Droit du travail

  • Précision sur l’étendue des préjudices réparés par une rente majorée dans le cadre d’un accident du travail

    (Cass. civ. 2, 1er février 2024, n° 22-11.448)

    L’accident du travail est devenu une thématique importante depuis la révolution industrielle. Dans une volonté de mieux apprivoiser les risques et ses conséquences en cas de réalisation, le droit de la protection sociale s’est développé. Il prévoit des règles préventives mais aussi d’indemnisation.

    En l’espèce, un maçon salarié a été victime d’un accident de travail le 6 février 2014. Il a été pris en charge par la caisse générale d’assurance maladie de la Réunion. La victime demande auprès de la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale la reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur ouvrant droit une rente majorée en vertu de l’article L.452-2 du Code de la sécurité sociale. Cependant, il demande aussi un complément des préjudices de la perte de gains professionnels futurs et au titre de l’incidence professionnelle.

    La Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion dans un arrêt du 21 juin 2021, a refusé d’indemniser de manière complémentaire à la rente majorée, les préjudices avancés par la victime. La victime se pourvoit en cassation estimant d’une part, que l’article L.452-3 du Code de la sécurité sociale permet l’indemnisation par l’employeur de préjudices supplémentaires à ceux indemnisé par la rente majorée. Elle argue que si la perte de gains professionnels est indemnisée par la rente, il demeure un préjudice non indemnisé entre la somme de la rente et le préjudice réel.

    D’autre part, concernant l’indemnisation au titre de l’incidence professionnelle, elle estime que la cour d’appel, pour refuser l’indemnisation a, à tort, justifié sa décision en indiquant « que l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité permanente partielle subsistant à la consolidation était indemnisée par la rente allouée et majorée en raison de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ». Selon la victime, la cour d’appel aurait dû différencier le préjudice « lié à la dévalorisation sur le marché du travail et à la nécessité de devoir abandonner son ancien métier » et celui « résultant de l'incapacité permanente partielle subsistant à la consolidation ». En conséquence, d’après le requérant, la cour d’appel aurait dû l’indemniser.

    Le requérant considère aussi que l’accident qui l’a rendu inapte à l’emploi de maçon, ne lui a pas permis de pouvoir prétendre à une promotion. La cour d’appel, en demandant la preuve d’une promotion imminente, a « privé sa décision de toute base légale ».

    La deuxième chambre civile de la Cour de cassation rejette les moyens du requérant. Elle estime dans un premier temps que le préjudice de gain professionnel a été indemnisé par la rente majorée.

    Pour fonder sa décision la Cour de cassation se base sur l’interprétation de l’article L.452-3 du Code de la sécurité sociale donnée lors d’une QPC du Conseil constitutionnel de 2010[1] ainsi que sa propre jurisprudence depuis 2009. Elle explique que depuis lors, que la rente représente la réparation « d'une part, des pertes de gains professionnels et de l'incidence professionnelle de l'incapacité, et d'autre part, du déficit fonctionnel permanent »[2]. Cependant, cette jurisprudence a évolué par deux arrêts du 20 janvier 2023[3]. Dorénavant la rente ne répare plus le déficit fonctionnel permanent. Celui-ci sera indemnisé de manière indépendante. Suivant ce fondement, la rente majorée avait déjà indemnisé les pertes de gains professionnels dus à l’incapacité permanente au jour de la consolidation. Elle ajoute que la différence de préjudice invoqué par le requérant est un préjudice futur impossible à indemniser.

    Sur le second moyen concernant le refus d’indemnisation de l’incidence professionnelle, la Cour de cassation se contente en fondant sa motivation sur l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, de reprendre les arguments de la cour d’appel. Ainsi pour être indemnisé de manière complémentaire sur l’incidence professionnelle, il faut prouver qu’une promotion, un avancement de carrière ou une création d’entreprise est imminent. Le préjudice ne serait être une promotion qu’il aurait pu éventuellement avoir avant la fin de sa carrière.

    Hugo SOUESME

    Sources :

    « AT/MP : la rente majorée ne répare pas la perte de gains professionnels futurs », La Semaine Juridique Social, n° 5, 6 février 2024, p. 69 (en ligne).

    L. BEDJA, « Réparation du préjudice : précisions de la Cour de cassation relatives à la perte de gains professionnels futurs et promotion professionnelle », Le Quotidien, du 7 février 2024, https://www.lexbase.fr/article-juridique/104681998-breves-reparation-du-prejudice-precisions-de-la-cour-de-cassation-relatives-a-la-perte-de-gains-prof


    [1]décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010.

    [2]Crim., 19 mai 2009, pourvois n° 08-86.050 et 08-86.485, Bull. crim. 2009, n° 97.

    [3]Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvois n° 20-23.673 et 21-23.947, publiés.

  • Revirement de jurisprudence : dans un procès civil, la Cour de cassation admet la recevabilité d’une preuve obtenue ou produite de manière déloyale

    (Ass. plen. 22 décembre 2023 n° 20-20.648)

    Dans un arrêt du 22 décembre 2023, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence en affirmant que, dans un procès civil, la preuve obtenue ou produite de manière déloyale ne doit pas nécessairement être exclue des débats.

    En l’espèce, un salarié, occupant un poste de responsable commercial «  grands comptes » au sein d’une société, a fait l’objet d’une mesure disciplinaire pour insubordination qui a abouti à son licenciement pour faute grave.

    L’employeur a saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir la condamnation du salarié au paiement de dommages et intérêts, ainsi que pour non-exécution du préavis. Pour étayer cette allégation, ce dernier a présenté comme élément de preuve un l’enregistrement sonore d’un entretien informel, au cours duquel le salarié a tenu des propos ayant motivé son licenciement. Toutefois, cet enregistrement avait été réalisé à l’insu de l’intéressé.

    La Cour d’appel d’Orléans1déclare cette preuve irrecevable car elle avait été obtenu de manière déloyale. En l’absence d’autres éléments probants démontrant la faute du salarié, les juges du fond ont conclu que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. L’employeur forme alors un pourvoi en cassation.

    L’employeur soutient que l’enregistrement audio, même réalisé à l’insu du salarié, est recevable et peut être présenté et utilisé en justice, pourvu qu’il ne porte pas atteinte aux droits du salarié, qu’il est indispensable au droit de la preuve et à la protection des intérêts de l’employeur et qu’il a pu être discuté dans le cadre d’un procès équitable.

    Dans le cadre d’un procès civil, doit-on considérer que l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve, entraîne inévitablement son exclusion des débats ?

    D’une part, sous l'influence de la jurisprudence européenne2, la Cour de cassation avait admis que la preuve illicite est recevable en matière civile, à condition qu'elle soit jugée indispensable à la réussite de la prétention de la partie qui la présente, et que l'atteinte aux droits opposés soit strictement proportionnée à l'objectif poursuivi3.

    D’autre part, en vertu du principe de loyauté dans l’administration de la preuve, la Cour de cassation a constamment soutenu l’irrecevabilité de toute preuve déloyale, notamment celle obtenue à l’insu de la personne par le biais d’une manœuvre ou d’un stratagème4.

    Par cette solution, la Cour de cassation reconnaît la subtilité de la distinction entre les preuves déloyales et illicites, et admet que l'application rigide de sa jurisprudence pourrait priver une partie de la possibilité de faire valoir ses droits.

    En effet, aux visas des articles 9 du Code de procédure civile et 6§1 de la convention européenne des droits de l’homme, les juges de cassation affirment que lorsqu’il est sollicité, le juge doit apprécier si une preuve obtenue de manière déloyale compromet le caractère équitable de la procédure dans son ensemble. Ils précisent que cette évaluation implique une mise en balance entre le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence. Le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

    Ainsi, en retenant que la Cour d’appel s’est contentée de constater, pour écarter l’enregistrement des débats, qu’il avait été obtenu de manière déloyale, sans effectuer le contrôle de proportionnalité tel qu’énoncé, la Cour de cassation casse et annule la décision des juges d’appel.


    Cette solution est opportune car la jurisprudence antérieure entravait la recherche de la vérité et n'était basée sur aucun fondement juridique. Après tout, l'article 1358 du Code civil prévoit que la preuve peut être établie par tous moyens.

    Eva THEBAULT

    SOURCES :

    - Ass. Plen 22 décembre 2023 Pourvoi n° 20-20.648

    - E. MANCA et M. HUARD, « Déloyauté de la preuve : vivement demain ! » Édition législatives Lefebvre Dalloz, 20 décembre 2023. Disponible sur : Déloyauté de la preuve : vivement demain ! (editions-legislatives.fr)

    - X. BERJOT, « La preuve obtenu de manière déloyale est admise »,  Village Justice, 27 décembre 2023. Disponible sur : La preuve obtenue de manière déloyale est admise. Par Xavier Berjot, Avocat. (village-justice.com)

    -Charlotte MORONVAL, « Recevabilité d’une preuve déloyale : l’Assemblée plénière opère un revirement de jurisprudence ! » Le Quotidien, janvier 2024. Disponible sur : Recevabilité d’une preuve déloyale : l’Assemblée plénière opère un revirement de jurisprudence ! | Lexbase

    1 CA Orléans 28 juillet 2020 n°18.00226

    2 CEDH, arrêt du 10 octobre 2006, L.L. c. France, n° 7508/02

    3 Soc., 9 novembre 2016, pourvoi n° 15-10.203

    4 Ass. plén. 7 janvier 2011, n°s 09-14.316 et 09-14.667

  • La Charte du football professionnel écartée au profit du droit du travail dans le cadre d’une rupture de contrat après le refus de baisse de salaire

    Cass. soc., 29 novembre 2023, n°21-19.282

     

    La professionnalisation du domaine sportif prend de plus en plus d'ampleur. Les clubs de football sont soumis au droit commun du travail, comme toute entreprise française, mais également à la Charte du football professionnel, qui constitue la convention collective du secteur.

