Précision quant à l’identification du débiteur dans les mentions manuscrites d’un contrat de cautionnement

Article publié le 7 novembre 2019

 

Le 9 juillet 2019[1] la Cour de cassation s’est une nouvelle fois prononcée sur l’épineuse question des mentions manuscrites en droit du cautionnement. 

En l’espèce, la société CGA et une personne physique, entrepreneure individuelle, exerçant en son nom personnel sous l’enseigne « atelier Vosgien de transformation du bois » (AVTB), concluent le 14 décembre 2004 un contrat d’affacturage. L’époux de l’entrepreneure se porte caution de l’engagement souscrit par sa conjointe. Celle-ci est par la suite mise en redressement judiciaire, et la société créancière assigne alors son époux en qualité de caution pour le paiement des prestations réalisées. Ce dernier invoque la nullité du contrat de cautionnement pour indétermination du débiteur dans la mention manuscrite. 

Le Code de la consommation impose en effet à la caution personne physique qui s’engage envers un professionnel, sous peine de nullité de l’engagement, de faire précéder sa signature d’une mention manuscrite (article L341-2 ancien[2] du Code de la consommation, article L331-1 nouveau).

La Cour d’appel de Nancy, dans un arrêt du 11 janvier 2017, déboute l’époux caution de sa demande de nullité de l’engagement. Les juges du fond ont estimé qu’il ne pouvait y avoir de doutes sur l’identité du débiteur principal garanti car l’époux avait apposé la mention « vu » sur le contrat d’affacturage et une mention en tête du contrat de cautionnement visait en tant que débitrice principale « Mme G… Y…, épouse O… -AVTB ». L’époux caution se pourvoit alors en cassation, et la Haute juridiction casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de Nancy du 11 janvier 2017 au visa de l’article L341-2 ancien du Code de la consommation. 

La juridiction suprême devait statuer sur la question de l’identification suffisamment précise ou non de la débitrice : à savoir si l’enseigne inscrite en forme abrégée répondait aux exigences de l’article L341-2 ancien du Code de la consommation.  

La Cour de cassation reproche aux juges du fond de ne pas avoir recherché si la mention manuscrite de l’acte de cautionnement permettait d’identifier le débiteur principal garanti sans avoir à se référer à des éléments extérieurs à la mention. Elle décide que le débiteur doit être désigné dans la mention manuscrite par son nom ou sa dénomination sociale et non seulement par l’enseigne. 

La Haute juridiction a jugé avec justesse au plan juridique. En effet, une enseigne telle que « AVTB » n’est pas une personne physique ou morale, il ne s’agit que du signe extérieur apposé sur la façade d’un établissement permettant d’identifier l’entreprise. Une enseigne ne peut donc pas être garantie au titre d’un cautionnement[3].

Cependant, cette solution est d’une grande sévérité pour le créancier car l’article L341-2 ancien du Code de la consommation prévoit une mention devant être reproduite à l’identique, mais le texte ne précise pas la façon dont doit être indiqué le débiteur. La Cour de cassation intervient précisément sur cette question. Précédemment, des actes de cautionnement n’avaient pas été annulés alors que le débiteur était désigné sous la mention « la SARL »[4] ou « le bénéficiaire du crédit »[5]. La Cour suprême n’est pas toujours constante dans la protection offerte à la caution. Par exemple, la Cour[6] a estimé que l’absence de date dans la mention manuscrite n’était pas une cause de nullité alors que la caution ne pouvait pas apprécier correctement l’ampleur de son engagement en raison de l’absence de point de départ[7]

Dans l’affaire objet du commentaire, la simple erreur matérielle aurait suffi donnant alors lieu à rectification car le lien unissant la débitrice et la caution ne pouvait soulever de doute quant à l’identification de cette première[8]

Pour accroître la sécurité juridique dans les contrats de cautionnement et lorsque le débiteur principal est un entrepreneur individuel il convient ainsi d’indiquer rigoureusement le nom de l’entrepreneur ainsi que l’enseigne sous laquelle est exercée l’activité. 

La question de l’indétermination du débiteur est davantage une arme pour faire tomber le contrat de cautionnement plutôt qu’une véritable faille dans l’identification de ce dernier. La mention manuscrite imposée pour protéger la caution est-elle toujours source de sécurité juridique ? 

Lauren PRUNIER


[1] Cass. Com, 9 juillet 2019, n°17-22.626.

[2] Article L341-2 ancien du Code de la consommation : « Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même."

[3] P. Simler, P. Delebecque, « Chronique de droit des sûretés », JCP 23 septembre 2019, n°39, doct. 958. 

[4] Cass. Com 21 novembre 2018, n°16-25.128.

[5] CA Aix-en-provence, 4 mai 2017, n°15/06888. 

[6] Cass. Com, 15 mai 2019, n°17-28.875

[7] D. Houtcieff, « Le cautionnement est un principe consensuel », Revue des contrats, 13 septembre 2019, n°03, p. 48. 

[8] M. Mignot, « L’identification du débiteur principal dans la mention manuscrite », L’essentiel Droit bancaire, 1er octobre 2019, n°09, p. 6.

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