L’application du plafonnement des indemnités pour licenciement abusif

Article publié le 15 février 2018

 

L’idée même d’un barème en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse n’est pas inédit. En effet, ce barème était initialement prévu dans le cadre de la loi MACRON du 6 août 2015 mais il a été censuré par le Conseil constitutionnel. Ultérieurement, il a été intégré dans le projet de loi travail en 2016 mais là encore sans succès, avant d’être finalement retiré.

L’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et sécurisation des relations de travail a modifié en de nombreux points les droits des salariés. L’une des mesures phares de la réforme du Code du travail réside dans la mise en place d’un barème obligatoire d’indemnités pour licenciement abusif qui est applicable pour les licenciements prononcés après le 23 septembre 2017.

En pratique, il s’agit donc de fixer des montants d’indemnisations que les conseillers prud’homaux ne peuvent dépasser lorsqu’un licenciement est considéré comme injustifié.

Tout d’abord, il convient de revenir sur l’état du droit avant la publication des ordonnances MACRON. Initialement, il était prévu qu’en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse le montant des dommages et intérêts était au minimum égal à six mois de salaire pour tout salarié ayant au moins deux ans d’ancienneté et pour une entreprise d’au moins onze salariés. Dans cette hypothèse, aucun plafond n’était imposé. Par ailleurs, si l’entreprise comptait moins de onze salariés ou encore que le salarié avait moins d’un an d’ancienneté alors rien n’était prévu. Le juge avait donc un pouvoir d’appréciation en la matière.

Désormais, le juge se doit de respecter un plancher et un plafond. L’indemnité est donc fixée selon l’effectif de l’entreprise ainsi que l’ancienneté du salarié.

Le nouveau barème prévoit un plafond avec une indemnité maximale équivalente à vingt mois de salaires bruts à partir de vingt-neuf ans d’ancienneté du salarié.

Le plancher, lui, varie en fonction de l’effectif de l’entreprise. Pour les entreprises d’au moins onze salariés, l’indemnité ne peut être inférieure à un mois de salaire pour une année d’ancienneté et de trois mois à partir de deux années d’ancienneté. Des planchers encore différents sont prévus pour les entreprises de moins de onze salariés[1].

L’objectif préconisé par l’instauration de ce barème est de rendre le coût du licenciement plus prévisible pour les employeurs. Cependant, la mesure concernant ce barème obligatoire est vivement contestée.

Les juges voient ce plafonnement comme une atteinte à leur pouvoir souverain d’appréciation. Par ailleurs, par une décision récente[2], la Cour de cassation a anticipé le débat en rappelant que les juges étaient souverains pour estimer le dommage subi par le salarié en cas de licenciement abusif, peu importe le barème applicable qui ne saurait encadrer à lui seul l’indemnité du licenciement abusif. Cette décision a été rendue quelques jours avant la signature des ordonnances.

D’autres considèrent que cela constitue une précarisation du statut des salariés. En effet, les entreprises ne seront plus sanctionnées en fonction du préjudice réel des salariés victimes mais en fonction du barème obligatoire, celui-ci réduisant le coût des licenciements hasardeux. Ce barème constituerait-il alors un danger pour les salariés en faveur des entreprises ?  

Enfin, une certaine limite peut être soulevée. En effet, le barème obligatoire n’est pas incontournable. Les juges retrouvent une certaine liberté si la nullité du licenciement est fondée sur certaines situations telles que le harcèlement moral, sexuel ou encore l’atteinte à une liberté fondamentale, le barème obligatoire n’ayant pas vocation à s’appliquer en l’espèce. Ainsi, cette exception pourrait inciter les salariés à invoquer la nullité de leur licenciement afin de contourner le barème obligatoire prévu en cas de licenciement abusif. Cette réflexion laisse présager une augmentation importante des demandes en nullité de licenciement ainsi que la possibilité de nouveaux contentieux contestant le plafonnement obligatoire.

 

Anaïs MAURICE

 

Sources : 

-          Liaisons sociales Quotidien, le dossier juridique n°184/2017, Ordonnances MACRON : les ruptures du contrat de travail, 12 octobre 2017.

-          Éric SLUPOSKI, Barème des indemnités prud’homales : faut-il en avoir peur ?, actualités juridique, droit social, 18 septembre 2017.

-          Thierry VALLAT, Le plafonnement des indemnités de licenciements, 25 septembre 2017 : www.francesoir.fr.

 

 

 


[1] C. trav., art. L. 1235-3.

[2] Soc., 13 septembre 2017, n°16-13.578.

Loi travail ordonnance Macron Licenciement indemnité indemnisation plafond plafonnement

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