L'engagement de caution s'apprécie au regard de l'ensemble des capacités financières des coemprunteurs

Article publié le 20 mai 2017

 

« Attendu que lorsqu’un emprunt est souscrit par plusieurs emprunteurs, l’existence d’un risque d’endettement excessif résultant de celui-ci doit s’apprécier au regard des capacités financières globales de ces coemprunteurs ».Voila la motivation précise, concise et claire qu’a pu apporter la Cour  de cassation dans cette affaire.

En l’espèce,  une caisse régionale du crédit agricole de Val-de-France avait consenti à deux personnes physiques, des prêts qui devaient financer la création d’une entreprise artisanale de menuiserie.

Cependant, la société constituée a, dans un premier temps, été mise en redressement judiciaire le 05 Novembre 2009, puis en liquidation judiciaire dans un second temps le 06 Mai 2010.

La Caisse du Crédit Agricole a donc assigné une des deux personnes concernées en paiement et cette même personne a reconventionnellement recherché sa responsabilité pour manquement à son devoir de mise en garde.

La Cour d’appel a, le 23 avril 2015, observé que la Caisse avait manqué à son devoir de mise en garde vis-à-vis de la personne qui ne percevait qu’un salaire mensuel de 1 500.00€ et que la charge du remboursement du prêt qui correspondait à la moitié en était excessive.

La question qui se posait ici était de savoir si la charge d’un remboursement d’un prêt cautionné se calcule sur les revenus individuels d’une des cautions ou sur les revenus additionnés de l’ensemble des cautions.

La cour de cassation rappelle dans son attendu de principe que « lorsqu’un emprunt est souscrit par plusieurs emprunteurs, l’existence d’un risque d’endettement excessif résultant de celui-ci doit s’apprécier au regard des capacités financières globales de ces coemprunteurs ». Elle vise également l’article 1147 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016

La réponse de la chambre commerciale, dans son arrêt du 4 Mai 2017 a le mérite d’être claire : Il faut prendre en compte l’ensemble des revenus des cautions pour déterminer si la charge du remboursement est excessive.

C’est pour cette raison que l’arrêt rendu par la Cour d’appel a été cassé.

Cet arrêt de la Cour de cassation s’inscrit dans une lignée jurisprudentielle qui a vocation à se préciser. En effet, les cautions, et de facto les cautions dirigeantes, utilisent régulièrement deux arguments pour tenter de se défaire de leur engagement de manière partielle ou totale : Elles invoquent la disproportion de leur engagement ou l’absence de mise en garde de la banque.

Ici, nous sommes dans le premier cas. En effet, la sanction d’un acte de cautionnement disproportionné lors de sa conclusion est la déchéance du créancier professionnel dans ses droits contre la caution (Chambre commerciale, 22 juin 2010, Chambre commerciale, 1er avril 2014).

Rappelons que le caractère disproportionné du cautionnement doit s’apprécier vis-à-vis des revenus et du patrimoine qui étaient ceux de la caution au jour où elle a consenti son engagement. Cela résulte par exemple d’une décision de la chambre commerciale du 5 octobre 2010.

La jurisprudence de la Chambre commerciale est claire en la matière et cela est rappelé de manière régulière : La proportionnalité de l’engagement de la caution ne doit pas s’apprécier au regard des revenus escomptés de l’opération (Chambre commerciale, 29 Novembre 2016, Chambre commerciale, 18 janvier 2017)  mais seulement des revenus au jour de l’engagement

L’arrêt est en soi peu critiquable, la motivation de la chambre commerciale est ici des plus concises et claires. Cependant, il ne viendra que peu limiter le contentieux généré par les recours contre les cautions dirigeantes tant qu’il n’y aura pas un texte clair sur le sujet.

Jordy SASSUS-BOURDA

Sources :

-        Cass, com., 4 Mai 2017 n°16-12.316

-        Cass, com., 22 Juin 2010 n°09-67.814

-        Cass, com., 1 Avril 2014 n°13-11.313

-        Cass. com., 5 octobre 2010 n°09-69.660

-        Cass. com., 29 novembre 2016 n°15-12413

-        -Cass. com., 18 janvier 2017, n°14-20574

 

 
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