Le non-respect de la déclaration d’affectation de l’entrepreneur individuel constitue un manquement grave justifiant la réunion de ses patrimoines

Article publié le 14 avril 2018

 

Le recours au statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée permet à un entrepreneur de séparer ses patrimoines personnels et professionnels par le biais d’une déclaration d’affectation de patrimoine. Que se passe-t-il si la déclaration d’affectation ne contient aucun élément de l’activité professionnelle ? S’agit-il d’un manquement grave ? Est-il possible de prononcer la réunion des patrimoines ?

Pour la première fois, la chambre commerciale de la Cour de cassation est venue répondre à ces questions dans un arrêt du 7 février 2018.

En l’espèce, un entrepreneur individuel a déposé une déclaration d’affectation de patrimoine dans le but d’exercer son activité de vente. Le 1er juillet 2014, il a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire dans le cadre de son activité professionnelle. Toutefois, le liquidateur a constaté que la déclaration d’affectation de patrimoine ne comportait aucune mention relative aux éléments affectés à son activité. Ainsi, il a demandé la réunion de ses patrimoines.

La loi du 15 juin 2010[1] permet à un entrepreneur individuel à responsabilité limitée d’affecter une partie de ses biens à une activité professionnelle, et ainsi disposer de plusieurs patrimoines. Cependant, le législateur a prévu des cas de réunion des patrimoines faisant perdre au débiteur le bénéfice de la déclaration d’affectation.

La cour d’appel d’Angers le 5 juillet 2016 a débouté le liquidateur de sa demande de réunion des patrimoines, estimant que « l’absence de mention dans la déclaration d’affectation des biens nécessaires à l’activité professionnelle ou une déclaration complémentaire ne caractérise en soi ni une condition des patrimoines professionnel et personnel, ni un manquement grave aux règles de l’alinéa 2 de l’article L. 526-6 du code de commerce ».

La Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la cour d’appel au visa des articles L. 526-6, L. 526-7, L. 526-8 et L. 526-12 du Code de commerce, ensemble l’article L. 621-2, alinéa 3 du même Code « qu’il résulte de la combinaison de ces textes qu’un entrepreneur individuel à responsabilité limitée doit affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel et que la constitution du patrimoine affecté résulte du dépôt d’une déclaration devant comporter un état descriptif des biens, droits, obligations ou sûretés affectés à l’activité professionnelle, en nature, qualité, quantité et valeur ; que le dépôt d’une déclaration d’affectation ne mentionnant aucun de ces éléments constitue en conséquence un manquement grave, de nature à justifier la réunion des patrimoines ».

En ce sens, la chambre commerciale estime qu’une déclaration ne comportant aucune mention des éléments affectés à l’activité professionnel de l’entrepreneur justifie la réunion de ses patrimoines.

L’article L. 621-2 du Code de commerce prévoit en son alinéa 3 quatre cas d’extension d’une procédure collective à l’encontre de l’entrepreneur individuel Il s’agit de l’existence d’une confusion des patrimoines, du manquement grave aux règles d’affectation prévues à l’alinéa 2 de l’article L. 526-6 du même Code, du manquement grave aux règles comptables et enfin, de la fraude à l’égard d’un créancier titulaire d’un droit de gage général sur le patrimoine visé par la procédure.

Parmi ces causes de réunion des patrimoines figure le non-respect de l’article L. 526-6 du Code de commerce, article faisant l’objet d’une violation en l’espèce.

L’article prévoyant un « manquement grave » pour permettre la réunion des patrimoines, les juges du droit ont dû se demander si l’absence dans la déclaration d’affectation de l’entrepreneur individuel des biens affectés à l’activité professionnelle constituait un manquement grave.

Les juges estiment qu’il s’agit bien d’un manquement grave. Cette décision semble conforme à la fonction qu’occupe la déclaration de patrimoine.  En effet cette dernière a pour objectif de séparer les patrimoines de l’entrepreneur individuel. Dès lors, si la déclaration ne fait aucune mention des biens que l’entrepreneur souhaite affecter à son activité professionnelle, il n’existe aucune séparation de patrimoines.

En définitive cette solution justifie bien une réunion des patrimoines de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

 

Charline LE CHEVILLER

 

Sources :

-          Com. 7 février 2018, n° 16-24.481.

-          Lienhard A. EIRL : manquement grave sanctionné par la réunion des patrimoines, Dalloz actualités, 09 février 2018, www.dalloz-atualite.fr  

 


[1] Loi n° 2010-658 du 15 juin 2010

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