    C'est dans ce cadre spécifique que la chambre sociale de la Cour de cassation a dû se prononcer, dans un arrêt du 29 novembre 2023, sur l'efficacité des dérogations au droit commun du travail par la Charte du football professionnel, en ce qui concerne la procédure et les motifs de rupture d'un contrat à durée déterminée d'un joueur professionnel.

    En l'espèce, un club de football professionnel, suite à une relégation sportive, a proposé le 2 juin 2014 une baisse de salaire de 50% à un joueur sous contrat. Le joueur a refusé dans une lettre. Le club a pris acte de cette décision et a notifié à l’intéressé la fin de son contrat pour le 30 juin 2014. Le joueur a décidé de saisir le conseil des prud'hommes pour obtenir réparation née de la rupture de son contrat de travail.

    La cour d'appel de Douai, dans un arrêt du 28 mai 2021, a donné raison au joueur, jugeant la rupture du contrat de travail non fondée et condamnant le club au versement de dommages et intérêts consécutifs à une rupture contractuelle abusive.

    Le club s'est pourvu en cassation, estimant que la décision violait la Charte du football professionnel.

    Tout d'abord, concernant la saisie du conseil des prud'hommes, la société sportive a opposé l'article 271 de la Charte du football professionnel disposant que "tous les litiges entre clubs et joueurs, notamment ceux (...) qui découlent du contrat, sont de la compétence de la commission juridique" de la ligue professionnelle. Cet article est complété par l'article 51, qui donne compétence à la commission juridique pour "tenter de concilier les parties en cas de manquements aux obligations découlant d'un contrat passé par un club avec un joueur". Le club interprète cette disposition comme une clause de conciliation obligatoire préalable à toute action judiciaire et estime l’action irrecevable.

    En outre, sur le fond du litige, le club invoque l'article 761 de la Charte, prévoyant la possibilité d'une baisse de salaire en cas de relégation. Cette baisse peut concerner individuellement 50% du salaire pour les salaires les plus élevés. Selon la société sportive, cet article ajoute un cas de rupture du contrat de travail s'expliquant par la spécificité économique du football.

    La chambre sociale de la Cour de cassation écarte ces deux moyens et rejette le pourvoi.

    Tout d'abord, sur la recevabilité de l'action judiciaire, la Haute juridiction estime que l'article 271 de la Charte du football professionnel "n'institue pas une procédure de conciliation". Elle ne subordonne donc pas une action judiciaire à une procédure de conciliation devant la commission juridique de la ligue préalablement.

    Cette interprétation est critiquable, car si l'article 271 ne mentionne pas directement la conciliation, l'article 51, traitant de la compétence de la commission juridique, prévoit très clairement la conciliation dans les litiges contractuels entre la société sportive et le joueur. De plus, elle ne tient pas compte de l'arrêt rendu par la chambre mixte de la Cour de cassation du 12 décembre 2014[1], selon lequel une clause de conciliation obligatoire contractuellement prévue s'impose au juge si les parties l'invoquent. Enfin, elle ne suit pas la volonté croissante du législateur d'imposer la conciliation comme solution alternative de règlement des litiges en matière de contrat de travail, comme le dispose l'article R.1471-1 du Code du travail.

    Pour finir, sur le fond du litige, la chambre sociale rejette la cause d'annulation du contrat de travail prévue à l'article 761 de la Charte du football professionnel. Elle rappelle en effet que l'article L.243-1 du Code du travail, qui énonce les causes de rupture du contrat de travail, est d'ordre public. Ainsi, elle rappelle que la "Charte du football professionnel (...) ne peut déroger dans un sens défavorable au salarié". Cette position est constante, car elle avait été déjà formulée dans un arrêt du 10 février 2016[2]. Quant à la possibilité d'une modification contractuelle, elle l'écarte en affirmant que "sauf disposition légale contraire, une convention collective ne peut permettre à un employeur de procéder à la modification du contrat de travail sans recueillir l'accord exprès du salarié". Cette position est également constante en vertu du principe d'intangibilité du contrat prévu découlant de l'article 1103 du Code civil.

    Hugo SOUESME

    Sources :

    D. JACOTOT, « Rupture du contrat de travail - L'inefficacité des dispositions d'une convention collective », La Semaine Juridique Social, n° 3, 23 janvier 2024, page n°1025.

    F. LAGARDE, « La Charte du football professionnel une nouvelle fois retoquée », Jurisport 2024, n°248, p. 9.


    [1] Cass. ch. mixte, 12 déc. 2014, n° 13-19684

    [2] Cass. soc., 10 février 2016, n° 14-30.095

  • La concomitance d'un licenciement pour faute et d'une plainte pour des faits de harcèlement sexuel est insuffisante à la nullité du licenciement

    Cass. Soc., 18 octobre 2023 n°22-18.678

     

    Depuis de nombreuses années, la protection des salariés contre différentes formes de harcèlement est devenue une thématique importante du droit du travail. En effet, la présence d’un lien de subordination et d’un pouvoir de nuisance de la part de l’employeur peut créer un climat facilitant le harcèlement. Pour ce faire le législateur protège les victimes de harcèlement moral et sexuel ainsi que les salariés dénonçant ces pratiques à travers les articles L.1152-2 du Code du travail pour le harcèlement moral et l’article L.1153-2 pour le harcèlement sexuel.

     

    C’est dans ce cadre juridique que la chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 18 octobre 2023, a dû se prononcer sur le régime probatoire de cette protection et son encadrement.

     

    En l’espèce, une salariée est licenciée pour faute grave le 18 novembre 2019 par son employeur. Ce dernier justifie le licenciement par des « refus réitérés de la salariée d'accomplir certaines de ses tâches et à ses abandons de postes et actes d'insubordination ». La salariée demande la nullité de son licenciement, estimant que celui-ci était une mesure de rétorsion par suite d’une dénonciation de faits de harcèlement.

     

    La Cour d’appel d’Amiens, dans un arrêt du 11 mai 2022, fait droit à la demande de la salariée en déclarant le licenciement comme frappé de nullité et condamnant la société au versement de diverses sommes. Elle estime que les faits reprochés à la salariée étaient concomitants à la plainte pour harcèlement sexuel déposée, et que "la dénonciation de harcèlement sexuel a pesé sur la décision de licenciement". Elle décide donc d’appliquer le régime de protection applicable aux personnes dénonçant des actes de harcèlement sexuel, peu importe les causes de licenciement avancées.

     

    La Cour de cassation casse l’arrêt des juges du fond au visa des articles L. 1152-2, L. 1152-3 et L. 1154-1 du Code du travail et encadre la protection des salariés dénonçant des faits de harcèlement. Elle dégage deux hypothèses.

     

    Tout d’abord, si l’employeur a explicitement donné des causes légitimes et sérieuses au licenciement, c’est au salarié de prouver que le licenciement n’est qu’une mesure de rétorsion. Si ce n’est pas le cas, il appartiendra à l’employeur de démontrer que le licenciement n’est pas une mesure de rétorsion.

    Cette interprétation de la Haute juridiction ne résout que partiellement les problématiques sur le régime probatoire applicable. L’arrêt de cassation semble indiquer que la charge de la preuve revient au seul salarié. Cependant, dans ce cas, quel type de preuve peut-il fournir pour faire constater le lien de causalité entre la plainte pour harcèlement et le licenciement ? La preuve sera très compliquée à rapporter. Outre cette complexité, cette interprétation est étonnante vis-à-vis du régime probatoire en cas de licenciement après une dénonciation d’un délit ou crime. En effet, dans un arrêt du 7 juillet 2021, la chambre sociale avait admis qu’en cas de concomitance entre le licenciement et la dénonciation d’un délit ou crime, la charge de la preuve reposait sur l’employeur qui devait démontrer que le licenciement n’était pas fondé sur la dénonciation.[1] Or le harcèlement constitue bien un délit. Cette différence peut s’expliquer par l’existence en l’espèce d’une lettre de licenciement avec d’autres motifs pouvant justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

     

    En outre, l’article L.1154-1 du Code du travail, au visa de cette décision, sème le doute sur le régime probatoire applicable. Cet article concerne la preuve des faits de harcèlement et non la preuve du licenciement comme mesure de rétorsion d’une dénonciation. Précisément, il prévoit que le salarié doit apporter des éléments de fait prouvant le harcèlement et que c’est à l’employeur d’établir ensuite qu’ils ne sont pas constitutifs de harcèlement. Ainsi, pourrait-on imaginer que ce régime s’applique en cas de mesure de rétorsion après une dénonciation ? La question devra être précisée par la Cour de cassation. Il est cependant peu probable de voir appliquer ce régime au vu de l’interprétation de cette décision écartant en l’espèce la concomitance de la plainte et du licenciement comme élément de preuve de la nullité du licenciement.

    Le visa de l’article L.1152-2 qui concerne le harcèlement moral et non sexuel, indique d’ailleurs la portée générale de l’arrêt qui se verrait applicable à tout type de harcèlement.

