immobilier

  • Le manquement au devoir d’information et de conseil conduit le maître d’œuvre à engager sa responsabilité

    Article publié le 16 décembre 2015

     

    Cass. Civ. 3e, 15 oct. 2015, FS - P +B, n°14-24553, n°1102

    L’article 1147 du Code civil dispose que « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ».

    Dans la décision de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, en date du 15 octobre 2015, les juges de cassation reconnaissent responsable le maître d’œuvre qui manque d’informer le maître de l’ouvrage quant au risque encouru en cas de violation des droits immobiliers vis-à-vis de la propriété voisine. Dans les faits, la propriétaire (maître de l’ouvrage) avait pour souhait d’agrandir son bâti existant et avait pris soin de contacter un groupement d'entreprises du bâtiment (la société GEB), pour la réalisation d’une mission de maître d’œuvre. Face au démarrage de la construction, les époux de la propriété voisine ont assigné le maître de l’ouvrage en justice. Les juges du droit rejettent finalement les prétentions du pourvoi du maître d’œuvre en substituant ce dernier (et le notaire, de manière in solidum) à la propriétaire du fonds en cause pour les condamnations prononcées à son encontre (dans le cadre d’un appel en garantie).

    Le litige aurait pu se fonder de manière significative, sur la rédaction contradictoire de l’acte authentique d’acquisition de l’immeuble, notamment sur la partie relative aux servitudes du bien (un premier paragraphe exclut l’existence de servitudes, puis un second rappelle deux servitudes de vue et de tour d’échelle). Les servitudes qui grevaient le fonds acquis empêchaient l’acquéreur d’agrandir le bâti originel, sans que cela soit mis clairement à la connaissance de la propriétaire. Mais les juges du droit arguent de la responsabilité principale du maître d’œuvre (GEB), en soutenant qu’« en sa qualité de professionnel, il lui appartenait de vérifier si cette construction était conforme avec les obligations légales, réglementaires mais aussi conventionnelles afférentes à l’immeuble ».

    La responsabilité du notaire n’est que subsidiaire alors même qu’il confie avoir été tenu informé du projet d’agrandissement de l’immeuble par la propriétaire. Les juges du fond rappelaient en effet que « les notaires doivent, avant de dresser leurs actes, procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer leur utilité et leur efficacité ». 

    Mais il semble que le fond du litige repose sur la construction édifiée par le maître d’œuvre et son irrespect envers les obligations conventionnelles dont il aurait dû prendre connaissance, par l’étude préalable du titre de propriété. 

    Les obligations telles que celle d’information et de conseil imposées au professionnel dans une relation contractuelle avec un profane doivent être exécutées de manière claire, précise, non ambiguë et compréhensible, sans quoi le professionnel encourt la mise en jeu de sa responsabilité. Il est nécessaire de rappeler que tout professionnel doit mettre en garde le profane de respecter les droits en présence, en l’espèce, les droits immobiliers des propriétaires voisins. Sans oublier que la cliente lésée par l’inexécution des obligations du professionnel avec qui elle est en relation  contractuelle, peut agir en réparation du préjudice de jouissance de son immeuble contre ce dernier.

    Anne-Lise BECQ

    Sources