier doit mettre en garde l’emprunteur non averti, même si le crédit est adapté aux capacités financières de ce dernier, le risque étant inhérent à la nature du prêt.

     

    Le problème posé par cette affaire est de savoir si l’établissement de crédit est soumis à un devoir de mise en garde particulier en ce qui concerne le crédit in fine.  

     

    La Cour de cassation répond par la négative, en indiquant que l’obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l’égard d’un emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt, ne porte que sur l’inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l’emprunteur et sur le risque d’endettement qui résulte de cet octroi et ce, que le prêt soit remboursable par échéance ou in fine.

     

    Dans un premier temps, les juges rappellent les caractéristiques du devoir de mise en garde qui incombent à un professionnel du crédit. Ce sont des conditions qui s’inscrivent dans une continuité jurisprudentielle[1]. Le banquier doit s’assurer que l’emprunteur est non averti des risques qu’il entreprend en contractant un prêt[2] et ainsi vérifier si l’emprunt est adapté à sa situation financière, c’est-à-dire que l’emprunteur dispose des moyens pour le rembourser et qu’il ne soit pas en situation d’endettement à l’arrivée du terme[3].

    A défaut d’appliquer ces conditions, le banquier engage sa responsabilité contractuelle et l’emprunteur pourra agir non pas au titre de « la perte de chance de ne pas avoir contracté »[4], mais pour ne pas avoir eu « une chance d’éviter le risque qui s’est réalisé ». C’est ce que semble indiquer la Cour de cassation pour les opérations de crédit in fine[5].

     

    Dans un second temps, les juges refusent de voir dans ce devoir, une obligation de résultat. C’est une obligation de moyen qui pèse sur le banquier puisque la mise en garde intervient seulement en fonction d’une appréciation des capacités financières de l’emprunteur[6], tout en observant s’il est profane ou professionnel. Si à la date de conclusion du contrat, le crédit est adapté aux capacités financières de l’emprunteur, alors le banquier n’est pas tenu à ce devoir[7], ce qui est le cas en l’espèce. 

     

    La Cour de cassation refuse également de distinguer cette obligation de mise en garde pour les prêts remboursables à échéances, de ceux remboursables in fine. Si l’argument du demandeur au pourvoi, se fondant sur le remboursement à la fin de l’échéance du prêt en une seule fois, peut se comprendre du fait du risque engendré, l’harmonisation du devoir pour tout type de prêt rend son application plus facile et efficace[8] pour les professionnels et les emprunteurs non avertis.

    Quentin SCOLAN

     

    [1] Le devoir de mise en garde est d’origine jurisprudentielle et a été consacré pour les opérations de crédit dans le Code de la consommation à l’article L. 313-12 (depuis l’ordonnance du 25 mars 2016, n°2016-351), ou en matière de cautionnement à l’article 2299 du Code civil (depuis l’ordonnance du 15 septembre 2021, n°2021-1192, portant réforme du droit des sûretés).

    [2] Cass.ch. mixte, 29 juin 2007, n°05-21.104.

    [3] Cass.com., 11 avril 2018, n°15-27.133.

    [4] Cass.com., 20 octobre 2009, n°08-20.274.

    [5] Cass.com., 22 janvier 2020, n°17-20.819.

    [6] Nicolas BOULLEZ, « Crédit in fine : pas de voir de mise en garde spécifique pesant sur le banquier », Gazette du Palais, n°2, 16 janvier 2024, p.61.

    [7] Cass.com., 7 juillet 2009, n°08-13.536.

    [8] Cédric HELAINE, « Du contenu de l’obligation de mise en garde pour les crédits in fine », Dalloz Actualité, 16 novembre 2023.

  • Absence d'obligation de la banque envers l'épouse de la caution

    Article publié le 24 mars 2016

     

    « Superstar » ! C'est ainsi que certains auteurs ont surnommé l'article 1415 du Code civil tant il est générateur de contentieux devant la Cour de Cassation. L'arrêt du 9 février 2016 de la Chambre Commerciale en est une parfaite illustration.

