L’obligation du locataire de réaliser sous astreinte les travaux avancés par le bailleur

Article publié le 7 mars 2018

 

Quelle solution est offerte au bailleur lorsqu’un locataire n’exécute pas les travaux qui ont été autorisés par le juge et que les frais ont été avancé par le bailleur ? Par un arrêt du 21 décembre 2017 la troisième chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée sur ce point. Elle affirme que le bailleur qui a effectué l’avance des frais de remise en état d’un logement peut demander la condamnation du locataire à exécuter les travaux. 

 

En l’espèce, un établissement a loué un logement en 1993. La locataire, arguant la non-conformité du logement, a assigné le bailleur afin de pouvoir effectuer des travaux. Le 13 mai 2005, la locataire a été autorisée par le juge, sur le fondement de l’article 1144 ancien du Code civil (article 1222 nouveau), à effectuer des travaux de mise en conformité des lieux et à installer un système de chauffage individuel aux frais du bailleur. Par la suite, le bailleur a versé les sommes indispensables à l’accomplissement des travaux. Toutefois, la locataire n’a procédé à aucun des travaux autorisés. Dans ce contexte, le bailleur l’a assigné en exécution de ces derniers sous astreinte. Par voie reconventionnelle, la locataire a sollicité l’indemnisation des préjudices qu’elle prétend avoir subis.

Le 13 novembre 2014, la cour d’appel de Paris a fait droit à la demande du bailleur et a condamné la locataire à exécuter les travaux sous astreinte. La locataire fait grief à l’arrêt d’appel de l’avoir condamné à cette réalisation sous astreinte. 

 

A l’appui de son pourvoi, la demanderesse affirme que le débiteur d’une obligation, ici le bailleur, ne peut obtenir sur le fondement de l’ancien article 1144 du Code civil l’exécution par le créancier, soit le locataire, des travaux qu’il aurait dû lui-même effectuer. En effet, la locataire considère que l’obligation de mise en conformité reposait initialement sur le bailleur.

 

Pour rappel, l’article 1144 ancien du Code civil énonçait que « le créancier peut aussi, en cas d'inexécution, être autorisé à faire exécuter lui-même l'obligation aux dépens du débiteur. Celui-ci peut être condamné à faire l'avance des sommes nécessaires à cette exécution. »

 

Toutefois, la Cour de cassation rejette cette critique et approuve la logique des juges du fond. En application de l’article 1144 ancien du Code civil, elle estime que le bailleur peut demander l’exécution forcée des travaux qu’il a financé.

En l’espèce, la locataire disposait d’une autorisation ainsi que des sommes nécessaires pour effectuer les travaux dont elle avait fait la demande. De plus, elle ne justifiait d’aucun empêchement légitime à l’exécution de ces derniers. 

 

Ainsi, cet arrêt illustre de manière intéressante les effets de l’ancien article 1144 ancien du Code civil. L’intérêt de cette disposition réside dans la possibilité offerte au créancier de condamner son cocontractant qui n’a pas exécuté sa prestation, à en obtenir l’exécution aux frais de ce dernier. Le créancier va donc prendre la charge matérielle de l’exécution des travaux tandis que le cocontractant débiteur en supportera la charge financière. De ce fait, l’obligation reste sur la tête du débiteur et la charge financière ne prend en aucun cas la nature de dommages-intérêts.

 

Il est important de noter que l’ordonnance du 10 février 2016 a modifié l’article 1144 ancien du Code civil.

 

À présent, le nouvel article 1222 du Code civil permet au locataire, en cas d’inexécution du bailleur, d’exécuter lui-même l’obligation après une mise en demeure, dans un délai et à un coût raisonnables. L’exécution peut aussi résulter d’une autorisation faite par le juge. Le nouvel article 1222 du Code civil reprend donc la solution retenue par l’ancien article 1144.

 

Il faut ainsi retenir que le créancier peut en cas d’inexécution d’une obligation du débiteur, demander au juge de l’exécution d’exécuter lui-même l’obligation et d’obtenir ensuite le remboursement par le débiteur des sommes avancées. 

 

Anaïs MAURICE

 

Sources

 

-          Civ. 3ème, 21 décembre 2017, n°15-24.430. 

 

-          Camille Dreveau, Article 1144 du Code civil ancien : obligation de réaliser les travaux financés, civil, Dalloz actualité, 15 janvier 2018. 

 

-          Pauline Fleury, Condamnation d’un preneur à réaliser sous astreinte les travaux avancés par le bailleur, civil, Actualités du droit, 16 janvier 2018.  

 

 

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