     

    Hugo SOUESME

    Sources :

    F. GABROY, « Quelle preuve de la cause réelle d'un licenciement concomitant à la dénonciation d'un harcèlement ? », Dalloz actualité, 9 novembre 2023

    N. FARZAM et C. RODRIGUEZ, « Le licenciement concomitant à une dénonciation de harcèlement moral ou sexuel n'est pas automatiquement nul », La Semaine Juridique-Social, n° 48, 5 décembre 2023, pages 1325

    S. TERZIAN, « Nullité du licenciement intervenu dans un contexte de harcèlement sexuel dénoncé par le salarié : précisions sur les exigences probatoires », La Semaine Juridique Entreprise et Affaires, n° 50, 14 décembre 2023, pages 1114


    [1] Cass. soc., 7 juillet 2021, n° 19-25.754

  • La réforme des seuils sociaux

    Article publié le 21 février 2019

     

    Afin de favoriser la croissance des entreprises et supprimer les freins à l’embauche, l’article 6 du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, dit « projet de loi PACTE », a pour mission de réformer les règles relatives aux seuils sociaux.

    L’objectif est triple pour cette réforme, elle viendra harmoniser le mode de calcul des effectifs, rationaliser les niveaux de seuils et prévoir de nouvelles modalités d’atténuation lors du franchissement des seuils. Les règles actuelles sont multiples et particulièrement complexes, elles posent donc de nombreuses difficultés. Ainsi, les PME sont notamment impactées dans leur croissance et sont parfois réticentes à engager du personnel afin ne pas dépasser les seuils sociaux.

  • L’application du plafonnement des indemnités pour licenciement abusif

    Article publié le 15 février 2018

     

    L’idée même d’un barème en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse n’est pas inédit. En effet, ce barème était initialement prévu dans le cadre de la loi MACRON du 6 août 2015 mais il a été censuré par le Conseil constitutionnel. Ultérieurement, il a été intégré dans le projet de loi travail en 2016 mais là encore sans succès, avant d’être finalement retiré.

    L’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et sécurisation des relations de travail a modifié en de nombreux points les droits des salariés. L’une des mesures phares de la réforme du Code du travail réside dans la mise en place d’un barème obligatoire d’indemnités pour licenciement abusif qui est applicable pour les licenciements prononcés après le 23 septembre 2017.

    En pratique, il s’agit donc de fixer des montants d’indemnisations que les conseillers prud’homaux ne peuvent dépasser lorsqu’un licenciement est considéré comme injustifié.

  • L’employeur peut procéder à la notification d’un licenciement en utilisant un modèle-type de lettre

    Article publié le 15 février 2018

     

    L’article L 1232.6 du Code du travail, modifié par l’ordonnance du 22 septembre 2017[1] relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail, a prévu la possibilité pour l’employeur d’utiliser des modèles de lettre pour notifier le licenciement. Ces modèles peuvent être utilisés pour  le licenciement qui est fondé sur un motif personnel[2] ou sur un motif économique[3].

    Le décret du 29 décembre 2017[4] a fixé six modèles de lettre- type. Ces modèles sont proposés en fonction de la nature du motif envisagé :

    -          « motif personnel disciplinaire ;

    -          inaptitude d’origine professionnelle ou non ;

    -          motif personnel non disciplinaire ;

    -           motif économique individuel ;

  • Précisions sur la mise en place d’un comité social et économique

    Article publié le 14 février 2018

     

    C’était une proposition de campagne, Emmanuel Macron l’a tenue et les instances représentatives du personnel vont fusionner dans une instance unique : le comité social et économique (CSE).

    Selon le gouvernement, cette fusion a pour objectif de supprimer les « effets de seuil » et de favoriser l’embauche. Effectivement, à l’heure actuelle, les entreprises préfèrent ne plus embaucher pour ne pas dépasser certains seuils et mettre en place différentes instances.

    Le CSE est issu de l’une des ordonnances du 22 septembre 2017. Cette nouvelle instance a pour vocation de remplacer l’ensemble des instances représentatives du personnel que nous connaissons : les délégués du personnel (DP), le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), le comité d’entreprise (CE) et la délégation unique du personnel (DUP).

  • La négociation dans les entreprises de moins de 50 salariés

    Article publié le 14 février 2018

     

    La loi El Khomri[1] de 2016 a introduit la possibilité pour les employeurs de mener des négociations collectives avec les délégués syndicaux de l’entreprise. Cependant, cette capacité de négociation était ainsi limitée aux seules entreprises dans lesquelles il existait une représentation syndicale. En conséquence, les employeurs dans les petites et moyennes entreprises généralement dépourvues de présence syndicale ne pouvaient prétendre à ce pouvoir de négociation.

    L’ordonnance du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective a été particulièrement concentrée sur les très petites, petites et moyennes entreprises qui représentent la majorité des entreprises présentes en France, conformément à la volonté de la ministre du Travail en charge de la réforme du droit du travail.

  • Création et fonctionnement de la rupture conventionnelle collective

    Article publié le 16 février 2018

     

    L’ordonnance du 22 septembre 2017[1] est venue créer la procédure de rupture conventionnelle collective. Ce nouveau dispositif est prévu aux articles L. 1237-17 et suivants du Code du travail. Deux décrets du 20 décembre 2017[2] sont venus compléter ces dispositions.

    Cette rupture conventionnelle existe depuis 10 ans de manière individuelle. Ainsi un employeur et un salarié peuvent convenir d’un commun accord de la rupture du contrat de travail les liant, sous réserve de respecter certaines conditions et indemnisations. Désormais elle existe sous forme collective.

    Il est important de préciser que cette rupture n’a pas à être motivée par l’entreprise. Il s’agit d’un mode autonome de rupture.

    Seul l’employeur peut prendre l’initiative de cette rupture. Il a l’obligation d’informer la Direction régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) de sa volonté de négocier une rupture conventionnelle collective[3].

  • Focus sur l’élaboration et les apports des Ordonnances Macron

    Article publié le 15 mars 2019

     

    Cela fait désormais près d’un an et demi que les ordonnances MACRON de septembre 2017 portant réforme du droit du travail et ses décrets d’applications ont été publiés au Journal officiel. Ces ordonnances ne sont pas anodines, elles réforment en profondeur le Code du travail notamment en ce qui concerne les institutions représentatives du personnel mais aussi en matière de négociation collective ou encore en matière de rupture du contrat de travail. Nous nous sommes intéressés à la manière dont ces ordonnances ont été élaborées, dans quel contexte et aux avantages associés pour les entreprises. 

    Monsieur Hervé LANOUZIÈRE, actuellement inspecteur à l’IGAS (Inspection Générale des affaires sociales) a accepté de répondre à nos questions.

    Rentré à l’inspection du travail en 1988, il a travaillé dans différents services déconcentrés de l’État (notamment en tant que directeur du travail adjoint à la direction départementale du Rhône) avant de rejoindre l’administration centrale (Direction Générale du Travail) en 2005 où il est chargé de la recodification du Code du travail de 2005 à 2008. Il est ensuite devenu responsable du suivi de l’ensemble de la politique santé au travail en France (chargé du dossier de la « crise sociale » France Télécom puis du plan d’urgence gouvernemental sur les risques psycho-sociaux). Après un détour par le privé au sein du groupe métallurgique et minier ERAMET, il est nommé directeur de l’ANACT[1] en décembre 2012. Il quitte l’ANACT en 2017 pour l’IGAS où il a une mission d’appui à l’élaboration des ordonnances Macron.

  • La prime de précarité : une prime due même en cas de promesse d'embauche faite au salarié avant l'expiration de sa mission.

    Article publié le 15 novembre 2016

     

    L'article L1251-32 du Code du travail dispose que «lorsqu'à l'issue d'une mission, le salarié sous contrat de travail temporaire ne bénéficie pas immédiatement d'un contrat à durée indéterminée avec l'utilisateur, il a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité destinée à compenser la précarité de sa situation, que cette indemnité n'est pas due lorsqu'un contrat de travail à durée indéterminée a été conclu immédiatement avec l'entreprise utilisatrice ».

    Cette indemnité, plus habituellement appelée prime de précarité ou prime de fin de mission, est due aux salariés dont les relations contractuelles avec l'entreprise utilisatrice, ne seraient pas poursuivies. Ils toucheront ainsi un pourcentage de leurs revenus, ce qui doit leur permettre de compenser la précarité de leur situation.

    La chambre sociale de la Cour de cassation dans son arrêt du 5 octobre 2016 a précisé les contours de cette notion, en se demandant, si la promesse d'embauche faite par l'entreprise utilisatrice au salarié avant l'expiration de sa mission, pouvait le priver de son indemnité.

    En l'espèce, un salarié intérimaire avait reçu de la part de la société utilisatrice une proposition d'embauche en CDI avant la fin de sa mission. Celui-ci n'a accepté cette proposition que neuf jours après l'expiration de son contrat temporaire. De ce fait, ne se considérant pas comme étant bénéficiaire immédiatement d'un contrat à durée indéterminée, il a alors réclamé la prime de précarité à la société utilisatrice. Cette dernière refusa le versement de la prime au motif que la promesse d'embauche, lui avait été envoyée avant la fin de sa mission, et que par conséquent, il pouvait se prévaloir d'un CDI immédiatement après la fin de son contrat temporaire. Le salarié saisit alors la juridiction prud'homale.