    Pour rappel, l'Article 1415 du Code civil dispose que « Chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres ». Cet article permet de déterminer quelle masse de biens sera engagée par un cautionnement consenti par un seul époux, marié sous le régime de communauté légale.
    Tout l'enjeu est de savoir si les créanciers bénéficiaires du cautionnement, qui leur assure une garantie de paiement, pourront saisir ou non les biens communs des époux.

    En l'espèce, un dirigeant s'est porté caution solidaire envers une banque pour garantir les dettes de sa société. Étant marié sous le régime de la communauté légale, son épouse a dû, en vertu de l'article 1415 donner son consentement express afin d'autoriser son mari à engager leur biens communs. Après la mise en liquidation de la société, la banque a appelé en garantie la caution et fait saisir un bien immobilier appartenant aux deux époux. L'épouse qui reproche à la banque d'avoir manqué à son obligation de mise en garde à son égard l'assigne en paiement de dommages-intérêts. Déboutée de sa demande par la Cour d'Appel, elle forme un pourvoi invoquant une violation de l'article suscité.

    La Cour de Cassation rejette son pourvoi au motif que le consentement donné au cautionnement de son époux « n'a pas eu pour effet de lui conférer la qualité de partie à l'acte et qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au créancier bénéficiaire du cautionnement de fournir des informations ou une mise en garde au conjoint de son cocontractant, préalablement à son consentement exprès ». La Cour en a donc déduit que la demanderesse «  n'était créancière d'aucune obligation d'information ou de mise en garde à l'égard de la banque bénéficiaire du cautionnement »

    Sur le plan juridique, la solution de la Cour de Cassation est sans reproche puisque l'épouse qui a donné son aval ne s'est pas engagée personnellement, elle a simplement donné son autorisation. La caution, en l'occurence l'époux, a donné un consentement formel, ce qui lui confère le droit de bénéficier d'un droit d'information renforcé.

    Toutefois, lorsque l'on observe la situation dans les faits, le résultat est le même pour les deux conjoints puisque c'est un bien commun qui est soustrait de leur patrimoine. Comment peut-on alors justifier que les parties ne bénéficient pas de la même protection.

    Sans doute le Législateur a t'il considéré qu'il était normal de présumer que l'époux qui a reçu l'information allait la partager à son conjoint. Mais comment en être sûr ? Comment être certain que dans cet arrêt, l'épouse ait réellement compris tous les enjeux et impacts de son aval sur ses biens ?

    L'article 1415 du Code civil a été institué pour protéger le patrimoine commun des époux contre les engagements dangereux comme le cautionnement bancaire, les crédits financiers et les emprunts immobiliers. Si ce texte a réellement une vocation protectrice, ne serait il pas plus judicieux de faire peser sur la banque la même obligation d'information à l'égard du conjoint qui consent au cautionnement ?

    Bien entendu, il convient de préciser que l'épouse ne se retrouve pas complètement démunie contre cette situation. Comme le souligne Maître Robineau dans son billet, « il lui est permis d’engager la responsabilité délictuelle. Mais cet argument n’ayant pas été soulevé devant les juges du fond, les magistrats de la Cour de cassation ne pouvaient pas le soulever d’office… »

     

    Lucie PARIS

     

    Sources :

    - Cour de Cassation, Chambre commerciale, 9 février 2016, N° 14 20304

    - « Portée du devoir de mise en garde de la banque bénéficiaire d'un cautionnement » Dalloz Actu étudiant, 15 mars 2016.

    - BAZUREAU Juliana « Pas d'obligation de la banque de mettre en garde le conjoint de la caution », Les Echos entrepreneurs, 2 mars 2016.

    - ROBINEAU Sébastien « L'épouse de la caution ne mérite aucune protection ! » L'express L'entreprise, 29 février 2016.

     

  • L'ajustement du point de départ de la prescription en cas de manquement du banquier à son devoir d'information

    Article publié le 15 février 2021

     

    Par un arrêt du 6 janvier 2021[1], la chambre commerciale de la Cour de cassation s’est prononcée sur le point de départ de la prescription en cas de manquement au devoir d’information du banquier.

