Saisie-attribution des comptes d’un État étranger : la preuve contraire à la présomption d’affectation incombe au créancier

Article publié le 09 février 2021

 

Par un arrêt rendu le 3 février 2021[1], la Cour de cassation rappelle que dans le cadre de la saisie-attribution des comptes d'un État étranger, le créancier doit rapporter la preuve que les comptes bancaires ne bénéficient pas de la présomption d’affectation à l’accomplissement des fonctions des missions diplomatiques.

 

En l’espèce, en l’exécution de deux sentences arbitrales [2] une société créancière réalise entre les mains d’une banque la saisie-attribution de divers comptes ouverts au nom de la mission diplomatique de l’État de la République du Congo à Paris qui a été condamné à lui payer diverses sommes. Cet État conteste ces mesures et oppose son immunité souveraine d’exécution[3].

            La cour d’appel de Paris [4] accède à sa demande et ordonne la mainlevée de la saisie. Elle estime qu’il « est de principe que les comptes bancaires ouverts par une ambassade sont présumés affectés à l’exercice de la mission diplomatique de celle-ci[5] » et donc que la charge de la preuve que les comptes bancaires en cause n’étaient pas affectés à des fins diplomatiques pesait sur la société demanderesse.

La société conteste cette décision et se pourvoi en cassation. Elle fait grief à l’arrêt d’appel de ne pas préciser le fondement juridique de sa décision et soutient qu’en application de l’article 1315 du Code civil, la charge de la preuve est inversée et que c’était à la République du Congo de « prouver que les comptes avaient été ouverts pour l’exercice de ses missions diplomatiques pour que les fonds déposés puissent bénéficier de la présomption d’affectation à l’exercice de ses missions[6]

            Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation rappelle, dans un premier temps, que selon « droit international coutumier, les missions diplomatiques des États étrangers bénéficient, pour le fonctionnement de la représentation de l’État accréditaire, d’une immunité d’exécution à laquelle il ne peut être renoncé que de façon expresse et spéciale[7]

De plus, cette « immunité s’étend, notamment, aux fonds déposés sur les comptes bancaires des missions diplomatiques, lesquels sont présumés être affectés aux besoins de la mission de souveraineté de l’État accréditaire[8]

Or en l’espèce, « il n’était pas discuté que la République du Congo n’avait pas renoncé de façon expresse et spéciale à son immunité d’exécution sur ses biens diplomatiques[9]. » Par conséquent l’immunité d’exécution pouvait valablement s’appliquer.

 

            La Haute juridiction retient dans un second temps que « l’intitulé des comptes bancaires saisis, à l’exception de deux d’entre eux, confortait la présomption d’affectation des fonds les créditant à l’exercice de la mission diplomatique de la représentation du Congo en France[10]

Elle rappelle que cette présomption cède devant la preuve contraire qui pouvait d’ailleurs être rapportée par tous moyens par le créancier. En ce sens, cette mission n’était pas rendue impossible par la nature étatique de l’adversaire.

Cependant, en l’espèce, la société créancière n’avait pas rapporté la preuve contraire.

            La Cour de cassation décide ainsi le rejet du pourvoi et donne ainsi raison à la cour d’appel de Paris concernant la mainlevée de la saisie.

            Cet arrêt s’inscrit comme un nouvel épisode dans la bataille juridique qui oppose l’État de la République du Congo contre cette société créancière qui demande le recouvrement de sa créance de plus d’un milliard d’euros[11]. Cette saga judiciaire a déjà permis une évolution prétorienne relative à la forme de la renonciation d’un État à son immunité d’exécution[12]. Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation se borne à confirmer le respect du droit international coutumier et réitère une décision antérieure[13] qui avait déjà établi que pour effectuer la saisie de compte d’un État étranger, le créancier se doit de rapporter la preuve contraire à la présomption d’affectation qui est justifiée par la nécessité de préserver la mission diplomatique.

 

Nelvana Arnaux.


[1] Cass. 1re  Civ., 3 février 2021, n°19-10.669.

[2] Sentences arbitrales rendues les 3 décembre 2000 et 21 janvier 2013.

[3] Article L.111-1 aliéna 3 du Code des procédures civiles d’exécution qui énonce que « L'exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d'une immunité d'exécution. »

[4] Cour d’appel de Paris, le 6 septembre 2018.

[5] Cass. Civ., op.cit., point 3.1°.

[6] Cass. Civ., op.cit., point 3.3°.

[7] Cass. Civ., op.cit., point 5.

[8] Cass. Civ., op.cit., point 5.

[9] Cass. Civ., op.cit., point 7.

[10] Cass. Civ., op.cit., point 7.

[11] RFI. (2018, 11 janvier). Affaire Commisimpex au Congo-B : la justice française annule les saisies.

            https://www.rfi.fr/fr/afrique/20180111-affaire-commisimpex-congo-b-justice-francaise-annule-saisies

[12] Cass. 1re civ., 10 janvier 2018, n° 16-22.494, n° 3 P + B + I : la renonciation à l’immunité d’exécution doit à la fois être expresse et spéciale.

[13] Cass. 1re civ., 28 septembre 2011, n° 09-72.057.

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