    Dans son arrêt du 16 octobre 2015, la cour d'appel de Toulouse avait débouté la société utilisatrice et l'avait condamnée au versement de la prime de précarité. Cette dernière a alors formé un pourvoi en cassation au motif que la cour d'appel avait violé l'article L1251-32 du Code du travail.

    La haute juridiction dans son arrêt du 5 octobre 2016 rejette le pourvoi et rappelle le principe posé par l'article L1251-32 du Code du travail. Elle retient que la proposition d'embauche ne vaut contrat de travail qu'une fois acceptée par le salarié. Or en l'espèce, ce dernier n'avait accepté cette proposition que neuf jours après la fin sa mission. De ce fait, il n'avait pas bénéficié d'un contrat à durée indéterminée immédiatement après la fin de son contrat temporaire et donc, il pouvait légitimement se prévaloir de la prime de précarité.

    Les juges du quai de l'horloge, retiennent ainsi que la proposition d'embauche faite au salarié, par l'entreprise utilisatrice avant la fin de sa mission, ne peut faire obstacle au versement de la prime de précarité. Pour exempter l'entreprise de son obligation, il faut une acceptation de cette proposition par le salarié. Elle rappelle ainsi les règles du consensualisme. Cela signifie qu'en cas de refus de la proposition du CDI par le salarié, l'entreprise sera tout de même tenue au versement de la prime de précarité, alors même qu'elle aurait démontré sa volonté d'engager le salarié en CDI.

    La solution adoptée par la Cour de cassation paraît sévère pour l'entreprise utilisatrice, d'autant plus que sa jurisprudence reste ambiguë en la matière. En l'espèce, elle considère donc que la promesse ne pouvait s'analyser comme un contrat de travail. Pourtant dans sa jurisprudence antérieure, elle a à de nombreuses reprises retenu que la promesse pouvait suffire à former le contrat de travail, dès lors qu'elle portait sur les éléments essentiels de la relation de travail (Cour de cassation, chambre sociale 15 décembre 2010 n°08-42.951). En retenant cette solution, on peut craindre des abus de la part des salariés qui, pour bénéficier de la prime de précarité, pourraient mettre un certain laps de temps avant d'accepter la proposition d'embauche. La solution ainsi posée par la jurisprudence pourrait susciter du contentieux.

     

    Camille Rio.

    Sources :

    - Marie PEYRONNET, Indemnité de précarité : la promesse d’embauche ne vaut pas conclusion immédiate d’un CDI, Dalloz actualité, Edition du 24 octobre.

    - Cour de cassation, Chambre sociale, 5 octobre 2016, 15-28.672

     

    - Cour de cassation, chambre sociale 15 décembre 2010 n°08-42.951

     

     

     

  • Le licenciement d’un salarié ne fait pas obstacle à l’attribution d’actions à titre définitif

    Article publié le 22 avril 2018

     

    Lorsqu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, intervient avant le terme de la période d’acquisition d’actions, et que le salarié licencié n’a pu se voir attribuer la propriété de ces actions, ce dernier subit une perte de chance. C’est ce qu’a pu considérer la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 7 février 2018.

    En l’espèce, quatre salariés d’une société ont été licenciés par lettres du 18 janvier 2011. Ces salariés ont décidé de saisir la juridiction prud’homale en paiement de plusieurs sommes, parmi lesquelles des dommages et intérêts pour privation indue du bénéfice d’actions gratuites pour des montants compris entre 45 004, 18 euros et 383 373,25 euros.

    L’affaire a été portée devant la cour d’appel de Paris qui a rendu plusieurs arrêts le 27 novembre 2015. Elle a condamné la société à payer aux salariés des dommages et intérêts pour privation indue du bénéfice des actions. Effectivement, selon les juges du fond, les licenciements étaient sans cause réelle et sérieuse. En outre, ils ont relevé dans le règlement des plans d’attribution d’actions gratuites, signés les 15 décembre 2009 et 21 juin 2010 par les salariés en question, que les actions attribuées deviendraient de plein droit leur propriété respectivement le 15 décembre 2011 et le 21 juin 2012, soit deux ans après leur attribution.

  • Délit d'entrave : La suppression partielle de la peine d'emprisonnement

    Article publié le 29 septembre 2016

     

    La chambre criminelle de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 26 janvier 2016, n°13-82.158, est venue consacrer une des prescriptions de la loi MACRON en matière de délit d’entrave en supprimant, pour partie, la peine d’emprisonnement réservée pour la sanction de cette infraction.

    Ayant pour objectifs d’accroitre la compétitivité économique de la France et la création d’emplois, la loi n°2015-990 du 6 août 2015, plus communément appelée « loi MACRON », pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, est venue modifier l’article L.2328-1 du Code du travail en remplaçant les peines pénales sanctionnant la commission de cette infraction par des sanctions financières.

    Conformément à l’article L.2328-1 du Code du travail anciennement rédigé, « le fait d'apporter une entrave soit à la constitution d'un comité d'entreprise, d'un comité d'établissement ou d'un comité central d'entreprise, soit à la libre désignation de leurs membres, soit à leur fonctionnement régulier, notamment par la méconnaissance des dispositions des articles L. 2324-3 à L. 2324-5 et L. 2324-8, est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 euros ».

    Depuis l’entrée en vigueur de la loi Macron, en date du 8 août 2015, seul le fait d’apporter une entrave à la constitution d’un comité d’établissement, d’un comité d’établissement ou d’un comité central d’entreprise ou à la libre désignation de leurs membres peut être sanctionné d’une peine d’emprisonnement d’un an et d’une amende de 7 500€. Le fait d’apporter une entrave à leur fonctionnement régulier est désormais seulement sanctionné par une peine d’amende de 7 500 €.

    Par un arrêt en date du 26 janvier 2016, la Cour de cassation a pour la première fois depuis son entrée en vigueur, fait application de la loi MACRON en supprimant la peine privative de liberté qui avait été retenu contre les auteurs d’un délit d’entrave.

    En l’espèce, deux dirigeants d’une société ont été condamnés à quatre mois d’emprisonnement avec sursis et au paiement d’une amende de 3 750€ pour entrave au fonctionnement du comité d’entreprise par la Cour d’appel de Reims. Ces derniers ont alors formé un pourvoi en cassation afin d’obtenir l’annulation de cette décision. Au visa des articles 112-1 du Code pénal et L.2328-1 du Code du travail, les juges du droit ont annulé la peine privative de liberté retenue à l’encontre des deux protagonistes « par application des dispositions moins sévères de la loi nouvelle aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée » ; la peine d’amende a, quant à elle, été maintenue.

    Cette solution visant à privilégier des peines financières plutôt que des peines pénales, consacrée par la loi du 6 août 2016, a été portée par le Président de la République, ayant pointé les failles des sanctions prévues pour le délit d’entrave lors de l’un de ses discours. En effet, selon François Hollande, les peines pénales sanctionnant le délit d’entrave n’étaient que rarement prononcées puisque très sévères et disproportionnées. Il était donc légitime que ces peines soient supprimées.

    En l’espèce, la loi MACRON a supprimé partiellement la peine d’emprisonnement puisque désormais réservée aux entraves les plus graves.

    Pour compenser cette suppression, le législateur a augmenté la peine d’amende en la faisant passer de 3 750 à 7500€ pour tous les comportements réprimés par l’article L.2328-1 du Code du travail. En vertu du principe de rétroactivité in mitius, ces dispositions ont pu s’appliquer aux faits de l’espèce, antérieurs à son entrée en vigueur, puisqu’elles ont été jugées moins sévères que l’état du droit antérieur en la matière.

    Cette modification des sanctions du délit d’entrave est le signe d’une difficulté qui se rencontre depuis quelques années en matière pénale : assurer l’efficacité des peines. Considérant que la peine d’emprisonnement n’était pas la peine la plus adaptée pour ce genre d’infraction, le législateur privilégie une sanction frappant le protagoniste dans son patrimoine. Telle est, aujourd’hui, la ligne directrice en la matière. 

     

    Marie CALLOCH

     

    Sources :

    - Arrêt chambre criminelle de la Cour de cassation du 26 janvier 2016 n°13-82.158

    - Loi « MACRON » du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques »

    - Jean SIRO « Délit d’entrave : première application de la loi Macron par la Cour de cassation », Dalloz Actualité

  • Plateformes d’économie collaborative et contrat de travail : La caractérisation d’un lien de subordination

    Article publié le 17 janvier 2019

     

    La Cour de cassation a enfin pu se prononcer sur la tant attendue question de l’existence d’une relation employeur/salarié entre une plateforme numérique et ses travailleurs, jusque-là considérés comme indépendants.

    En effet, par son arrêt du 28 novembre 2018, la chambre sociale est venue qualifier de salariale, la relation liant des coursiers à vélo et une plateforme numérique servant d’intermédiaire, en établissant la réalité du lien de subordination[1] entre ces deux parties.

    En l’espèce, une société utilisant une plateforme numérique et une application aux fins de mettre en relation des restaurateurs partenaires avec des clients passant commande de repas et des livreurs à vélo exerçant leur activité sous le statut de travailleurs indépendants, conclu un contrat de prestation de service avec un coursier. Ce dernier saisit la juridiction prud’homale dans le but d’obtenir la requalification de son contrat en un contrat de travail.