  • Nul, pas même un consommateur ne peut se prévaloir d’une jurisprudence figée

    Article publié le 18 janvier 2021

    La sécurité juridique, invoquée sur le fondement du droit à un procès équitable pour contester l’application immédiate d’une solution nouvelle résultant d’une évolution de la jurisprudence, ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée.

  • Caractérisation d’un recel de communauté en cas de dissimulation d’un compte-commun.

    Article publié le 9 janvier 2018

     

    Dans un arrêt de la première chambre civile du 27 septembre 2017 (n°16-22.150), la Cour de cassation a réaffirmé que la dissimulation d’un compte-commun constituait un recel de communauté et non pas un recel successoral.

    En l’espèce, Monsieur D est décédé le 13 mars 2002, laissant pour lui succéder, sa conjointe survivante commune en biens et son fils issu d’une précédente union.

    Des fonds étaient placés sur un livret A. Ce livret a été clôturé en juin 2003 par la conjointe. Cette dernière a refusé la communication des justificatifs des sommes qu’elle détenait au jour du décès. Le fils du défunt l’a donc accusé, d’avoir recelé le solde de ce livret, ce qui la priverait de tout droit dans la succession. Par conséquent, il a assigné la veuve devant les juridictions pour ces motifs.

  • Mauvaise exécution d’un virement bancaire : responsabilité du donneur d’ordre

    Article publié le 26 mars 2018

     

    Jusqu’à la transposition de la directive européenne 2007/64/CE sur les services de paiement, la Cour de cassation considérait que la banque réceptrice d’un ordre de virement devait contrôler le nom de son bénéficiaire avant d’en attribuer le montant au profit d’un client.

    Cette directive a été transposée dans notre droit par l’ordonnance n°2009-866 du 15 juillet 2009. Désormais, le prestataire de service ne peut être tenu pour responsable d’une erreur de virement sur l’identifiant du bénéficiaire. Néanmoins, ce prestataire est responsable de l’exécution de l’opération de paiement d’après l’identifiant unique communiqué par l’utilisateur de services de paiement. C’est ce que la Cour de cassation a affirmé dans un arrêt rendu par la chambre commerciale le 24 janvier 2018.

    En l’espèce, la société d’aménagement et d’équipement de la région parisienne (la SAERP) est titulaire d’un compte à la Caisse des dépôts et des consignations. La SAERP a communiqué un ordre de virement à cette dernière au profit d’une autre société, titulaire d’un compte ouvert dans les livres de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Paris et d’Ile de France (la CRCAM). Cependant, le numéro de compte procuré était incorrect. Ainsi, la somme a été virée sur le compte d’un tiers. La SAERP en a informé la Caisse des dépôts et consignations. Cette dernière rembourse la somme virée par erreur à sa cliente et assigne la CRCAM en paiement de cette somme estimant qu’elle avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

  • Crédit impayé à l’échéance du terme : les intérêts courent jusqu’au remboursement !

    Article publié le 09 février 2017

     

    Le 18 janvier 2017, la Cour de cassation s’est exprimée sur le sort des intérêts d’un prêt lorsque ce dernier n’a pas été remboursé.

    En l’espèce, le 15 avril 2008, Mme X a contracté avec une banque un prêt-relais d’une somme de 135 000 euros s’étalant sur une période de deux ans et remboursable en une fois. Le 18 septembre 2010, Mme X a de nouveau contracté avec cette banque pour un prêt se substituant au crédit relais négocié en 2008. Aussi après avoir réitéré l’acte devant le notaire le 11 janvier 2011(dû à la mise en place d’hypothèques), les fonds du prêt de substitution ont été débloqués le 3 février suivant. Ce 3 février 2011, la banque a également débité environ 9000 euros du compte de Mme X au titre d’intérêts de retard.

    La Cour d’appel a condamné Mme X au paiement des sommes à la banque. Elle a donc formé un pourvoi en cassation.

    L’axe de défense de Mme X portait sur le consentement. Elle considérait que la banque avait commis une faute puisque que dans le contrat il n’y avait aucune clause stipulant des intérêts de retard. Ainsi pour que ces intérêts soient applicables, son consentement était nécessaire : la banque ne pouvait pas renouveler « de fait » le contrat de prêt.

