La contrariété à l'intérêt social n'est pas une cause de nullité des délibérations sociétaires

Article publié le 12 février 2021

 

Par un arrêt du 13 janvier 2021[1], la chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée sur la nullité des délibérations sociétaires.

En l’espèce, un gérant majoritaire ainsi que son épouse ont consenti une promesse de cession de l’intégralité de leurs parts à une société. La promesse de cession était conditionnée à l’acquisition du fonds artisanal du gérant majoritaire par la société. Ce fonds artisanal était déjà exploité par la société dans le cadre d’une location-gérance. Lors de deux assemblées générales de la société, le gérant majoritaire obtient une prime au titre de ses fonctions de dirigeant et une autre prime pour un rappel de salaire. Par acte sous seing privé, la promesse de cession est réitérée et la prime versée au gérant majoritaire a été inscrite. Par suite, le cessionnaire, devenu le nouveau dirigeant, refuse de verser les primes dues au cédant, considérant ces primes comme des actes anormaux de gestion mettant en péril les intérêts de la société.

Le cédant assigne la société au versement des primes qui lui sont normalement dues. Le nouveau dirigeant est intervenu à l’instance pour demander l’annulation des résolutions des assemblées générales justifiées par un abus de majorité.

La Cour d’appel de Bourges[2] fait annuler les délibérations adoptées lors des deux assemblées générales, en estimant que « les primes allouées au cédant constituent des rémunérations abusives comme étant manifestement excessives et contraires à l’intérêt social ».

Le cédant forme alors un pourvoi en cassation à l’encontre de cette décision. La Cour de cassation censure les juges du fonds. Elle considère que les juges du fonds n’ont pas caractérisé une violation aux dispositions légales qui s’imposent normalement aux sociétés commerciales, ni relevés l’existence d’une fraude, ni relevés un abus de droit, qui sont les fondements de la contrariété des délibérations à l’intérêt social d’une entreprise. La Cour de cassation va préciser qu’une « délibération de l’assemblée générale des associés d’une société octroyant une rémunération exceptionnelle à son dirigeant ne peut être annulée qu’en cas de violation des dispositions impératives du Livre II du code de commerce ou de violation des lois qui régissent les contrats, et non au seul motif de sa contrariété à l’intérêt social, sauf fraude ou abus de droit commis par un ou plusieurs associés pour favoriser ses ou leurs intérêts au détriment de ceux d’un ou plusieurs autres associés ».

La Cour de cassation a souhaité refuser de faire de la simple contrariété à l’intérêt social une cause de nullité des délibérations sociétaires[3]. La Haute juridiction accepte seulement la fraude et l’abus de droit pour faire annuler une délibération sociétaire. Dans les autres cas, il faut une décision prise en assemblée générale en faveur d’un actionnaire majoritaire au détriment des actionnaires minoritaires pour caractériser un abus de majorité. C’est une solution qui tend à protéger un actionnaire majoritaire. En observant cette décision, les actionnaires minoritaires peuvent s’estimer lésé puisqu’il n’est pas facile dans leurs cas de justifier qu’une décision a été prise en leur défaveur. D’autant plus que dans le cas d’espèce, les primes équivalaient à treize fois le résultat annuel de la société !

En résumé, les actionnaires minoritaires disposent de trois armes pour se défendre : la fraude, l’abus de droit et la violation aux dispositions légales qui s’imposent aux sociétés commerciales.

Le 18 mars 2020[4], la Cour de cassation a rappelé, au visa de l’article L235-9, alinéa 1er, du code de commerce que l’action en nullité d’une délibération d’une assemblée générale est soumise à la prescription triennale.

 

Tybault COSTIOU 


[1] Cass. soc., 13 janv. 2021, n°18-21.860

[2] CA Bourges, 14 juin 2018

[3] G. Carteret, « Exclusion de la simple contrariété à l’intérêt social comme cause de nullité des délibérations sociétaires, 20 janv. 2021, www.Lamyline.fr

[4] Cass. soc., 18 mars 2020, n°18-16.099

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