nullité

  • Nullité de la cession de parts sociales et nullité en cascade des assemblées générales de SARL

    Cass.com., 11 octobre 2023, n°21-24.646, publié au bulletin

    Dans un arrêt de rejet en date du 11 octobre 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation, après avoir déclaré nulle une cession de parts sociales d’une SARL, affirme que les décisions prises par des personnes qui n’ont jamais eu la qualité d’associé, sont nulles de droit.

     

    En l’espèce, une mère et son fils créent en 1992 une SARL, dont les cinq-cents parts sont réparties à égalité. En 1998, par deux cessions simultanées, toutes les parts de la mère sont cédées à un couple tandis que le fils en vend deux-cent sur les deux-cent-cinquante à deux autres personnes. En 2010, la mère décède et laisse son fils et une fille pour lui succéder. Cette dernière, prétendant qu’elle n’avait eu connaissance de la cession de parts qu’à l’ouverture de la succession, et invoquant que les actes de cession constituent des faux, assigne le couple cessionnaire en annulation des actes de vente aux fins de réintégration des parts à l’actif successoral. Le fils, associé, agit également en annulation de toutes les assemblées de la SARL tenues entre 1998 et 2012.

    Dans un arrêt du 7 octobre 2021, la Cour d’appel de Rouen admettant la recevabilité de l’action des héritiers en nullité des cessions de parts, a déclaré en conséquence ces cessions nulles avant d’en ordonner la restitution, et de prononcer l’annulation des assemblées générales ordinaires et extraordinaires s’étant déroulées depuis le 31 mai 2010.

    Les cessionnaires forment un pourvoi en cassation. Ils soutiennent d’abord que la prescription de l’action court à compter de la date de la cession en raison des diligences sociétaires effectuées postérieurement, ce que la défunte ne pouvait ignorer. Ils invoquent ensuite, que même si la cession était annulée, pour entraîner la nullité des assemblées, ces dernières devraient avoir la nature « d’assemblées irrégulièrement convoquées[1] », permettant au juge d’apprécier in concreto s’il y a lieu ou non de prononcer la nullité.

     

    La Cour de cassation rejette le pourvoi, en retenant d’abord que l’action en nullité de la cession de parts sociales des héritiers est soumise au délai de prescription quinquennal, dont le point de départ se situe au jour où l’héritière a eu connaissance des faits[2]. Elle retient ensuite, que les décisions d’assemblées sont nulles non pas en raison d’une irrégularité dans les convocations des associés[3], mais plutôt parce que des personnes réputées ne jamais avoir eu la qualité d’associé y ont pris part.

     

    S’agissant du délai de prescription, si la Cour de cassation maintient que l’action des héritiers n’est pas prescrite, c’est parce qu’elle retient la date du décès. Les juges précisent que c’est aux fins de réintégration des parts à l’actif successoral que l’action intervient, de sorte que le point de départ de la prescription se trouve être celui du décès plutôt que celui des actes de cession.

    Il est en effet à relever que l’héritière n’avait pas à connaître nécessairement les actes passés entre les associés. Néanmoins, admettre la passivité totale de la mère comme associée est critiquable au vu du manque de justification en ce sens.

     

    Concernant les décisions d’assemblées, pour décider que celles-ci sont nulles dès lors que des personnes n’ayant pas la qualité d’associés y prennent part, les magistrats ne se fondent pas sur les causes générales de nullité[4] comme les cessionnaires l’ont fait dans les moyens du pourvoi, mais sur les règles du Code civil et celles propres à la SARL[5] dans le Code de commerce. 

    Néanmoins, la Cour de cassation tempère le raisonnement en réaffirmant un principe apparu dans l’arrêt Larzul 2[6], qui est que « l’irrégularité est de nature à influer sur le résultat du processus de décision ». En participant aux assemblées à la place de la véritable associée, les cessionnaires ont empêché le bon déroulement de celles-ci et ont influé sur les décisions prises, de façon à en entrainer de droit la nullité[7]. Le droit de vote de la mère en tant qu’associée réelle est empêché. Plusieurs auteurs[8] y voient l’application de la nullité subordonnée à la théorie du « vote utile[9] », régulièrement admise en jurisprudence[10].

     

    Il faut enfin souligner que c’est par une substitution de motifs que la Haute juridiction parvient à cette solution, en refusant d’appliquer le raisonnement relatif à l’irrégularité de la convocation des associés. En effet, les cessionnaires étant réputés non associés, ce n’est pas la convocation qui est source d’irrégularité mais leur participation.

                                        Quentin SCOLAN

     

    [1] C.com., Art. L223-27 al.4.

    [2] C.civ., Art. 1304 ancien ; Art. 2224 nouveau.

    [3] C.com., Art. L223-27.

    [4] C.com., Art. L235-1 et suivants.

    [5] C.com., Art. L223-1 et suivants.

    [6] Cass.com., 15 mars 2023, n°21-18.324, dit Larzul 2.

    [7] C.civ., Art. 1844 et 1844-10 ; C.com., Art. L223-27.

    [8] Notamment Jean-François HAMELIN, « La nullité des délibérations adoptées par un cessionnaire suite à la nullité de la cession », Droit des sociétés n°12, décembre 2023, comm. 140 ou Bruno DONDERO, « Le pseudo-associé et la cascade de nullités », Recueil Dalloz 2023, p.2024.

