La confirmation d’une stipulation pour autrui d’un droit réel

Article publié le 6 janvier 2021

 

Dans un arrêt du 12 novembre 2020[1], la Cour de cassation affirme le caractère réel et imprescriptible de la régularisation forcée d’une stipulation pour autrui de la cession de parcelles.

 

En l’espèce, une personne morale et une personne physique, tous deux propriétaires de parcelles contiguës, entreprennent la réalisation de lotissements composés de douze lots. Les parties procèdent ensuite à un échange de parcelles afin qu’une association syndicale libre (ASL), en devenir, en acquière la propriété et puisse accueillir une nouvelle voie de desserte et une aire de jeux. Ainsi, en 1981, le promettant s’engage, par une stipulation pour autrui, à céder les terrains en faveur de la future association. Mais lors de sa création, en 2005, l’ASL décide d’agir en régularisation forcée de la cession face au refus de la propriétaire d’honorer son engagement.

La Cour d’appel de Versailles par un arrêt du 20 juin 2019 fait droit à la demanderesse. Les juges du fond considèrent que l’action en régularisation forcée de la cession qui tend à faire constater un droit de propriété doit être regardé comme étant imprescriptible. En ce sens, l’acte notarié dressé en 1981 par les parties confère un droit direct au bénéficiaire envers le promettant.

A ce jugement, s’ensuit un pourvoi en cassation formé par la propriétaire. Celle-ci soutient que l’action introduite par la demanderesse, qui se prévaut d’une stipulation pour autrui, et qui a pour objet la restitution d’un bien est une action personnelle, alors soumise à un délai de prescription de cinq ans. De plus, l’acte notarié d’échange se borne à faire état d’une cession future et non d’une vente, évinçant ainsi tout transfert de propriété. Cette argumentation est finalement rejetée par la haute juridiction qui considère, au même titre que les juges du fond, que la régularisation forcée de la cession tendait à faire reconnaître le droit de propriété qui avait été cédé sous l’effet de la stipulation pour autrui. En effet, l’engagement de cession, malgré le terme impropre de vente, prévu dans l’acte notarié constituait une stipulation pour autrui vis-à-vis de l’ASL laquelle, lors de sa constitution, s’est vu immédiatement bénéficier de la propriété des parcelles.

En vertu de l’article 1205 du Code civil[2] une stipulation pour autrui peut désigner une personne future si elle est nommément désignée. En l’espèce, peu importait que le bénéficiaire n’existe pas au jour de la stipulation puisque le droit concédé au bénéficiaire était déjà né. La création de l’ASL conditionnait l’attribution de la propriété. Il convenait ainsi de faire reconnaître le droit de propriété du demandeur.

Pourtant, il faut noter que le moyen avancé par le promettant au pourvoi était judicieux au regard de la jurisprudence puisqu’il est fréquent qu’une stipulation pour autrui confère au bénéficiaire un droit contre le promettant, auquel cas ce droit serait de nature personnelle. La position de la troisième chambre civile rejoint la pensée de certains auteurs[3] qui avançaient l’idée que rien n’empêche le promettant de faire acquérir au tiers un droit réel même si le plus souvent c’est un droit de créance qui est conféré au bénéficiaire.

La Cour de cassation admet le caractère imprescriptible de la revendication en régularisation d’une cession portant sur un droit de propriété. Dans un second temps, cette solution permet de protéger le droit de propriété du demandeur, prévu en l’espèce depuis 1981 par acte authentique, jusqu’à la création de l’organe de gestion. Tandis qu’un quelconque droit de créance d’un bénéficiaire à l’encontre d’un promettant se prescrit.

Cet arrêt est ainsi la première confirmation jurisprudentielle de la possibilité de stipuler un droit réel au profit d’un bénéficiaire[4].

Margaux YAGUES

 

 

[1]  3e civ. 12 nov.2020 n°19-23.160.

[2] Art. 1205 C. Civil al.2. :  - « L'un des contractants, le stipulant, peut faire promettre à l'autre, le promettant, d'accomplir une prestation au profit d'un tiers, le bénéficiaire. Ce dernier peut être une personne future mais doit être précisément désigné ou pouvoir être déterminé lors de l'exécution de la promesse ».

[3] Y. LEQUETTE, F. TERRE, P. SIMLER, « Les obligations », 12e éd. Précis Dalloz, p. 780, §705.

[4] N. LE RUDULIER, « Stipulation pour autrui d’un droit réel », 24 déc.2020, www.dalloz-actualité.fr.

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