  • Extension du don de congés aux proches aidants de personnes en perte d’autonomie ou présentant un handicap

    Article publié le 16 mai 2018

     

    Depuis 2014[1], les salariés peuvent donner leurs congés non pris à leurs collègues, parents d’enfants de moins de 20 ans gravement malades et nécessitant « une présence soutenue et des soins contraignants »[2].

    Aujourd’hui cette possibilité de dons de congés a été étendue aux salariés ayant la qualité de proches aidants de personnes en perte d’autonomie d’une particulière gravité ou présentant un handicap. Par une loi du 13 février 2018, le législateur a en effet introduit un nouvel article L. 3142-25-1 au sein du Code du travail, article prévoyant et encadrant cette faculté. Applicable depuis le 15 février dans les entreprises du secteur privé, il faudra attendre la publication d’un décret d’application pour que cela soit possible dans le secteur public.

    Hormis leur champ d’application, les conditions encadrant ces dons de congés non pris sont similaires. Ainsi, le législateur a-t-il seulement repris les conditions initialement prévues à l’article L. 1225-65-1 du Code du travail en matière de dons de congés à un parent d’enfant malade. Cette correspondance du régime des dons de congés est bienvenue dans la mesure où elle permet d’éviter une complexification du droit.

  • La requalification-sanction des CDD d'usage en CDI

    Article publié le 06 janvier 2016

    A l’heure où le gouvernement s’attèle à une réforme d’ampleur du Code du travail pour manque de lisibilité et de clarté, la chambre sociale de la Cour de cassation est venue, une nouvelle fois, confirmer sa jurisprudence sur une question plus que controversée ces dernières années : le contrat de travail à durée déterminée. En effet, par un arrêt rendu en date du 20 octobre 2015 (n°14-23.712), la Haute juridiction a fait valoir la suprématie du principe régi par l’article L.121-5 du Code du travail suivant lequel le contrat à durée déterminée doit rester l’exception du contrat à durée indéterminée.

    En raison de la situation de précarité dans laquelle le contrat à durée déterminée plonge le salarié, le législateur et les juges mettent conjointement un point d’honneur au respect de son cadre juridique par les employeurs. Le législateur a en effet prévu des hypothèses précises et limitativement énumérées à l’article L.1242-1-1 du Code du travail dans lesquelles l’employeur peut recourir à ce type de contrat.  Parmi ces hypothèses, l’article L.1242-1-1 3° dudit Code permet à un employeur de conclure un contrat à durée déterminée pour des emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret, convention ou accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée. Suite aux recours intempestifs aux contrats à durée déterminée d’usage de la part des employeurs, la Cour de cassation est venue entériner sa jurisprudence en la matière en précisant, d’une part, une énième fois le régime juridique de ce recours aux CDD d’usage par les employeurs et, d’autre part, en affirmant que la requalification d’un CDD en CDI n’entraîne pas toujours d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

    En l’espèce, un imitateur a été engagé par contrats à durée déterminée successifs et mensuels, dénommés « lettres d’engagement » par une société de production du 2 juillet 1998 jusqu’au 20 septembre 2011, date à laquelle la société a notifié à l’imitateur la fin de leur relation de travail. Ce dernier a intenté une action aux fins de requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de la rupture de sa relation de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

    Par un arrêt en date du 2 juillet 2014, la Cour d’appel de Versailles a fait droit à toutes les demandes du requérant en prononçant la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée unique et en condamnant la société de production à verser une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au salarié. La société de production a alors formé un pourvoi en cassation. La chambre sociale de la Cour de cassation, par cet arrêt rendu en date du 20 octobre 2015, a partiellement cassé l’arrêt rendu par les juges du fond.

    Tout d’abord, concernant le contentieux de la requalification des CDD en CDI, la chambre sociale de la Cour de cassation, a validé la position de la Cour d’appel. Fidèle à sa jurisprudence en la matière, (cf. deux arrêts de la chambre sociale du 23 janvier 2008 n°06-43.040 et n°06-44.197), la Haute juridiction affirme que le seul fait que l’activité principale de l’entreprise fasse partie d’un secteur d’activité défini par décret, convention ou accord collectif étendu ne suffit pas pour permettre à l’employeur de recourir à des CDD d’usage, encore faut-il que, dans ce secteur, il soit d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère temporaire de ces emplois. Or, en l’espèce, la Cour de cassation relève que, comme l’ont légitimement affirmés les juges du fond, « le caractère temporaire de l’emploi du salarié n’était pas établi et que l’intéressé avait, suivant la répétition durant seize ans de lettres d’engagement mensuelles, exercé les mêmes fonctions d’imitateur dans le cadre du même programme télévisuel ». La Cour de cassation a fait une application classique de la requalification-sanction en raison du non-respect par cet employeur des conditions de recours à un contrat à durée déterminée. La chambre sociale affirme que l’employeur peut conclure des contrats successifs avec le même salarié à la seule condition que « ce soit justifié par des raisons objectives reposant sur des éléments concrets permettant d’établir le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné ».

    Concernant la demande de versement d’une indemnité au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la chambre sociale, au visa de l’article L.1232-6 du Code du travail, ne retient pas l’analyse des juges du fond. Elle affirme, après avoir relevé que le salarié ne contestait pas avoir pris connaissance du courriel émanant de son employeur  valant lettre de rupture du contrat, que le non-respect des conditions de recours au contrat à durée déterminée ne suffit pas pour caractériser un licenciement sans cause réelle et sérieuse à partir du moment où le salarié a reçu de son employeur une lettre de rupture du contrat de travail.

    Cette affaire est donc à suivre puisqu’à la suite de cette cassation partielle, la Cour de cassation a renvoyé l’affaire devant la Cour d’appel de Versailles, autrement composée.

    Marie CALLOCH

    Sources :

    • Me LANGLET, Virginie. « La requalification de CDD en CDI n’entraîne parfois pas d’indemnités pour licenciement sans cause ».
    • PELISSIER, Jean. AUZERO, Gilles et DOCKES, Emmanuel. « La conclusion d’un contrat de travail à durée déterminée ». Dalloz.
    • PESKINE, Elsa et WOLMARK, Cyril. « Le recours au contrat à durée déterminée ». Dalloz.

     

     

  • Un nouveau motif de discrimination fait une entrée dans le Code pénal et dans le Code du travail

    Article publié le 23 janvier 2017

     

    Le législateur a ressenti la nécessité de protéger les personnes maîtrisant d'autres langues que le français, en insérant une nouvelle discrimination dans le Code pénal et dans le Code du travail : la discrimination linguistique. En effet, l'article 86 de la loi Justice du XXIème siècle est venu modifier l'article 225-1 du Code pénal et l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 pris en référence dans l'article L1132-1 du Code du travail. Désormais, toute distinction faite entre deux personnes en raison de « leur capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français » constitue une discrimination pénalement répréhensible. Plusieurs interrogations sur cet ajout surviennent alors, notamment sur son champ d'application, son utilité et sa mise en oeuvre.

     

    A la lecture des articles ainsi modifiés, on peut se demander à quoi correspond concrètement une discrimination linguistique. Plusieurs interprétations sont ici possibles. Le mot sujet à réflexion est « capacité ». Qu'entend donc le législateur en précisant une personne capable de parler une autre langue que le français ? Faut-il comprendre une personne dont la langue maternelle est le français et qui ne peut s'exprimer dans une autre langue ? Ou bien une personne qui maîtriserait, en plus du français, d'autres langues vivantes ? Le champ d'application est ici assez flou. L'interprétation qui serait la plus plausible serait celle de la volonté du législateur de protéger les personnes, ne maîtrisant pas le français mais une autre langue, d'être discriminées. Cette modification serait alors une mise à mal de la suprématie de la langue française, de sa détermination comme seule langue acceptable.

     

    Cette atteinte voulue à la domination du français s'inscrit dans un contexte de défense des langues régionales et étrangères. Pour le linguiste Philippe Blanchet, cette discrimination linguistique porte un nom, celui de la glottophobie1. Ce terme signifie le rejet d'une personne pour sa manière de parler alors qu'il s'agit d'un attribut à part entière de chacun et qui, à ce titre, se doit d'être protégé. Si le sociolinguiste se réjouit de cette révolution, d'autres y voient une redondance non pertinente. Pour ces derniers, la langue parlée peut renseigner sur l'origine de la personne ainsi que sur sa culture. Or, ces motifs de discrimination sont déjà pris en compte dans le Code du travail. L'interdiction de discriminer en raison de l'origine de la personne comprendrait implicitement les discriminations linguistiques et serait alors suffisante. Sur le plan pénal, l'apparition de nouveaux contentieux est mise en avant. Un litige pourrait en effet porter sur le caractère essentiel et déterminant de la maîtrise d'une langue dans une offre d'emploi par exemple.

     

    Par ailleurs, une précision quant à son application doit être mentionnée. L'article 86 de la loi Justice du XXIème siècle introduit cette discrimination au sein de son Chapitre III consacré à l'action de groupe en matière de discrimination. Ainsi, une association de défense contre les discriminations peut agir en justice, sous réserve de respecter les conditions de ladite action. Autre interrogation qui doit être également mise en exergue : celle de l'interprétation des juges. Premier pas dans la défense des droits linguistiques, il appartient désormais aux juges d'apprécier les contours de cette nouvelle discrimination. Un sujet dont on peut légitimement penser qu'il fera encore parler de lui.

     

     

    Lucie TALET

     

    Sources :

     

    1Philippe Blanchet, « Discriminations : combattre la glottophobie », Petite édition critique, Edition Textuel, janvier 2016.