    Toutefois, les juges du droit ont rendu un arrêt de rejet et ont estimé que : « la clause d’un contrat de prêt prévoyant le paiement d’intérêts à un certain taux jusqu’à l’échéance fixée pour le remboursement suffit pour que les intérêts continuent à courir après ladite échéance, si le débiteur ne se libère pas à cette époque. »

    La Cour de cassation est très claire dans cet arrêt : si un prêt n’est pas remboursé après l’échéance du terme, les intérêts continuent de courir jusqu’au total paiement de la somme, sans qu’un nouvel accord soit nécessaire.

    Cette solution semble dangereuse pour le consommateur. En effet, c’est sur une clause prévoyant le paiement d’intérêt jusqu’à l’échéance du contrat que les juges se fondent, et non pas sur une clause prévoyant des intérêts de retard ou encore une clause pénale. Certes, une sanction doit être mise place et imposée au consommateur lorsqu’il ne respecte pas le contrat et en l’occurrence ne rembourse pas le prêt dans les délais.  Mais ici la solution reste sévère puisque la débitrice est retournée auprès de la banque afin de souscrire un nouveau contrat de prêt pour pouvoir rembourser son prêt-relais. Les intérêts auraient donc pu courir jusqu’à la signature de ce nouveau contrat : le 18 septembre 2010.

    On peut toutefois se demander si cette solution n’est pas due au comportement de la débitrice : il n’est pas indiquer dans l’arrêt si cette dernière était ou non de mauvaise foi. On peut imaginer une certaine négligence de sa part : elle n’est revenue vers la banque qu’au mois de septembre sans avoir verser un paiement pour le prêt-relais, soit 5 mois après l’échéance de celui-ci. De plus il est indiqué qu’elle a refusé les explications du notaire se sentant suffisamment informée.

    La solution aurait-elle été la même si la débitrice avait été plus prévenante ? Il semble donc que cette solution soit à confirmer.

    Elodie PADELLEC

     

    Bibliographie :

    Com., 18 janvier 2017, n°15-14.665.

    DELPECHE. X « Droit pour la banque de percevoir des intérêts à la suite de l’échéance du prêt non remboursé ».-Dalloz-actualité. Février 2017.

     

     

     

  • L’absence de déchéance du droit aux intérêts en cas de non-respect d’une obligation d’information envers l’emprunteur

    Article publié le 25 février 2019

     

    Les règles protectrices des consommateurs sont multiples et les sanctions en cas de non-respect de ces règles sont souvent importantes et propres au droit de la consommation. Toutefois, il existe des cas où le manquement à des dispositions prévues par le droit de la consommation ne seront pas sanctionnées de manière spécifique.

    Ainsi, les articles R313-12 et R313-14 du Code de la consommation prévoient des dispositions spécifiques en matière de regroupement de crédits. Rappelons que cette opération consiste à regrouper un ensemble de crédits préexistants en un nouveau crédit. Toutefois, des sanctions propres sont-elles prévues en cas de non-respect de ces dispositions ? C’est à cette question que la première chambre civile de la Cour de cassation a répondu dans un arrêt du 9 janvier 2019. En effet, elle a plus particulièrement répondu à la question de savoir si la déchéance du droit aux intérêts prévues par l’article L312-33 du Code de la consommation est applicable au non-respect de l’obligation d’information due envers l’emprunteur dans le cadre d’une opération de regroupement de crédit. Toutefois, les juges du droit rejettent cette idée.

  • La rupture de concours financiers sans préavis par un établissement de crédit

    Article publié le 12 décembre 2019

     

    Une banque ne peut rompre le concours à durée indéterminée consenti à une entreprise qu'en respectant un délai de préavis d'au moins 60 jours. Elle n'est cependant pas tenue de respecter ce délai en cas de comportement gravement répréhensible de l’emprunteur ou si la situation de ce dernier se révèle irrémédiablement compromise[1]. Mais quid lorsque la banque est fautive ?

    La chambre commerciale de la Cour de cassation y répond dans un arrêt du 11 septembre 2019[2].

     

  • La banque qui n’apporte pas la preuve d’un phishing doit rembourser son client : Chambre commerciale 18 janvier 2017.

