L'ajustement du point de départ de la prescription en cas de manquement du banquier à son devoir d'information

Article publié le 15 février 2021

 

Par un arrêt du 6 janvier 2021[1], la chambre commerciale de la Cour de cassation s’est prononcée sur le point de départ de la prescription en cas de manquement au devoir d’information du banquier.

En l’espèce, une personne obtient d’une banque un prêt immobilier, garanti par une caution. Pour éviter le risque d’impayés, la banque souscrit une assurance de groupe dont l’emprunteur adhère. Quelques années plus tard, l’emprunteur est placé en arrêt maladie et demande la prise en charge du remboursement des mensualités de prêt par l’assurance. Cette demande lui est refusée à cause de la limite d’âge au-delà de laquelle on ne peut dépasser pour être couvert par cette garantie. Face à cette situation, la banque prononce la déchéance du terme du prêt justifié par des échéances impayées. La caution va payer les sommes demandées par la banque et assigne l’emprunteur pour obtenir le remboursement de ces sommes. L’emprunteur lui oppose un manquement de la banque à son devoir de conseil, puisqu’elle ne l’a pas informé des risques couverts à sa situation personnelle.

La Cour d’appel de Bastia[2] déclare prescrite l’action en responsabilité de l’emprunteur. Ce dernier forme un pourvoi en cassation à l’encontre de cette décision. Il estime que « l’assuré prend connaissance du dommage né d’un manquement à un devoir de conseil sur l’adéquation de la garantie souscrite à ses besoins au moment du refus de garantie, qui constitue donc le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité contre le débiteur de l’obligation de conseil ».

La Haute juridiction censure les juges du fonds en rappelant que les actions personnelles ou mobilières entre commerçants et non commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Puis, la Haute juridiction indique dans le contrat d’assurance la nature du dommage pouvant être invoqué : « Lorsqu’un emprunteur […] reproche à cette banque d’avoir manqué à son obligation de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle […] le dommage qu’il invoque consiste en la perte de la chance de bénéficier d’une telle prise en charge. Ce dommage se réalisant au moment du refus de garantie opposé par l’assureur, cette date constitue le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité exercée par l’emprunteur ».

Ainsi, la Cour de cassation estime qu’en cas de perte de chance, au moment du refus de l’assureur d’octroyer la garantie, commence à courir le délai de prescription de l’action en responsabilité[3]. En d’autres termes, le banquier est débiteur d’un devoir d’information et de conseil envers son client qui souscrit une garantie et il pourra voir sa responsabilité engagée s’il ne respecte pas le devoir qui lui incombe. Le délai de prescription de cette action commence à courir lorsque l’assuré prend connaissance du dommage né du manquement au devoir[4].

Cette appréciation de la date semble favorable à l’emprunteur car elle correspond à la date à laquelle le risque est décelable pour le particulier. Cette solution semble logique, puisque les conséquences du manquement au devoir de conseil et d’information ne se font pas ressentir au moment où l’information aurait dû être donnée mais au moment où le particulier en a connaissance. Il convient de préciser que la jurisprudence oblige le banquier au devoir d’information et de conseil même en présence de dispositions contractuelles claires, même en cas de remise d’une notice d’information[5].

 

Tybault COSTIOU 


[1] Cass. soc., 6 janv. 2021, n° 18-24.954

[2] CA Bastia, 26 septembre 2018

[3] E. Golosov, « Manquement au devoir de conseil et délai de prescription : la date de réalisation du dommage emporte la conviction de la Chambre commerciale », 12 janv. 2021, www.Lamyline.fr

[4] J. Lasserre Capdeville, « Précisions sur le devoir d’éclairer du banquier en matière d’assurance de groupe », 12 janv. 2021, www.Lexbase.fr

[5] Cass. plén. 2 mars 2007, n°06-15.267

Banque Prescription devoir d'information et de conseil

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