     

     

  • Tweeter 4 fois par jour sur son lieu de travail pour le compte d'une autre entreprise, n'est pas une faute.

    Article publié le 09 mars 2016

     

    Le 25 février 2016 la Cour d'Appel de Chambéry (1) rendait sa décision concernant le licenciement pour faute d'un salarié tweetant 4 fois par jour. Pour elle, l'envoi de ces tweets pendant les heures de travail, ne constitue pas un usage excessif de l'outil de travail mis à disposition par l'employeur.

    Dans cette affaire, le salarié concerné, depuis son entrée dans la société, a effectué plus 1300 tweets pour le compte d'une entreprise dont il est actionnaire.

    La Cour d'Appel a établit que ces tweets n'avait demandé que quelques minutes par jour au salarié (entre 3 et 4 minutes). Elle a ainsi considéré que le fait d'avoir pu consacrer un temps aussi limité à l'envoi de tweets non professionnels, y-compris à des horaires communément retenus comme travaillés, alors que le salarié était en raison de ses fonctions, connecté à internet de manière quasi continue, ne pouvait être retenu comme un comportement fautif.

    Aujourd'hui, un employeur ne peut interdire l'utilisation d'internet à titre personnel pendant les heures de travail.

    D'ailleurs, la CNIl a affirmé qu'une interdiction absolue n'était pas réaliste. Cependant elle préconise tout de même une utilisation raisonnable en ce qui concerne sa durée et les sites visités. Cette utilisation doit de surcroit, être en accord avec les principes de l'ordre public et de bonnes mœurs. (2) 

    La Cour de Cassation a elle aussi eu l'occasion dans son rapport annuel de 2005, d'affirmer que « l’utilisation personnelle raisonnable [des postes informatiques professionnels] est socialement et sociologiquement admise » (3) 

    Aussi, comme certains le font remarquer (4) une interdiction générale de toute utilisation privative d'internet pourrait être remise en cause sur le fondement de l'article L.1121-1 du code de travail qui dispose que « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

    Il découle de l'autorisation de l'usage raisonnable d'internet, qu'un usage abusif ou illicite sera constitutif d'une faute et pourra justifier un licenciement. C'est du reste la position adoptée mainte fois par la Cour de Cassation. Elle a ainsi pu juger que constituait une faute, le fait pour un salarié de rester connecté, à des fins personnelles, plus de 40 heures dans le mois (5) ou encore, le fait d'être connecté la plupart de son temps de travail sur des sites à caractère pornographique et zoophile. (6) 

    En l'espèce, on peut aisément comprendre la solution des magistrats de la Cour d'Appel de Chambéry dans le sens où le comportement du salarié ne justifie pas un licenciement pour faute grave. En effet, on ne parle ici que d'une vingtaine d'heures d'utilisation d'internet pour un profil personnel sur une période d'un an et demi. Il n'y a donc pas utilisation abusive. On ne peut non plus, considérer le fait de tweeter pour le compte d'une autre entreprise comme une utilisation illicite.

    Toutefois, ne devrait-on pas considérer que s'occuper de la communication d'une société différente pendant son temps de travail, s'oppose directement à l'obligation générale d'exécuter le contrat de travail de bonne foi ? (Article L.1222-1 du Code de travail)

    Lucie PARIS

    Sources :

    (1) CA Chambéry, 25 février 2016, n° 2015/01264.

    (2) Rapp. CNIL, mars 2001 Rapp. CNIL, févr. 2002.

    (3) Cour de cassation, Rapport annuel 2005, p. 111.

    (4) C. FLEURIOT « Utilisation d'internet dans l'entreprise : cadre juridique » Dalloz Actualité, 18 novembre 2011.

    (5) Cass. soc., 18 mars 2009, n° 07-44247.

    (6) Cass. soc., 23 novembre 2011, n° 10-30833.

  • Les agents de la DGCCRF peuvent saisir certaines correspondances avocat-client

    Article publié le 08 février 2021

     

    Dans un arrêt en date du 25 novembre 2020 (Cass. crim. 25-11-2020 n° 19-84.304), la chambre criminelle de la cour de cassation énonce que lentreprise qui subit une perquisition informatique par des agents de la DGCCRF ne peut demander le retrait des correspondances échangées avec son avocat que si elle prouve quelles sont liées à lexercice de ses droits de défense.

  • L'introduction d'un droit à la déconnexion dans le Code du travail à partir du 1er janvier 2017

    Article publié le 02 janvier 2017

     

    Dans une ère où les salariés sont « connectés » en dehors des heures de travail, le droit à la déconnexion vise à garantir la santé du salarié. Cette mesure a en effet pour but de réduire le stress au travail. Ce droit implique pour le salarié la faculté d'ignorer tout mail professionnel par exemple, qui lui serait remis après ses heures de travail.

     

    Depuis le 1er janvier, le Code du travail a intégré la notion de droit à la déconnexion au sein de l'article L2242-8 7°. Cela signifie que les entreprises de plus de 50 salariés doivent négocier avec les partenaires sociaux les modalités d'exercice de ce droit, afin de mieux réguler l'intrusion du numérique à des fins professionnelles dans la vie personnelle et familiale du salarié. La question du droit à la déconnexion figure désormais à l'ordre du jour de la négociation collective annuelle relative à la qualité de vie au travail. Un accord doit pouvoir alors être négocié. Ce n'est seulement qu'à défaut d'accord que l'entreprise de plus de 300 salariés pourra élaborer une charte, après avis du comité d'entreprise, ou, le cas échéant, des délégués du personnel ; l'élaboration de cette charte ne pouvant s'exempter de négociation collective préalable. Pour les autres entreprises, l'employeur doit définir ces modalités et les communiquer à ses salariés par tout moyens. Ce droit à la déconnexion vise à redéfinir la frêle limite entre vie professionnelle et personnelle du salarié.

     

    Concrètement, il s'agit pour l'entreprise de réguler l'utilisation des outils numériques, devenus incontournables dans le monde du travail d'aujourd'hui. L'entreprise, mettant à disposition du salarié des ordinateurs, des téléphones mobiles, ou tout autre appareil connecté doit prévoir les modalités d'utilisation de ces appareils. En effet, l'entreprise doit veiller au respect du droit au repos du salarié, obligation dérivant de la préservation de la santé et de la sécurité des salariés par l'entreprise. Dans un arrêt du 11 juin 2006, la chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé que cette obligation de sécurité de résultat incombait à l'entreprise et non au salarié. Ainsi, l'entreprise ne peut se décharger de cette obligation en laissant au salarié le soin d'auto-gérer l'utilisation d'appareils connectés.

     

    Or, avec les nouvelles dispositions du Code du travail, l'obligation de sécurité de l'entreprise n'est plus une obligation de résultat mais de moyen renforcé. Cette requalification de l'obligation peut-elle être regardée comme la porte ouverte à un affaiblissement des mesures prises par l'entreprise en matière de sécurité au travail ? Malgré cette requalification, l'entreprise doit prouver qu'elle a pris toutes les mesures nécessaires pour gérer le risque. Une potentielle dérive de cette obligation s'en trouve alors limitée.

     

    Du point de vue des risques encourus par l'entreprise, le manquement au respect du droit à la déconnexion est interprété comme une violation de la bonne foi contractuelle de l'employeur. Si la déconnexion du salarié n'est pas appliquée, l'employeur encourt des sanctions au titre d'une exécution déloyale du contrat de travail. Toutefois, l'entreprise n'est pas à l'abri de salariés récalcitrants malgré les moyens mis en œuvre pour assurer la déconnexion. Des sanctions disciplinaires pourront alors être prises par l'employeur contre le salarié refusant de s'y soumettre. Il apparaît alors plutôt contradictoire de sanctionner un salarié souhaitant être productif.

     

    En conclusion, ce droit à la déconnexion peut être considéré au premier abord comme une bonne chose pour la réduction du stress au travail. Néanmoins, est-il applicable dans toutes les entreprises ? Qu'en est-il des professions où des urgences peuvent survenir hors des horaires de travail ? Ou bien des renseignements fournis d'un collègue à un autre qui se trouve en congé par exemple ? Il semble un peu exagéré de sanctionner le salarié dans de telles hypothèses. Il semble alors que la frontière entre vie personnelle et professionnelle ne puisse être complètement imperméable.

    Lucie TALET

     

    Sources :

  • La prise d'acte, un acte n'ouvrant pas droit au versement de l'indemnité pour procédure de licenciement irrégulière

    Article publié le 21 décembre 2016

     

    ( Soc., 14 octobre 2016)

    « Auto-licenciement », c'est ainsi que l'on pourrait qualifier la prise d'acte d'un contrat de travail faite par un salarié. Celle-ci permet au salarié de rompre immédiatement le contrat de travail qui le lie à l'employeur pour manquement de ce dernier à ses obligations. Ce mode de rupture n'a pas de régime légal, c'est pourquoi la jurisprudence ne cesse d'étoffer les contours de cette notion d'origine prétorienne[1].

    L'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 14 octobre 2016 revêt un intérêt particulier car c'est la première fois que la solution en la matière est inscrite au bulletin. La question était ici de savoir si le salarié dont la prise d'acte était justifiée pouvait prétendre à l'indemnité due en cas de procédure de licenciement irrégulière.

