Assurance

  • Inopposabilité du délai de prescription biennale en cas d’absence de précision contractuelle en matière assurantielle

    Cass.com., 22 novembre 2023, n°22-14.253, publié au bulletin

     

    Dans un arrêt du 22 novembre 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation a indiqué, qu’à défaut de rappeler les dispositions d’ordre public sur la prescription des actions dérivant des contrats d’assurance, les assureurs ne peuvent se prévaloir de la prescription biennale commune à ces contrats.

    En l’espèce, une SAS fait procéder à la rénovation d’une péniche pour le convertir en péniche-restaurant en 2012. Un salarié d’une société intervenant sur le chantier est victime d’un accident. La société l’employant assigne en 2016 la SAS exploitant la péniche en indemnisation des préjudices. Cette dernière, qui avait conclu en 2010 un contrat d’assurances maritimes corps et dont la couverture avait été étendue à la transformation et l’aménagement du bateau en 2011, assigne alors ses assureurs en garantie.

    Dans un arrêt du 1er février 2022, la Cour d’appel de Paris refuse cet appel en garantie de l’assurée, au motif que les dispositions du contrat d’assurance comprenaient un délai d’action de deux ans à compter des faits dommageables, l’action étant prescrite. La SAS forme un pourvoi en cassation. La SAS soutient que n’ayant pas souscrit une police d’assurance maritime, son action est soumise aux règles de prescription de l’article L. 114-1 du même Code et que, le contrat ne contenant aucune stipulation relative à la suspension ou d’interruption de la prescription, cette prescription abrégée lui était inopposable.

    Le problème posé par cette affaire est de savoir si le risque maritime découlant de la qualification contractuelle est caractérisé, et subsidiairement, d’observer si l’appel en garantie des assureurs est prescrit pour la SAS.

    La Cour de cassation casse la décision des juges du fond au visa de dispositions d’ordre public[1] pesant sur les assureurs lors de la rédaction de contrats d’assurance.

    Dans un premier temps, et par rappel des articles du Code des assurances[2], la Haute juridiction décide que le contrat d’assurance ne concerne pas un risque maritime. La dénomination du contrat en cause est celle d’un « contrat d’assurances maritimes corps ». Néanmoins, les dispositions protégeant des risques lors des travaux sur la péniche relèvent d’un avenant à ce contrat. Or, cet avenant ne mentionne pas que le dommage doit provenir d’un risque maritime. Il est donc à considérer que puisque les travaux ne se sont pas produits au cours d’une navigation, ses dispositions doivent comprendre les règles d’ordre public car elles n’entrent pas dans le champ d’un contrat d’assurance maritime. La qualification contractuelle d’ensemble est inchangée mais les juges semblent séparer les dispositions d’origine de celles de l’avenant. Le but étant de les sortir du champ de l’exception des contrats maritimes non soumis à l’obligation pour les assureurs d’informer sur les modalités de prescription.

    Dans un second temps, la Cour de cassation indique que le délai d’action de la SAS n’est pas prescrit. En écartant le risque maritime comme circonstances du dommage, les modalités de l’action pour l’assurée auraient dû être précisées dans le contrat. Cela concerne tant le point de départ de l’action[3], que ses causes d’interruption ou de suspension[4]. Par ce manquement, l’assuré est libre d’agir selon un point de départ qu’il aura librement déterminé. En effet, si des règles impératives manquent au contrat, les assureurs ne peuvent s’en prévaloir faute d’information délivrée à l’assuré et surtout à défaut de son accord. Il découle de la solution que ces dispositions doivent être écrites afin que chacune des parties puissent s’en prémunir.

    Finalement, cette décision apparait en faveur de l’assuré, sans doute car le délai de deux ans est court pour agir contre l’assureur, l’assuré étant considéré comme une partie faible au contrat[5]. Elle s’inscrit dans un mouvement jurisprudentiel établi[6] mais dont les effets sur la prescription restent à nuancer, notamment sur une possible imprescriptibilité de l’action biennale en matière assurantielle.

    Quentin SCOLAN     

     


    [1] C.assur., art. R. 112-1.

    [2] Ibid. ; C.assur., art. L. 171-1, 1°.

    [3] C.assur., art. L. 114-1.

    [4] C.assur. art. L. 114-2.

    [5] Didier KRAJESKI et Philippe LE TOURNEAU, « assurance de choses », chapitre 5111.221, « délai », Dalloz action Droit de la responsabilité et des contrats, 2023-2024 [en ligne].

    [6] En ce sens, Cass.civ.2ème, 9 décembre 2021, n°19-23-227 ou Cass.civ.2ème, 9 février 2023, n°21-498.

  • La clause sanctionnant la violation de l'obligation de non-concurrence par l'agent général d'assurance : une clause à caractère pénal

    Article publié le 12 mars 2016

     

    L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 17 décembre 2015 (n°14-18.378) est venu poser le principe suivant lequel la clause de l’accord d’entreprise auxquels sont soumis les agents généraux d’assurance et qui stipule qu’en cas de violation de l’obligation de non-réinstallation et de non-concurrence, la pénalité sera équivalente à l’indemnité afférente à la cessation de fonctions est une clause pénale.

