La sanction de la démolition en cas d’empiètement sur le terrain d’autrui

Article publié le 2 mars 2018

 

Le 21 décembre 2017, la troisième chambre civile de la Cour de cassation s’est une nouvelle fois prononcée sur la sanction de l’empiètement de constructions sur le terrain d’autrui. Elle rappelle alors que la sanction inévitable en cas d’empiètement sur le terrain d’autrui est la démolition.

En l’espèce, le litige portait sur l’empiètement d’une parcelle par un bâtiment et des murs de clôtures. Le propriétaire de la parcelle empiétée a assigné les propriétaires de la parcelle attenante en démolition de la partie du bâtiment et des murs de clôtures construits par ceux-ci.  

Le 3 novembre 2015, la cour d’appel de Saint-Denis a condamné les propriétaires du bâtiment à supprimer leur ouvrage. Ces derniers ont alors formé un pourvoi en cassation.

Dans un premier temps, les demandeurs au pourvoi invoquent comme moyen le principe de proportionnalité des sanctions. En effet, ils estiment que l’empiètement ne justifiait pas la démolition du mur porteur de l’ouvrage en cause. Ils reprochent donc aux juges du fond de ne pas avoir privilégié une réparation plus appropriée aux circonstances.  

Ensuite, ils reprochent aux juges du fond de retenir que les dispositions de l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ne puissent être invoquées que par le propriétaire victime.

Pour finir, les demandeurs mettent en évidence le comportement fautif du propriétaire victime. Ils estiment que celui-ci a attendu la fin de la construction du bâtiment pour se prévaloir des dommages et demander la démolition de celui-ci alors qu’il aurait dû intervenir dès l’origine de la construction en dénonçant l’empiètement.  

Il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante[1], en application de l’article 545 du Code civil, que le propriétaire d’un fonds peut exiger la démolition d’un ouvrage voisin qui empiéterait sur son terrain. Dès lors, les juges du fonds ne peuvent pas refuser la sanction de la démolition et se borner à allouer seulement des dommages et intérêts.

C’est en ce sens que la Cour de cassation rejette tous les arguments invoqués par les demandeurs et confirme la décision des juges du fond. Elle rappelle que « tout propriétaire est en droit d’obtenir la démolition d’un ouvrage empiétant sur son fonds, sans que son action puisse donner lieu à faute ou à abus ; que l’auteur de l’empiétement n’est pas fondé à invoquer les dispositions de l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dès lors que l’ouvrage qu’il a construit méconnaît le droit au respect des biens de la victime de l’empiétement ».

Ainsi, les juges du fond ne sont donc pas tenus de prendre en compte les circonstances du dommage. L’insignifiance de l’empiètement ou encore la bonne foi du constructeur importent peu. Cette affirmation peut paraître radicale, puisque la démolition s’avère très dommageable pour le constructeur. En effet, on retrouve ce caractère dommageable lorsqu’il s’agit par exemple, d’un empiètement minime dont la suppression implique la destruction d’un ouvrage important provoquant ainsi un dommage sans égal avec celui de la victime de l’empiètement. 

Malgré tout, par cet arrêt du 21 décembre 2017, la Cour de cassation demeure toujours aussi intransigeante sur la question, n’autorisant en rien l’adaptation des sanctions d’un empiètement aux faits du litige. Par conséquent, cette solution semble couper court aux espoirs de voir survenir un revirement concernant la sanction de l’empiètement sur le terrain d’autrui. Pourtant, un arrêt du 10 novembre 2016[2] avait été rendu et laissait croire tout le contraire. En effet, dans cet arrêt la Haute juridiction suggérait aux juges du fond d’examiner si une solution moins radicale que la démolition de l’ouvrage dans son entier ne pouvait pas être adoptée.  

 

Anaïs MAURICE

Sources :

-       Civ. 3ème, 21 décembre 2017, n°16-25.406.

-       Delphine PELET, Empiètement sur le terrain d’autrui : la sanction reste la démolition, Dalloz Actualité, 12 janvier 2018, disponible sur : www.dalloz-actualite.fr .

-       Jean-Louis BERGEL, La sanction de l’empiètement de constructions sur le terrain d’autrui, RDI 2017. 

 

 


[1] Civ. 3ème, 4 octobre 1989, n°87-14.837.

[2] Civ. 3ème, 10 novembre 2016, n°15-25.113.

Démolition destruction empiètement terrain bâtiment voisin voisinage

  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire