L'affaire Monsanto : La responsabilité du producteur du fait des produits défectueux

Article publié le 21 décembre 2020

 

Par un arrêt du 21 octobre 2020[1], la Cour de cassation s’est prononcée sur la responsabilité du producteur sur le fondement du régime spécial de la responsabilité du fait des produits défectueux.

En l’espèce, un agriculteur avait acheté auprès d’une coopérative agricole un désherbant produit sous le nom de « Lasso » par la société Monsanto. L’agriculteur avait inhalé accidentellement les vapeurs de l’herbicide commercialisé par la société jusqu’à son retrait en 2007.

La Cour d’appel de Lyon, le 11 avril 2009[2], avait déclaré la société responsable du dommage qu’avait subi l’agriculteur, sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux[3].

La société s’est pourvue en cassation contre cet arrêt. Elle considérait que le produit était conforme aux règles de mises en circulation de l’époque. Elle estimait aussi qu’elle n’était pas le producteur au seul motif qu’elle était présentée ainsi sur l’étiquette du désherbant. Elle contestait le défaut du produit et invoquait la manipulation d’un autre désherbant par l’agriculteur qui avait pu aussi causer le préjudice invoqué.

La Cour de cassation rejette le pourvoi et valide le raisonnement des juges du fond, tout d’abord aux motifs que l’étiquetage du produit laissait apparaître la société comme producteur du produit. De plus, le dommage invoqué était imputable au produit. De ce fait, les différents indices présentés à la Cour d’appel, faisaient apparaître un lien causal établi entre l’inhalation et le préjudice subi.

La haute juridiction approuve la Cour d’appel d’avoir écarté la responsabilité de l’agriculteur, invoquée par la société en raison de l’absence du port d’une protection par la victime, pourtant indiquée sur le produit.

 

La difficulté de ce litige concerne la responsabilité du producteur au moment des faits, à une période où les connaissances ne pouvaient permettre d’aboutir à une dangerosité du produit. La Cour de cassation a alors estimé que « le producteur était responsable de plein droit, sauf s’il prouve que l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment il a mis le produit en circulation, n’a pas permis de déceler l’existence du défaut »[4].  Cette solution avait déjà été traitée au niveau européen[5] et faisait peser sur le producteur la charge de la preuve.

Toutefois, la haute juridiction n’a pas apprécié les conséquences financières d’une telle reconnaissance de responsabilité, qui aurait pu servir de base dans les litiges futurs. En effet, il est certain que des différends portant sur des produits défectueux vont continuer d’affluer grâce à l’état d’avancement des connaissances scientifiques et techniques, permettant de détecter des produits dangereux, qui jusqu’alors ne l’étaient point. Il aurait donc été opportun de fixer une base financière pour ce type de litige.

Par ailleurs, l’arrêt reprend une règle qui avait déjà été énoncée par le passé [6], pour fixer le point de départ de la mise en circulation : « la mise en circulation s‘entend, dans le cas de produits fabriqués en série, de la date de commercialisation du lot dont il fait partie »[7].

Nous pouvons mettre en perspective cette solution avec la crise sanitaire que nous connaissons aujourd’hui. En effet, l’apparition des premiers vaccins est une bonne nouvelle, mais la commercialisation rapide de ces derniers peut poser question. Malheureusement, il est possible que certains vaccins soit défectueux, ainsi la responsabilité du fait des produits défectueux pourrait être invoquée en pareil cas, prenant appui sur cette jurisprudence.

Tybault COSTIOU

 

[1] Civ. 1ère , 21 octobre 2020, n° 19-18.689

[2] Arrêt rendu après renvoi en cassation Ch. Mixte, 7 juillet 2017, n°15-25.651

[3] Art. 1245 et s. c. civ.

[4] S. DE ROUMEFORT, « Responsabilité du fait des produits défectueux : après l’affaire du Roundup, celle du Lasso », 5 nov. 2020, www.Lamyline.fr

[5] CJUE, 29 mai 1997, Commission / Royaume-Uni, Aff. N° C-300/95

[6] 1ère ch civ, 20 septembre 2017, n°16-19.643

[7] C-A. MICHEL, « Épilogue de la saga du Lasso », 28 oct. 2020, www.Lexbase.fr

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