Rappel des limites des pouvoirs du JLD en matière de soins psychiatriques sans consentement.

Article publié le 21 juin 2016

 

Civ 1ère, 11 mai 2016, F-P+B, n°15-16.233

Depuis janvier 2013, les illégalités externes (incompétence, vice de forme, vice de procédure) des décisions administratives d'admission peuvent être soulevées devant le Juge des libertés et de la détention. D'ailleurs l'article L.3216-1 du Code de la santé publique précise que désormais, seul le juge judiciaire connaitra des irrégularités des décisions administratives relatives aux admissions en soins psychiatriques sans consentement.

Dans un arrêt du 11 mai 2016, les juges de la première chambre civile de la Cour de Cassation rappel le domaine d'application du texte.

En l'espèce après avoir fait l'objet de plusieurs mesures de soins psychiatriques sans consentement, un homme a été pris en charge sous la forme d'un programme de soins.  Contestant cette mesure, l'homme a procédé à la saisine du Juge des libertés et de la détention.

Le magistrat a accédé à sa requête en prononçant l'annulation de la décision d'admission, allant au-delà de ce que les textes lui permettaient.

Toutefois, cette initiative n'aura pas été payante puisque les juges de la Cour de Cassation cassent et annulent l'ordonnance rendue.

Selon eux le juge a outrepassé ses pouvoirs car il ressort de l'article L.3216-1 du Code de la santé publique, que « si le juge judiciaire connait des contestations sur la régularité des décisions administratives de soins sans consentement, il ne peut que prononcer la mainlevée de la mesure, s'il est résulté, de l'irrégularité qu'il constate, une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet. »

Deux points majeurs ressortent de cette décision. Les juges rappellent tout d’abord que le juge judiciaire dispose de pouvoirs limités en la matière puisqu'il ne peut prononcer qu'une mainlevée des décisions visées à l'article suscité et non pas une annulation. Ensuite, il est rappelé que  l'irrégularité relevée doit porter atteinte aux droits du demandeur, à charge pour le juge de la caractériser.  La mainlevée interviendra uniquement dans cette hypothèse.

Il n'est pas surprenant ici que le juge ait été sanctionné pour excès de pouvoir puisque le texte précise bien que « le juge des libertés et de la détention connaît des contestations mentionnées au premier alinéa du présent article dans le cadre des instances introduites en application des articles L.3211-12 et L.3211-12-1. Dans ce cas, l'irrégularité affectant une décision administrative mentionnée au premier alinéa du présent article n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet ».

Cependant si la cassation n'étonne pas au vu du texte, on aurait pu penser que la Cour de Cassation profite de cet arrêt pour se pencher sur le problème du grief que requière cet arrêt.

En effet, ce texte pose à notre sens une question assez épineuse : Comment savoir si l'irrégularité porte atteinte aux droits de la personne ?

Pour répondre à cette question le texte nous est très peu utile puisqu'il ne qualifie pas l'atteinte. Il est donc difficile de savoir s'il est ici exigé une atteinte grave ou si une atteinte plus faible suffit.

Toutefois, ne devrions-nous pas considérer que le simple fait de se faire interner contre sa volonté soit déjà une atteinte aux droits ? Etant donné la procédure stricte qui encadre cette mesure nous pourrions être amenés à cette conclusion.

De ce fait, il serait donc logique de penser que toute irrégularité entraine une atteinte aux droits et par conséquent une mainlevée.

C'est en tous les cas ce que laissait penser Madame Nicole Questiaux lorsqu’elle a confirmé lors du colloque organisé par le syndicat de la magistrature le 23 novembre 2012 qu' « un juge est tenu à l'application des procédures et si un certificat manque ou si un délai est dépassé, il n'a pas de marge de manœuvre et le patient sort de l'établissement. »

Néanmoins, cette déclaration semble être en contradiction avec l'idée première du Législateur, sinon comment expliquer que ce dernier ait pris la peine d'ajouter cette condition ?

 

Lucie PARIS

 

 

 

 

 

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