La rémunération des dirigeants de sociétés cotées - Loi sapin II du 9 décembre 2016 N°2016-16-91

Article publié le 5 février 2017

 

La loi Sapin II[1], publiée le 10 décembre au journal Officiel, entrant dans le cadre de la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique, a réformé le système de rémunération des dirigeants mandataires sociaux dans les sociétés cotées, en imposant à partir de 2017, un vote contraignant des actionnaires.

Cette loi vient modifier le principe du « Say on Pay » français. Il s’agit d’une procédure de consultation des actionnaires sur la rémunération individuelle des dirigeants mandataires sociaux. Celui-ci a été intégré dans la version du 16 juin 2013 du code AFEP-MEDEF[2] en son article 24-3, code notamment révisé le 24 novembre 2016. Cependant, cette procédure n’était que d’ordre consultatif, n’offrant pas de réel pouvoir aux actionnaires. La loi Sapin II modifie ainsi leur pouvoir en rendant ce vote contraignant, ainsi qu’en y insérant une obligation de réitération chaque année. Cette disposition offre alors un réel impact sur la rémunération des dirigeants, allant même jusqu’à la possibilité d’en bloquer les évolutions.

Concernant le déroulement du vote :

Il intervient en deux temps. Premièrement, les actionnaires vont voter sur les principes et les critères de détermination, de répartition et d’attribution de tous les éléments constituant la rémunération future des dirigeants. Le conseil d’administration ou de surveillance doit établir un projet de résolution où figurent les éléments de rémunération de chacun des dirigeants. Ce projet est alors présenté par la suite dans un rapport joint au rapport annuel et au rapport sur l’état de la participation des salariés au capital social. Pour l’année 2017, si l’assemblée générale n’approuve pas la résolution, ce sont les dispositions de l’année précédente qui continuent à s’appliquer.

Deuxièmement, la rémunération est soumise à un vote a posteriori des actionnaires au titre de l’exercice précédent. Une fois l’exercice clos, l’assemblée générale ordinaire va statuer sur tous les éléments composant la rémunération dont bénéficiait les dirigeants concernés au titre de l’exercice antérieur. Ce vote conditionne l’attribution des éléments de rémunération variables ou exceptionnels, mais il ne peut cependant pas remettre en cause les éléments de rémunération fixes déjà versés

Concernant l’impact de cette modification :

Comme énoncé précédemment, la loi sapin II modifie le mécanisme du « Say on Pay » du code AFEP-MEDEF, faisant du vote consultatif un vote contraignant. Cependant, quelques imprécisions persistent. Le texte indique que « si l’assemblée générale n’approuve pas la politique de rémunération, la rémunération est déterminée conformément à la rémunération attribuée au titre de l’exercice précédent, ou en l’absence de rémunération attribuée au titre de l’exercice précédent, conformément aux pratiques existant au sein de la société ». Le terme de pratiques existant au sein de la société vient en effet nuancer l’utilité de cette réforme, car renvoyant ainsi la véritable détermination de la rémunération à l’organe qui définit cette pratique. Ainsi, le pouvoir offert aux actionnaires serait inutile car ils ne disposeraient pas du dernier mot.  

Une modification essentielle se démarque cependant, celle de l’approbation ex ante annuelle, qui remplace alors le vote ex post du « Say on Pay » classique. Cette modification marque la volonté d’accroitre le pouvoir des actionnaires en matière de détermination de la rémunération des dirigeants. De plus, le « Say on Pay », dans sa rédaction classique, visait les « dirigeants mandataires sociaux ». La loi Sapin II pour sa part, va modifier cette identification par le biais des articles L 225-37-2 et L 225-82-2 du code de commerce[3]. Sont donc expressément visés ; le président, le directeur général, le directeur général délégué, les membres du directoire ainsi que les membres du conseil de surveillance.  

Ces modifications interviennent dans un contexte particulier, où de nombreux pays adoptent tour à tour un principe de « Say on Pay » contraignant, principalement en Scandinavie[4]. Ce renforcement peut également être mis en relation avec la modification de la directive 2007/36/CE[5] concernant les droits des actionnaires des sociétés cotées. Ce contexte reflète la volonté de renforcer la démocratie actionnariale et de rompre avec la tradition des rémunérations excessives des dirigeants. Bien qu’hésitantes, ces réformes montrent la volonté de contrôler ces rémunérations, bien trop souvent objets de scandales sociaux.

Gwenn DE CHATEAUBOURG

Sources :


 
  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire