L’existence de faits de harcèlement moral ne suffit pas à invalider la rupture conventionnelle d’un contrat de travail

Dans un arrêt rendu par la chambre sociale le 23 janvier 2019, la Cour de cassation a affirmé que des faits de harcèlement moral ne sauraient être à l’origine de la nullité d’une rupture conventionnelle du contrat de travail tant qu’ils n’ont pas vicié le consentement du salarié lors de la signature.

En l’espèce, une salariée avait été engagée en tant qu’agent administratif et commercial par une société en juin 2011. Le 28 avril 2014, une rupture conventionnelle de son contrat est signée mais par la suite, la salarié saisit la juridiction prud’homale afin d’obtenir la nullité de cette rupture conventionnelle. La salariée estime avoir été victime de harcèlement moral et aurait donc signé la rupture conventionnelle de son contrat de travail sous une pression qui aurait vicié son consentement.

La chambre sociale rend sa décision en visant deux articles du Code du travail : le premier, l’article L.1237-11 qui est relatif à la signature de la rupture conventionnelle d’un contrat de travail et le second, l’article L.1152-3 qui prévoit la nullité de tout acte, contrat ou convention, qui serait signé sous l’empire de faits de harcèlement moral.

La Cour de cassation constate, en l’espèce, que la Cour d’appel a estimé que du fait du harcèlement moral qu’elle subissait, la salariée était recevable et légitime à demander la nullité de la rupture de son contrat de travail. Mais ce raisonnement n’est pas suivi par la chambre sociale qui affirme, au contraire, que l’existence de faits de harcèlement moral au moment de la signature d’une rupture conventionnelle d’un contrat de travail doit avoir engendré chez le salarié un vice du consentement qui pourrait entraîner la nullité de cette convention.

En l’espèce, la Haute juridiction constate que la salariée ne rapporte aucune preuve d’un vice du consentement. 

Elle conclut donc que son consentement n’a pu être totalement vicié même si elle était sous l’emprise de faits de harcèlement moral qui auraient été commis par son employeur. C’est pour cette raison que la chambre sociale casse l’arrêt de la Cour d’appel.

Cette solution peut apparaître sévère au regard du salarié qui conteste la validité de la rupture conventionnelle de contrat de travail qui aurait été conclue sous l’emprise d’un employeur se rendant responsable d’un harcèlement moral. En effet, les faits de harcèlement moral peuvent s’avérer redoutables et capables de mettre à mal la confiance des salariés. En l’espèce, la Cour de cassation ne semble pas encline à se pencher sur le bien-être des salariés sur leur lieu de travail, comme elle put autrefois le faire.

En effet, le maintien du contrat qui lie le salarié et son employeur semble davantage importer pour la Haute juridiction, quand bien même sa finalité serait d’encadrer une rupture. Ainsi, la chambre sociale paraît s’inspirer fortement de la réforme du droit des obligations de 2016 pour tenter à tout prix de faire durer les relations contractuelles en les remettant le moins possible en cause. En l’espèce, elle ne constate aucun vice qui aurait altéré le consentement de la salariée au moment de la signature de la rupture conventionnelle. C’est en toute logique que la Haute juridiction retient qu’il n’y a aucune raison de prononcer la nullité de cette convention.

Cet arrêt du 23 janvier 2019 présente ainsi deux pans qui méritent d’être soulevés. Si l’on analyse l’aspect social de la décision, la réponse apportée par la Cour de cassation semble sévère car elle ne protège pas réellement le salarié qui invoque pourtant le harcèlement moral et sous-entend donc une dégradation de ses conditions de travail. Mais lorsque l’on analyse l’aspect contractuel et celui du droit commun des obligations, cette solution se justifie par le souhait de la Cour de cassation de maintenir, autant que faire se peut, le contrat et les décisions des parties contractantes, fût-ce au détriment du salarié qui se prétend victime de harcèlement moral.

 

Cyrille Coste

 

 Sources :

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