    En l'espèce, un salarié qui avait conclu un contrat de travail avec une entreprise a pris acte de la rupture de son contrat. Il a alors saisi la juridiction prud'homale pour demander le versement de l'indemnité due en cas de procédure de licenciement irrégulière. La cour d'appel de Cayenne, dans son arrêt du 23 juin 2014, a condamné l'entreprise au versement de cette indemnité. Cette dernière a alors formé un pourvoi en cassation. La haute juridiction rappelle le principe posé par l'article L1235-2 du Code du travail qui interdit le cumul entre indemnité pour procédure de licenciement irrégulière et indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle précise que l'indemnité prévue par le texte susvisé ne peut être allouée que lorsque le contrat est rompu par un licenciement. Or, la cour d'appel qui retient que la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, tout en condamnant la société au versement de l'indemnité pour procédure irrégulière, a violé l'article L1235-2 du Code du travail. C'est pourquoi la Cour de cassation casse l'arrêt.

    La Cour de cassation avait estimé qu’il fallait opérer un léger contrôle des griefs invoqués par le salarié pour savoir si la prise d’acte justifiait la rupture du contrat de travail[2]. Le salarié prenant acte de la rupture de son contrat de travail doit saisir dans un délai d’un mois le juge prud’homal pour qu’il statue sur les effets de la rupture. Ainsi, s’il s’avère que les motifs de la rupture sont fondés, alors on estime que la prise d’acte produit les mêmes effets qu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. A ce titre, elle ouvre le droit à l’allocation de diverses indemnités. En revanche, si les motifs ne sont pas fondés, alors on la considérera comme une démission.

    C’est pourquoi l’arrêt du 14 octobre 2016, qui reste fidèle à la jurisprudence antérieure, paraît justifié. Tout d'abord parce que la prise d'acte n'est pas en soi un licenciement, mais peut s'analyser comme étant un mode de rupture autonome. Cette rupture est initiée par le salarié, c'est pourquoi condamner l'employeur au versement de l'indemnité pour procédure irrégulière semble difficile, d'autant plus que le salarié n'a aucun préavis à respecter. De plus, l'article L1235-2 du Code du travail dispose que « Si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose que l'employeur verse une indemnité ». Cet article exprime de façon intelligible le fait que dès lors qu'un licenciement est sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité pour procédure irrégulière n'est pas due. Ainsi dès lors qu'une prise d'acte produit les mêmes effets qu'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité pour procédure irrégulière n'a pas à être allouée. Cela semble logique puisque l'employeur sera déjà tenu au versement de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les deux ne sont donc pas cumulatives.

     

    Camille Rio

     


    [1] La rupture d’acte a été consacrée par trois arrêts 25 juin 2003 affirmant que « lorsqu’un salarié prend acte de rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets d'un licenciement si les motifs sont fondés, soit d'une démission s'ils avèrent être infondés ». ( Cass. Soc., 25 juin 2003)

  • Transfert privé-public : précisions sur les contrats de travail

    Article publié le 21 février 2017

     

    L'article L1224-3 du code du travail ne cesse de susciter du contentieux malgré les diverses tentatives du législateur visant à son amélioration. La chambre sociale a eu l'occasion dans son arrêt du 1er février 2017 de rappeler l'étendue exacte des règles relatives au contrat de travail en cas de transfert du secteur privé au secteur public.

    En l'espèce, un salarié bénéficiait d'un contrat de travail avec une association dont la gestion a été reprise par une personne publique. De ce fait, elle avait proposé au salarié un contrat de droit public qu'il avait accepté. Cependant ce contrat avait été retiré par cette dernière au titre d'une erreur manifeste d'appréciation. La personne publique lui a alors proposé un nouveau contrat avec une rémunération inférieure mais celui-ci ne l'a pas accepté. Par conséquent, elle lui avait notifié son licenciement.

    Le salarié  a assigné l'établissement public aux motifs que son licenciement n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse et que la procédure de licenciement n'avait pas été respectée. La cour d'appel de Paris dans son arrêt du 13 mars 2015 a accueilli favorablement les requêtes de ce dernier.

    La question qui était posée aux juges du droit était de savoir si le fait de ne pas répondre favorablement au contrat proposé constituait une cause de licenciement réelle et sérieuse et si la procédure de licenciement, dans ce cas, devait être respectée.

    La Cour de cassation a pu se prononcer plusieurs fois au cours des derniers mois sur le transfert d'une activité privée à une personne publique et sur les conséquences que cela emportait sur les contrats de travail. L'article L1224-3 du code du travail a été consacré à la suite d'une décision de la CJUE appliquant le régime générale des transferts à la reprise d'une activité par une personne publique. Ainsi il dispose que « Lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires.

    Sauf disposition légale ou conditions générales de rémunération et d'emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires, le contrat qu'elle propose reprend les clauses substantielles du contrat dont les salariés sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération ».

    Les dispositions de cet article restaient floues en la matière, c'est pourquoi la chambre sociale de la Cour de cassation est venue préciser les contours de la notion. Elle a ainsi estimé qu'en cas de transfert d'une activité à une personne publique, l'employeur doit notifier la rupture du contrat de travail. Néanmoins, le défaut de notification ne constituait qu'une irrégularité de forme n'ouvrant droit qu'à l'allocation de dommages et intérêts[1]. Par ailleurs, dans un arrêt important du 10 janvier 2017, les juges du droit ont rappelé que si le salarié refusait la conclusion du contrat de travail, ce dernier avait le droit à l'indemnité de préavis, mais que les règles relatives au licenciement et plus particulièrement à l'entretien préalable ne s'appliquaient pas[2]. Elle consacre l'idée ici qu'il s'agit d'une rupture sui géneris comme cela avait été évoqué dans son rapport annuel.

     

     Dans cet arrêt du 1er février 2017, les juges du quai de l'horloge confirment leurs décisions précédentes. Ils estiment dans un premier temps que la cour d'appel a violé le texte ci-dessus mentionné en ne retenant pas les conséquences du retrait du premier contrat et que le refus du second contrat constituait bien un motif de licenciement. Dans un second temps, les juges rappellent que si  la rupture produit de plein droit les effets d'un licenciement, les dispositions relatives à la convocation d'un entretien préalable ne sont pas applicables en l'espèce.

    La solution retenue est donc conforme aux décisions antérieures. Toutefois elle paraît sévère en l'espèce car le salarié avait eu connaissance d'un premier contrat lui proposant une rémunération plus importante, on peut comprendre aisément sa réticence à conclure le deuxième contrat.

     

     

    Camille RIO

     

    Sources :

     

     

  • L’engagement de la responsabilité pécuniaire d’un salarié à l’égard de son employeur. Cass., Soc. 25 janv. 2017

    Article publié le 22 février 2017

     

    Depuis 19581, la responsabilité du salarié envers son employeur n’est engagée qu’en présence d’une faute lourde. Au fur et à mesure, la cour de Cassation est venue préciser cette notion de faute lourde en y faisant ressortir une intention de nuire. Bien que ses différentes décisions en donnent une définition claire, la cour de Cassation vient ici en préciser les modalités d’application.

    En l’espèce, il s’agissait d’un conducteur de poids lourds ne disposant plus d’un permis de conduire valide en raison de l’expiration de son certificat médical d’aptitude. Ce dernier ayant poursuivi son activité de conduite a donc été licencié pour faute grave car ayant exécuté de façon déloyale son contrat de travail. Cependant, l’employeur a également exigé des dommages et intérêts, notamment au regard du risque important crée par cette exécution déloyale du contrat de travail. La cour d’appel a alors considéré que la faute grave du salarié justifiait son licenciement, mais également l’engagement de sa responsabilité pécuniaire. Cette considération a donc poussé le salarié à se pourvoir en cassation.

    Le moyen portant sur le licenciement n’étant que très peu discutable au regard de la loi et de la jurisprudence, la cours de cassation l’a écarté immédiatement.

    Le moyen portant lui sur la responsabilité et les dommages et intérêts a quant-à-lui, retenu plus grandement l’attention de la Cour qui tient alors le raisonnement suivant ; Dans la mesure où la cour d’appel a reconnu que le licenciement reposait sur une faute grave mentionnée dans la lettre de licenciement, celle-ci n’a pas fait mention de faits distincts susceptibles de caractériser une faute lourde. Afin d’appuyer sa décision, la cour de Cassation vise le principe selon lequel la responsabilité pécuniaire d’un salarié à l’égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde. Jusqu’ici, ce raisonnement suit la jurisprudence constante en la matière, cependant une nouvelle notion fait son apparition, celle des faits distincts de ceux mentionnés dans la lettre de licenciement. La cour de cassation semble indiquer qu’il serait nécessaire d’être en présence d’une part, de faits constitutifs d’une faute grave justifiant le licenciement, et d’autre part, des faits constitutifs d’une faute lourde justifiant l’engagement de la responsabilité pécuniaire du salarié envers son employeur. Ce point respecte l’idée de ne pas utiliser un même fait pour justifier à la fois une faute grave et une faute lourde

    Cependant, en l’espèce, l’ensemble des faits est porté à la connaissance de l’employeur au même moment. Il serait donc curieux de voir l’employeur distinguer telle ou telle partie des faits pour justifier deux procédures distinctes. D’autant plus que la règle d’unicité de la sanction disciplinaire du salarié par l’employeur impose que celui-ci épuise son pouvoir de sanction à l’égard de l’ensemble des faits dont il a connaissance2.

