Chambre commerciale 18 janvier 2017 : Le mandant d’une procédure collective peut déclarer sa créance de restitution afin de la voir admettre

Article publié le 28 janvier 2017

 

Dans cet arrêt, la Cour de cassation s’est prononcée sur la faculté pour un mandant, de déclarer sa créance au passif de son mandataire sans préjudice de la mise en œuvre d’une garantie financière.

Dans cette affaire, une société exploitant une agence immobilière avec une activité d’administrateur de biens avait été mise en liquidation judiciaire le 19 novembre 2012. Un de ses mandants, propriétaire de locaux dont la gestion locative avait été confiée à l’agence, avait déclaré sa créance au passif de la procédure collective. Cela avait été fait au titre des loyers encaissés par l’agence en sa qualité de mandataire. La créance avait été admise par le juge commissaire le 23 janvier 2014.

Une société, auprès de laquelle l’agence avait souscrit une garantie financière, a formé une réclamation contre l’état des créances. Cette dernière faisait donc grief à l’ordonnance du 19 janvier 2015 de rejeter leur réclamation et de dire que la créance au passif de l’agence ne les exonérait pas de leur engagement contractuel de garant financier.

Les questions qui se posaient à la chambre commerciale étaient les suivantes :

Le mandant d’un administrateur de bien possède-t-il la faculté d’agir en justice contre son mandataire et ce sans préjudice de la mise en œuvre d’une garantie financière ?

L’admission d’une créance au passif de la procédure collective exonère-t-elle le garant financier de la société en liquidation de ses engagements contractuels ?

La chambre commerciale, dans son arrêt du 18 janvier 2017, a rejeté le pourvoi de la société possédant la garantie financière.

Pour la première question, les juges du droit ont pu observer à juste titre que lorsque l’administrateur de bien est en procédure collective, le mandant auquel les versements n’ont pas été restitués par le mandataire, peut déclarer sa créance de restitution au passif de l’administrateur de bien. En effet, l’exercice de cette faculté ne remettait pas en cause l’affectation au remboursement des fonds déposés de la garantie financière.

Pour ce qui est de la seconde question, la chambre commerciale a confirmé la décision du juge-commissaire. En effet, celui-ci avait retenu à bon droit que l’admission d’une telle créance n’exonérait pas le garant financier de son engagement contractuel.

Pour comprendre cet arrêt, il faut savoir que le litige ne portait ici pas sur la déclaration de la créance, qui avait été effectuée dans les délais semble-t-il, mais sur son admission.

La chambre commerciale, dans un arrêt du 15 février 2011, avait pourtant pu observer que le mandant d’une agence immobilière en liquidation judiciaire, n’avait pas à déclarer sa créance de restitution résultant des dispositions de la loi du 2 janvier 1970. En effet, cette créance échappait par sa nature aux dispositions de la procédure collective pour ce qui est des créances antérieures au jugement d’ouverture. Pour la chambre commerciale, le créancier n’était pas dans l’obligation et plus précisément, ne devait pas déclarer sa créance, car celle-ci ne devait pas être admise au passif de la procédure collective.

Cette créance semblait donc hors concours et soit le débiteur s’acquittait de la dette malgré l’interdiction de payer les créances antérieures, soit la garantie financière jouait. Dans les deux cas, la discipline de la procédure collective ne devait pas lui être opposée.

Cette position avait déjà été adoptée par l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation dans un arrêt du 4 juin 1999. En général, une demande de restitution de fonds ne peut être formée par voie de revendication, la seule voie ouverte étant de déclarer la créance à la procédure collective (Chambre commerciale 22 mai 2013 par exemple).

En l’espèce, c’était sur cette jurisprudence que s’appuyait la société au profit de laquelle avait été inscrite la garantie financière. Dans son pourvoi, la société garantissant financièrement l’agence immobilière reprenait à l’identique la solution du 15 février 2011 précitée.

Cependant, et c’est là que la situation est curieuse, la chambre commerciale refuse aujourd’hui cette argumentation qu’elle avait pourtant mise en place précédemment. Cela pourrait-s’expliquer par sa volonté de protéger les clients des agences immobilières en leur permettant de ne pas déclarer leur créance.

Cette solution, si elle est reprise, pourrait apporter encore plus de contentieux dans les procédures collectives appliquées aux agences immobilières.

En effet, faudrait-il mieux déclarer sa créance au passif d’une procédure collective quand on sait les chances de la recouvrer ? Ou préférer la recouvrer par le biais d’une demande en restitution de fonds ?

L’avenir nous le dira encore une fois.

Jordy SASSUS-BOURDA

Sources

Chambre commerciale, 18 janvier 2017 n°15-16531

Alain Lienhard "Déclaration de créances : créance de restitution du mandant d'une agence immobilière"; Dalloz Actualité 26 janvier 2017

Chambre commerciale, 15 février 2011 n°10-10.056

 

 

 
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