    Article publié le 24 janvier 2017

     

    Dans cette affaire, le Crédit Mutuel de Wattignies avait refusé de rembourser la somme de 838€ correspondant à trois achats en ligne d’un de ses clients. Selon la banque, la personne avait possiblement commise une faute en transmettant des informations confidentielles permettant l’exécution de ces opérations à un tiers. La personne victime, titulaire d’un compte au sein du Crédit Mutuel, avait contesté les trois opérations effectuées, qui étaient selon elle, frauduleuses, et en demandait le remboursement à la caisse du crédit mutuel. Le client, Monsieur X, avait donc assigné la Caisse du Crédit Mutuel en paiement/remboursement de la somme perdue.

    La juridiction de proximité de Lille, saisie du litige, avait alors condamné le crédit Mutuel de Wattignies par un jugement en date du 17 mars 2015 rendu en dernier ressort.

    En effet, pour la juridiction, la preuve que Monsieur X avait dévoilé ses données personnelles n’était pas rapportée par la Caisse. Celle-ci avait donc commis un manquement à ses obligations contractuelles en transmettant à un tiers, un code de confirmation pour valider les opérations non-désirées.

    Le crédit Mutuel a donc formé un pourvoi en cassation contre ce jugement de la juridiction de proximité de Lille.

    La caisse du crédit mutuel se bornait ici à évoquer l’hypothèse d’un hameçonnage en avançant le fait que M. X avait possiblement répondu à un courriel frauduleux qu’il pensait émaner de ladite Caisse et avait ainsi renseigné un certain nombre de points, correspondant à ses données personnelles.

    Le principe du phishing est de récupérer des données personnelles sur interne de manière frauduleuse. Le moyen utilisé est l’usurpation d’identité, adaptée au support numérique. L’escroquerie repose le plus fréquemment sur la contrefaçon d’un site internet (celui d’une banque ou d’un marchand en ligne). L’adresse URL du lien comprise dans le mail est également « masquée » afin de paraître authentique.

    Les juges de la chambre commerciale, dans cet arrêt du 18 janvier 2017, ont rejeté le moyen avancé par la Caisse du Crédit Mutuel pour défaut de fondement.

    Ils ont ainsi rappelé que selon les articles L. 133-16/ L. 133-17 du Code monétaire et financier, si c’est à l’utilisateur des moyens de paiements de prendre des mesures raisonnables tendant à préserver la sécurité du dispositif de sécurité, celui-ci devait ensuite prévenir sans tarder son prestataire de l’utilisation non-autorisée de l’instrument de paiement ou des données.

    Cependant, c’est à ce prestataire de rapporter la preuve qu’il y a eu un agissement frauduleux de l’utilisateur ou qu’il n’a pas satisfait à ses obligations par négligence ou volonté.

    Les juges du droit ont ajouté que cette preuve ne pouvait se déduire du seul fait que les instruments/données aient effectivement été utilisées.

    Ainsi, la preuve d'une intention frauduleuse dans la divulgation des données personnelles ne pouvant être rapportée, la Caisse du Crédit Mutuel devait donc rembourser la somme perdue.

    Rappelons que la Cour de cassation est compétente en premier et en dernier ressort lorsque la décision rendue n'est pas susceptible d'appel parce que l'intérêt du litige concerne une créance dont le montant est inférieur à 4 000€.

    Dans cette décision, la Cour de cassation a donc eu l’occasion de rappeler qu’il revient au prestataire de rapporter la preuve que l’utilisateur, qui nie avoir autorisé une opération de paiement, a agi frauduleusement ou n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence à ses obligations.

    Ainsi, une banque ne peut seulement invoquer l’hypothèse d’un hameçonnage pour éviter d’engager sa responsabilité, mais doit prouver que son client a bien été victime d’une telle action sans quoi elle se devra de rembourser son client.

    Cette décision est à rapprocher de la lignée jurisprudentielle de la première chambre civile (exemple de l’arrêt du 28 mars 2008) ou encore de la lignée de la chambre commerciale (arrêt du 21 septembre 2010). Cette décision, tout comme la lignée jurisprudentielle est en effet en faveur du consommateur.