    ]. Le professeur Jean Mouly définit cette obligation comme une « présomption de pardon ». Cette idée est contradictoire avec le principe de faute distincte posé par la cour de Cassation. Comment l’employeur pourrait-il mettre en réserve certains faits pour caractériser une faute lourde tout en sachant que le licenciement pour faute grave épuise l’intégralité des faits connus ? Cela consisterait donc à dissocier les faits pour entraîner d’un côté la responsabilité pécuniaire ainsi que la sanction disciplinaire.

    Cette incohérence semble être traitée de manière différente selon la juridiction. Les juridictions du fond semblent être plus enclines à suivre les arguments des employeurs en faveur de la double poursuite. La cour de Cassation souhaite dans cet arrêt, rendre plus difficile l’application de la faute lourde des salariés, en ajoutant une nouvelle condition au côté de la faute intentionnelle, celle de « l'existence de faits, distincts de ceux visés par la lettre de licenciement, susceptibles de caractériser une faute lourde [...] alors qu'elle décidait, par un chef de dispositif que le rejet du premier moyen rend définitif, que le licenciement du salarié était fondé sur une faute grave »

    Cette décision complique alors l’engagement de la responsabilité pécuniaire des salariés envers l’employeur, ce qui représente un risque certain pour les PME, sensible aux erreurs de leurs employés et bien plus fragile que les grandes entreprises.

    GWENN DE CHATEAUBOURG

    Sources :

    http://dalloz-actualite.fr

    http://presentation.lexbase.fr

    Soc. 25 janv. 2017, FS-P+B, n° 14-26.071
     

    1Cass. soc., 27 nov. 1958, Sté des forges stéphanoises, Bull. civ. IV, n° 1259 ; Grands arrêts, n° 47

    2Cass. soc., 26 juin 2013, n° 11-27.413

  • Le refus de l'application de l'accord de mobilité interne par les salariés

    Arrêt publié le 03 février 2021

     

    Par un arrêt du 2 décembre 2020[1], la chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée sur l’accord de mobilité interne.

  • L’absence de date de conclusion dans un contrat à durée déterminée n’est pas une cause de requalification en contrat à durée indéterminée

    Article publié le 12 février 2018

     

    Le 20 décembre 2017, la chambre sociale de la Cour de cassation a confirmé sa lecture stricte des dispositions de l’article L.1242-12 du Code du travail.

    Cet article dispose que « Le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée […] ». Il précise également les mentions obligatoires à faire figurer dans un contrat de travail à durée déterminée, parmi lesquelles le nom et la qualification de la personne remplacée[1], la date du terme, la durée du contrat, l’intitulé de la convention collective applicable, ou encore le montant de la rémunération.

    En l’espèce, une salariée a sollicité la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrats de travail à durée indéterminée, au motif qu’ils lui avaient été transmis tardivement par son employeur. En effet, la salariée a estimé que, n’ayant pas précisé de date de conclusion dans les contrats de travail à durée déterminée, son employeur n’était pas en mesure de démontrer lui avoir remis ces contrats dans les deux jours suivant l’embauche, ainsi que l’y oblige pourtant l’article L. 1242-13 du Code du travail.

  • L’employeur, commettant, engage sa responsabilité civile en cas de harcèlement moral commis par ses préposés

    Article publié le 25 février 2019

     

    L’article 1242, alinéa 5, du Code civil dispose que « les maîtres et commettants sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ». Le contrat de travail constitue un lien de subordination de droit entre l’employeur et le salarié. Il existe une présomption de responsabilité du commettant du fait de son préposé, sauf si le premier démontre que le second a commis un abus de fonction. La jurisprudence retient une appréciation très large du lien entre la faute du salarié et ses fonctions afin que l’employeur soit reconnu civilement responsable des actes de son préposé, et que les victimes soient indemnisées.

    La chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 13 novembre 2018, que lorsqu’un salarié est reconnu coupable de harcèlement moral, son employeur engage sa responsabilité civile pour le dommage causé à la victime.

  • Le licenciement pour faute grave, caractérisé par la dissimulation à l’employeur du trop-perçu de rémunération

    Article publié le 05 décembre 2019

     

    Bien lire son bulletin de paie et notifier toute erreur à son employeur, telle est la ligne de conduite prescrite par la chambre sociale de la Cour de cassation aux salariés, dans un arrêt du 11 septembre 2019[1].

    En l’espèce, une salariée a demandé à son employeur la perception de son salaire par virement bancaire.

    Lors de la mise en œuvre du nouveau mode de règlement, une erreur a été commise par l’employeur. Ce dernier a versé à son employée, en plus de son salaire mensuel, un salaire supplémentaire ainsi qu’un acompte sur le salaire du mois suivant. Et ce, pendant plusieurs mois, sans que l’intéressée n’en alerte son employeur.

     

  • La transaction faisant suite à la remise de la lettre de licenciement en main propre n’est pas valable

    Article publié le 19 novembre 2018

     

    La transaction est un mode de résolution amiable des litiges prévu à l’article 2044 du Code civil. Elle permet aux parties, par des concessions réciproques, de résoudre ou mettre un terme à une contestation née ou de prévenir une contestation à naître.

    Lors de la rupture des relations contractuelles du travail, la transaction peut être un outil très intéressant pour les parties. Elle a vocation à régler ou à prévenir un litige né entre employeur et salarié à l’issue d’un licenciement, permettant à ces derniers d’éviter l’incertitude d’une procédure contentieuse longue et coûteuse.

    Aux fins de validité, la transaction conclue dans le cadre de la rupture du contrat de travail doit remplir certaines conditions. C’est sur l’une d’entre elles qu’a dû se prononcer la chambre sociale de la Cour de cassation le 10 octobre 2018.

  • Mandat de gérant et contrat de travail : C’est à celui qui conteste l’existence d’un cumul d’en apporter la preuve

    Article publié le 26 janvier 2019

     

    Dans le cadre d’une SARL, il est possible sous certaines conditions de cumuler un mandat de gérant avec un contrat de travail. Cette possibilité de cumul des fonctions est ouverte au gérant associé minoritaire ou égalitaire, mais aussi au gérant non associé. En revanche, le gérant associé majoritaire lui ne pourra pas prétendre au statut de salarié en plus de son mandat social.

    De plus, pour que le cumul soit valable :

    - Le contrat de travail du gérant doit correspondre à un emploi effectif ;

    - Qu’il y ait une séparation nette entre les fonctions liées au mandat de gérant et celles qui résultent du contrat de travail, avec une rémunération distincte ;

    - Le gérant doit être placé dans un état de subordination à l’égard de la SARL, c’est-à-dire sous l’autorité et le contrôle de celle-ci[1].

    Ce cumul des statuts présente de nombreux avantages pour le gérant qui, durant son mandat continuera de bénéficier de la protection sociale très intéressante qu’offre le statut de salarié, ainsi que la garantie de continuer à percevoir une rémunération (les salaires) s’il démissionne ou se trouve révoqué de son mandat de gérant. 

  • Le licenciement du salarié en raison d’une action en justice à l’encontre de son employeur est nul

    Article publié le 28 janvier 2019

     

    Le droit d’agir en justice est une liberté fondamentale consacrée par l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, et constitutionnellement garantie par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

    Cette liberté fait l’objet d’une forte protection et l’employeur ne peut prendre aucune mesure à l’encontre du salarié qui en fait usage. Ainsi, l’article L.1134-4 du Code du travail prévoit la nullité du licenciement d’un salarié qui fait suite à une action en justice engagée par ce dernier, lorsqu’il est établi que le licenciement n’a pas de cause réelle et sérieuse, et constitue en réalité une mesure prise par l’employeur en raison de cette action en justice.

    La chambre sociale de la Cour de cassation rappelle ce principe, par une décision du 5 décembre 2018, en déclarant nul le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite par le salarié à l’encontre de son employeur.

  • Le salarié dont le CDD est suspendu ne peut faire l’objet d’un licenciement que si son employeur parvient à prouver une faute grave

    Article publié le 22 février 2019

     

    En l’espèce, un salarié est employé en tant qu’agent d’entretien par le département de Paris, dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée (CDD), commençant le 13 octobre 2010 et se terminant 12 avril 2011. Ce contrat de travail a été renouvelé jusqu’au 12 octobre 2011. Mais le salarié est victime d’un accident du travail le 8 juillet 2011 et se trouve arrêté du 13 juillet au 12 septembre et finalement jusqu’au 4 octobre. Le 27 janvier 2012, il saisit le conseil des prud’hommes afin d’obtenir la requalification de ses contrats à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée (CDI).

    Le salarié obtient finalement la requalification de ses CDD en un CDI mais malheureusement, son employeur finit par le licencier. Le but de son appel est notamment de contester son licenciement, qu’il voudrait voir nul.

  • L’employeur est responsable des actes discriminatoires commis par des bénévoles

    Article publié le 25 février 2019

     

    L’employeur est tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité en vertu des articles L.4121-1 et L.4121-2 du Code du travail. Cette obligation de sécurité lui impose d’agir pour prévenir et limiter les risques dans l’entreprise, il doit prendre toutes les mesures utiles lorsqu’il est informé d’une situation contrevenant à cette obligation.

    En raison de cette obligation de sécurité, l’employeur est responsable des actes discriminatoires commis par des bénévoles, comme l’a jugé la chambre sociale de la Cour de cassation dans l’arrêt rendu le 30 janvier 2019.