    En l’espèce, une entreprise d’assurance a confié par un traité de nomination la gestion d’une agence d’assurance à M.X, agent général. Ce dernier a été licencié par la société d’assurance en raison des mauvais résultats de l’agence. A la suite de son licenciement, l’agent général demande alors le paiement du solde à son employeur ; paiement du solde que la société d’assurance refuse, arguant que cette indemnité s’est éteinte par compensation avec la pénalité prévue en cas de violation des obligations de non-réinstallation et de non-concurrence en vertu de l’article 11 des accords d’entreprise conclus entre la compagnie d’assurance et les syndicats professionnels des agents généraux. La compagnie d’assurance demande le paiement, par l’agent général, d’une pénalité d’un montant supérieur à cette indemnité. Contestant avoir violé les obligations de non-réinstallation et de non-concurrence auxquelles il était tenu, l’agent général limogé assigne alors la compagnie d’assurance pour obtenir, à titre principal, le paiement du solde de son indemnité compensatrice et pour obtenir, à titre subsidiaire, la modération de la pénalité réclamée en vertu de l’article 1152 du Code civil.

    En retenant la nature conventionnelle des accords d’entreprise conclus entre la compagnie d’assurance et les syndicats professionnels des agents généraux, les juges du Tribunal de Grande Instance ont fait droit à la demande du salarié en qualifiant la pénalité invoquée par ce dernier en clause pénale et en acceptant de ce fait de la réduire à une somme égale au solde de l’indemnité compensatrice. Par un arrêt en date du 18 mars 2014, la Cour d’appel de Poitiers a infirmé le jugement rendu par le TGI et ont alors condamné l’agent général à payer à l’entreprise d’assurance une certaine somme incluant une pénalité équivalente à son indemnité de cessation de fonction. Les juges de la Cour d’appel ont invoqué l’article 20 du statut de 1949 disposant « qu’en cas de violation de l’interdiction de rétablissement, l’agent général perd automatiquement son droit à l’indemnité compensatrice ». Considérant que cette sanction est la contrepartie de l’obligation de non-concurrence, la Cour d’appel a estimé que la clause ne peut être considérée comme une clause pénale et que, par conséquent, la pénalité ne peut être réduite.

    Par un arrêt en date du 17 décembre 2015, les juges de la Cour de cassation sont venus contrecarrer la position des juges de la Cour d’appel en considérant qu’en se référant à des dispositions règlementaires inapplicables au traité de nomination en cause, ces derniers ont violé les articles 1134 et 1152 du Code civil. La Haute cour affirme au visa des articles susvisés « qu’est une clause pénale la clause de l’accord d’entreprise conclu entre l’entreprise d’assurance et les syndicats professionnels de ses agents généraux qui, en sanction des obligations statutaires de non-réinstallation et de non-concurrence, stipule à la charge de l’agent général sortant une pénalité équivalente à la valeur de son indemnité de cessation de fonctions ».

    Cette solution retenue par la Cour de cassation est fidèle à sa jurisprudence constante en la matière puisque, dans un arrêt rendu en 1995, elle a eu l’occasion de définir la clause pénale comme étant la clause d’un contrat par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d’avance l’indemnité à laquelle donnera lieu l’inexécution de l’obligation contractée ; ce qui, en l’espèce, est le cas puisque la clause de l’accord d’entreprise prévoyait quelle était la sanction en cas de violation des obligations de non-réinstallation et de non concurrence.

    En considérant cette clause comme une clause pénale, la Cour de cassation se montre favorable à l’égard du salarié puisque la pénalité dont il doit s’acquitter pourra être revue à la baisse.

    Marie CALLOCH

    Sources :

    -Arrêt de la première chambre civile de la Cour de Cassation du 17 décembre 2015

    -Thibault de Ravel d’Esclapon « Violation de l’obligation de non-concurrence par l’agent général d’assurance : du caractère pénal de la clause », Dalloz actualité

  • En l’absence d’engagement du délégué de régler le créancier, la délégation ne peut être caractérisée

    Article publié le 22 février 2019

     

    Dans un arrêt du 22 novembre 2018, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a dû se prononcer sur la validité d’une délégation et sur les conditions nécessaires à sa caractérisation.

    En l’espèce, la Banque calédonienne d’investissement a consenti deux prêts à un particulier pour lui permettre de financer l’acquisition de parts au sein de deux SCI, propriétaires de lots dans un immeuble en copropriété. Le remboursement de ce prêt était garanti par l’inscription de deux hypothèques sur ces lots. L’emprunteur, représenté par le syndic de copropriété, avait par ailleurs souscrit une assurance multirisques. Cependant, en 2005, un incendie ravage une grande partie de l’immeuble et notamment les lots, propriétés des SCI. C’est à l’issue d’un arrêt du 9 août 2012 que l’assureur verse finalement diverses sommes qui étaient dues au titre de l’assurance souscrite. Cependant, la banque assigne le 15 octobre 2013 l’assureur en paiement des indemnités dues à la suite de l’incendie sur le fondement d’une délégation dont elle se prévaut et des dispositions de l’article L.121-13 du Code des assurances.

    Déboutée en première instance puis en appel, la banque se pourvoit en cassation.

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