Les actions en responsabilité civile à l’encontre du liquidateur d’une procédure collective

Article publié le 14 avril 2019

 

La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 5 décembre 2018, s’est prononcée sur un cas de responsabilité civile du liquidateur de la procédure collective. Il en ressort que, par application de l’article R.662-3 du code de commerce, le tribunal de la procédure collective n’est pas compétent pour statuer sur des actions en responsabilité civile exercées contre l’administrateur, le mandataire judiciaire, le commissaire à l’exécution du plan ou le liquidateur. En effet, ces actions relèvent de la compétence du tribunal de grande instance.

En l’espèce, la société civile immobilière Les Hautes Terres (la SCI) avait pour gérante Mme X, épouse Y et pour directeur associé M. Z. Cette société a été mise en redressement judiciaire le 8 décembre 1998. Elle a bénéficié d’un plan de continuation d’une durée de trois ans le 17 août 1999. La société C a été nommée commissaire à l’exécution du plan. La durée de ce plan a ensuite été prorogée le 13 septembre 2003. Puis, un jugement du 10 avril 2007 a prononcé la résolution de ce plan et la liquidation judiciaire de la SCI. Un arrêt de Cour d’appel du 24 avril 2008 confirmait le jugement du 10 avril 2007. Cependant, cet arrêt a été cassé par la Cour de cassation par un arrêt du 16 juin 2009 mais uniquement en ce qu’il prononçait la liquidation judiciaire de la SCI.

Mme X et M. Z reprochaient à la société d’avoir commis des fautes. Ils ont donc demandé, devant la Cour d’appel de renvoi suite à la cassation, à titre reconventionnel, la condamnation de la société C au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 200 000 euros.

La Cour d’appel de Lyon a rendu son arrêt le 1er juin 2017. Les juges du fond ont déclaré cette demande indemnitaire irrecevable. En effet une demande reconventionnelle en appel est recevable uniquement si elle est rattachée aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Les demandeurs reprochent à la cour d’appel de ne pas avoir vérifié ce lien. La SCI, Mme X et M. Z se sont alors pourvus en cassation, il s’agit là du pourvoi principal. En effet, un pourvoi incident a été formé par la société E ès qualité de liquidateur judiciaire. La société E fait grief à l’arrêt d’infirmer le jugement prononçant la liquidation judiciaire de la SCI et de dire que cette dernière n’était pas, au jour du prononcé du jugement, en état de cessation des paiements.

Sur le pourvoi principal, pour la Cour de cassation, la décision de la Cour d’appel est justifiée par un motif de pur droit. Il résulte de l’article R662-3 du code de commerce que le tribunal de procédure collective n’est pas compétent pour connaitre des actions en responsabilité civile exercées contre l’administrateur, le mandataire judiciaire, le commissaire à l’exécution du plan ou le liquidateur. Ces actions relèvent de la compétence du tribunal de grande instance. De ce fait, la demande indemnitaire formée contre la société E fondée sur la responsabilité civile du liquidateur n’est pas recevable devant la Cour d’appel qui statue avec les seuls pouvoirs du tribunal de la procédure collective en matière de résolution du plan et de prononcé de la liquidation judiciaire. La Cour de cassation rejette donc le pourvoi principal. Une telle demande doit donc être introduite devant le Tribunal de grande instance.

En ce qui concerne le pourvoi incident du mandataire-liquidateur, la Cour d’appel a retenu un montant total de passif exigible s’élevant à la somme de 428 436,81 euros, inférieur à l’actif disponible qui est de 527 809,11 euros. C’est pourquoi elle a considéré que la SCI n’était pas en état de cessation des paiements. Cependant la Haute juridiction caractérise le mode de calcul des juges du fond comme étant inintelligible. Le passif exigible correspond en réalité à une somme supérieure à l’actif disponible, la SCI est donc en état de cessation des paiements. La Cour d’appel a donc violé l’article L631-1 du code de commerce.

La Haute juridiction casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel en ce qu’il infirme le jugement ayant prononcé la liquidation judiciaire de la SCI et en ce qu’il dise que la SCI n’était pas en état de cessation des paiements. Sur ce point, les parties sont renvoyées devant la Cour d’appel de Lyon.

Cet arrêt permet à la Cour de cassation de rappeler que le tribunal en charge de la procédure collective n’est pas compétent pour connaitre des actions en responsabilité civile exercées à l’encontre du liquidateur, même dans le cadre de demandes reconventionnelles. En effet, ces actions sont de la compétence exclusive du tribunal de grande instance. A l’occasion d’un litige où le mandataire intervient au titre de la mission qui lui est confiée dans le cadre de la procédure collective, un grief le visant personnellement est irrecevable.

Ophélie WECK

Sources :

  • 1 vote. Moyenne 5 sur 5.

Ajouter un commentaire