    [9] La nullité serait admise s’il est prouvé que les délibérations eussent été différentes si les vrais associés avaient régulièrement voté.

    [10] Pour faire écho à l’arrêt commenté, Cass.civ.3ème, 21 octobre 1998, n°96-16.537.

  • Le licenciement du salarié en raison d’une action en justice à l’encontre de son employeur est nul

    Article publié le 28 janvier 2019

     

    Le droit d’agir en justice est une liberté fondamentale consacrée par l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, et constitutionnellement garantie par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

    Cette liberté fait l’objet d’une forte protection et l’employeur ne peut prendre aucune mesure à l’encontre du salarié qui en fait usage. Ainsi, l’article L.1134-4 du Code du travail prévoit la nullité du licenciement d’un salarié qui fait suite à une action en justice engagée par ce dernier, lorsqu’il est établi que le licenciement n’a pas de cause réelle et sérieuse, et constitue en réalité une mesure prise par l’employeur en raison de cette action en justice.

    La chambre sociale de la Cour de cassation rappelle ce principe, par une décision du 5 décembre 2018, en déclarant nul le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite par le salarié à l’encontre de son employeur.

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  • L'annulation du contrat d’assurance multirisque habitation, sanction d’ordre public de la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré à l'assureur

    Article publié le 19 février 2016

     

    Cass. Civ. 2e, 4 février 2016, n° 15-13.850

    L’article L. 113-8 du Code des assurances, dans son alinéa premier, dispose qu’« indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l'article L. 132-26, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre ».

    Le contrat d’assurance est le contrat en vertu duquel l’assureur s’engage envers le souscripteur, en contrepartie d’une prime, à exécuter une prestation, en cas de réalisation du risque prévu. 

    • L’assureur est la partie au contrat qui garantit le risque.
    • Le souscripteur est le cocontractant de l’assureur, celui qui supporte notamment l’obligation de payer la prime. 
    • L’assuré est la personne dont la vie, les actes ou les biens sont garantis par un contrat d’assurance.
    • La prime (Société Anonyme) ou la cotisation (Mutuelle) est la somme d’argent payée par le souscripteur à l’assureur. 
    • Le risque revêt différentes acceptions : l’évènement incertain contre lequel le souscripteur cherche à se prémunir ou le bien assuré. 
    • Le sinistre est la survenance du risque couvert par l’assurance.

    La fausse déclaration est la déclaration inexacte faite par l’assuré auprès de son assureur lors de la conclusion du contrat d’assurance. Celle-ci peut être involontaire (assuré de bonne foi) ou intentionnelle (assuré de mauvaise foi), entraînant des sanctions lourdes, telles que la nullité du contrat. 

    En l’espèce, une SCI (assuré souscripteur) assure un immeuble déclaré vide, dans le but de le rénover et de le mettre en location d’habitation. A l’issue de ce premier contrat d’assurance, l’assuré souscripteur déclare, auprès de l’assureur, l’achèvement des travaux et la location effective de l’immeuble pour la conclusion d’un contrat multirisque habitation. Un sinistre, normalement couvert par le contrat d’assurance souscrit, survient. L’assuré souscripteur demande à ce que sa garantie soit mise en oeuvre. L’assureur se rend alors compte que les travaux n’avaient pas été terminés et que l’immeuble était inhabité. Il refuse alors sa garantie en arguant de la déclaration mensongère et intentionnelle de l’assuré, lors de la conclusion du contrat. 

    L‘appréciation de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle (à rapporter par tous moyens), de la part de l’assuré ne résulte pas uniquement du questionnaire préalable écrit, qui peut-être délivré par l’assureur, pour mesurer les risques qu'il prend en charge. En effet, les juges du droit énoncent que toutes « les déclarations faites par l’assuré à sa seule initiative lors de la conclusion du contrat » sont déterminantes pour l’assureur pour l’évaluation du risque garanti. 

    Le fait que l’assuré ait été, de son plein gré, informer son assureur de la fin des travaux qui devaient avoir lieu et de la location de l’appartement rénové, alors que celui-ci était inhabitable et inhabité et dans la seule finalité de la diminution de la prime d’assurance, constitue bien une faute au sens de l’article L113-8 sus-visé entrainant ainsi l’annulation du contrat d’assurance. En effet, si l’assureur avait été informé de la réalité de l’état de l’immeuble, il aurait contracté en prévoyant une prime plus élevée, puisque la réalisation de travaux entraine un plus grand risque de sinistre que la simple location de l’immeuble.

            Reste à savoir quel type de déclarations, de l’assuré à son assureur, seront prises en compte, en fonction notamment de l’impossibilité ou non de les produire en justice.             

            Même si la déclaration mensongère et la réticence sont posées en condition primordiale de la contestation de la validité du contrat, et bien que les juges de la Cour de cassation ne les évoquent pas directement dans leur solution, le changement de l’objet du risque ainsi que l’absence d’impact sur le sinistre restent des conditions à rapporter pour conduire à la nullité du contrat faussé.

    Anne-Lise BECQ

    Sources

  • La nullité d’une promesse de vente immobilière de longue durée à défaut d’acte notarié est relative

    Article publié le 8 février 2021

     

    Par un arrêt en date du 26 novembre 2020, la 3e chambre civile de la Cour de cassation a rendu une décision inédite : seule la partie qui promet de vendre peut demander lannulation pour défaut dacte notarié dune promesse de vente immobilière dune durée supérieure à dix-huit mois.

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