    Jordy SASSUS-BOURDA

    Sources :

    Chambre commerciale, arrêt du 18 janvier 2017 n°15-18.108

    M. REES "Pour la Cour de cassation, c’est à la banque de prouver une arnaque par phishing", NEXTINPACT, 19/01/2017M. REES "Pour la Cour de cassation, c’est à la banque de prouver une arnaque par phishing", NEXTINPACT, 19/01/2017

    Définition de l'hameconnage/phishing de la DGCCRF

     

  • Prêt immobilier : clause d’exigibilité anticipée en cas de fourniture de faux relevés bancaires abusive ?

    Article publié le 19 février 2021

     

    Dans un arrêt rendu par la première chambre civile de cassation, en date du 20 janvier 2021 (n°18-24.297), les juges ont décidé que la clause qui prévoit sans ambiguïté une exigibilité anticipée du prêt en cas de souscription de mauvaise foi, sans priver lemprunteur de recourir au juge, nest pas abusive, même en labsence de préavis et de défaillance dans le remboursement.

  • Devoir de mise en garde des banques et caractère averti de l’emprunteur : les rappels de la Cour de cassation

    Article publié le 5 février 2023

     

    Cass. Com., 4 janvier 2023, n°15-20.117

     

     

  • La responsabilité de la victime de phishing en cas de fraude à la carte bancaire

    Article publié le 17 janvier 2018

     

    La carte bancaire est un outil essentiel du quotidien. Ainsi, pour faciliter son utilisation, la loi protège efficacement le porteur de la carte en cas de fraude. Toutefois, dans un arrêt du 25 octobre 2017, la chambre commerciale de la Cour de cassation est venue apporter des précisions sur la responsabilité du porteur de la carte en cas de fraude par phishing.

    En l’espèce, la titulaire de la carte bancaire avait fait opposition auprès de sa banque après avoir reçu deux messages sur son téléphone lui communiquant un code pour valider deux paiements internet qu’elle n’avait pas réalisés. Elle demanda par la suite à la banque de lui rembourser les sommes prélevées frauduleusement et de réparer son préjudice moral. Cependant, il fut établi que la victime avait notamment communiqué les informations de sa carte bancaire (noms, numéros, date d’expiration, cryptogramme) en répondant à un courriel présenté comme émanant de l’opérateur téléphonique SFR.

  • Rappel sur le devoir de mise en garde du banquier envers la caution non avertie

    Article publié le 24 janvier 2018

     

    Le 15 novembre 2017, la chambre commerciale de la Cour de cassation est venue affiner sa jurisprudence concernant le devoir de mise en garde auquel est soumis le banquier envers la caution non avertie.

    En l’espèce, un établissement bancaire a consenti à une société un prêt visant à financer l’acquisition d’un fonds de commerce. Le prêt est garanti par un nantissement et un cautionnement solidaire de la gérante de la société. A la suite d’un défaut de paiement de l’emprunteur, la banque a décidé d’actionner la caution en paiement. La caution a alors engagé la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde.

    La cour d’appel de Pau, dans un arrêt du 14 décembre 2015, a statué en faveur de la caution et condamné par conséquent la banque au paiement de dommages-intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde.

  • L’obligation pour le juge de soulever d’office le caractère abusif d’une clause invoquée par une partie au litige

    Article publié le 11 février 2019

     

    Dans un arrêt rendu le 10 octobre 2018, la première chambre civile de la Cour de cassation a affirmé que le juge était soumis à une obligation de relever d’office le caractère abusif d’une clause qui est invoquée par une des parties au litige.

    En l’espèce, la Banque de Tahiti avait consenti à un particulier un prêt immobilier pour un montant total de 30 000 000 francs CFP, lequel était remboursable en deux-cent quarante mensualités. Ce prêt était également assorti d’un cautionnement et avait pour finalité de financer la construction de la résidence principale du particulier.

    Cependant, la banque constate une inexactitude dans la déclaration de son client. En vertu de l’article 9 de ses conditions générales relatif à ce cas, elle réclame le paiement anticipé des deux-cent quarante mensualités. Subrogée dans les droits de la banque, c’est la caution qui assigne le consommateur en paiement.