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  • Durée du cautionnement et l'impératif de la précision dans la mention manuscrite

    (Cass. Com., 29 novembre 2023, n°22-17.913)

     

    Dans un arrêt en date du 29 novembre 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation a réaffirmé qu’il est impossible de se référer aux clauses du cautionnement afin de sauver l’acte de la nullité en cas d’imprécision dans la mention manuscrite concernant la durée de l’engagement.

    Le 14 décembre 2009, un établissement bancaire a accordé à une société un emprunt d’un montant de 320 000 euros, remboursable sur une période de 84 mois. Par le même acte, deux époux se sont portés, chacun, caution solidaire de ce prêt.

    Suite à la mise en redressement, puis en liquidation judiciaire de la société, la banque a assigné l’épouse en exécution de son engagement. En réaction, cette dernière a fait valoir la nullité du cautionnement, soutenant que la mention manuscrite en bas de l’acte ne précisait pas la durée de son engagement. En effet, cette mention se contentait de stipuler « pour la durée de l’emprunt », sans préciser sa durée exacte.

    Or, l’ancien article L. 341-2 du Code de la consommation, dans sa version applicable au litige1, imposait, à titre de formalisme ad validitadem, que la mention manuscrite précise la durée du cautionnement.

    Ainsi, dans un arrêt en date du 17 février 2022, la Cour d’appel de Nîmes2a prononcé la nullité du cautionnement en retenant qu’a défaut de précision de la durée de l’emprunt dans cette mention, celle-ci ne permettait pas à la caution d’avoir une pleine connaissance de la portée de son engagement.

    L’établissement bancaire forme un pourvoi en cassation, arguant que la mention manuscrite « pour la durée de l’emprunt » répondait aux exigences de l’article L. 341-2 du Code de la consommation, principalement en raison du fait que d’autres clauses de l’acte faisaient référence à la durée exacte de l’emprunt.

    Néanmoins, la Cour de cassation, rejette le pourvoi en rappelant que la mention manuscrite de la durée du cautionnement doit être précise, sans qu'il soit nécessaire de se reporter aux clauses imprimées de l'acte.

    Par conséquent, la Haute juridiction approuve les juges du fond d’avoir retenu qu’a défaut de précision de la durée de l’emprunt dans cette mention, le cautionnement était nul.

    Cette décision s’aligne sur la jurisprudence antérieure, où la Cour de cassation avait déjà traité des litiges similaires, concluant que la mention « pour la durée de ... » était impérative dans le cas d’un cautionnement à durée déterminée3. Cette mention doit être clairement formulée, sans qu’il soit nécessaire de se reporter aux clauses imprimées de l’acte. En l’absence de cette précision, le cautionnement encourt la nullité4.

    La Cour de cassation adopte une interprétation restrictive de l’ancien article L.341-2 du Code de la consommation, manifestant une attitude clairement défavorable à l'idée de recourir à une clause du contrat pour compléter la mention requise par le législateur. La mention doit être autonome, concentrant en elle-même toutes les informations nécessaires. Cette rigueur vise à prévenir les risques liés à des lecteurs peu attentifs, susceptibles de souscrire à d'importantes obligations sans une compréhension approfondie.

    La présente solution ne sera pas applicable aux cautionnements conclus à compter du 1er janvier 2022, relevant désormais de l'article 2297 du Code civil. Depuis cette date, c'est le Code civil qui prévoit les exigences requises pour la rédaction de la mention manuscrite. Contrairement à l'ancien régime, la durée de l'engagement n'est plus une condition de validité du cautionnement.

     

    Eva THEBAULT.

     

    Sources :

     

    - CA Nîmes, 17 février 2022, n°20.03.34

    - Cass. Com., 29 nov 2023, n°22-17.913

    - C. HELAINE, mention manuscrite du cautionnement et durée de l’engagement, Dalloz, 7 décembre 2023. Disponible sur : Mention manuscrite du cautionnement et durée de l’engagement - Affaires | Dalloz Actualité (dalloz-actualite.fr)

    - V. TECHENE, mention manuscrite de la caution : la durée de l’engagement doit être précise, Lexbase, décembre 2023. Disponible sur : Mention manuscrite de la caution : la durée de l’engagement doit être précise | Lexbase

     

     

     

    1Avant l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2006 relative à la partie législative du Code de la consommation

    2 CA Nîmes, 17 février 2022, n°20.03.34

    3 Cass. Com., 13 décembre 2017, n° 15-24294

    4 1reCiv., 9 juillet 2015, n°14-24.287

  • Amendement FIFA : censure du Conseil constitutionnel

    (Décision n°2023-862 DC du 28 décembre 2023)

    Par sa décision n°2023-862 DC du 28 décembre 2023, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la loi de finances pour 2024 et a censuré les dispositions fiscales d’exonération d’imposition pour les fédérations internationales sportives qu’il juge entachées d’une rupture d’égalité devant les charges publiques.

    Ce régime particulièrement clément avait été retoqué par le Sénat[1], avant d’être de nouveau présenté par amendement et adopté par le Gouvernement avec le déclenchement de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution.

    Ces dispositions, écartées par le Conseil constitutionnel et initialement conçues pour attirer le siège de la FIFA, d’où le nom attribué à l’amendement, offraient aux fédérations sportives internationales reconnues par le Comité international olympique (CIO), ainsi qu’à leurs salariés, deux ensembles d’avantages fiscaux distincts.

    D’une part, elles exonéraient ces fédérations de cotisation foncière des entreprises (CFE) et, d’autre part, elles exonéraient les salariés de ces fédérations, fiscalement domiciliés en France, de l’imposition sur le revenu à raison des traitements et salaires versés pendant cinq ans à compter de leur prise de fonctions.

    Dans ses observations[2] adressées aux Sages, le Gouvernement se défend, en insistant sur l’objectif d’attractivité qui entoure ce régime fiscal, dont la mission est de « favoriser l’installation et le maintien sur le territoire français de ces instances en leur garantissant un cadre adapté et pérenne pour leurs activités de gouvernance du sport et de promotion de la pratique sportive ». En somme, ce texte aspirait à hisser la France au sommet de la « diplomatie sportive »[3], un objectif audacieux qui s’est heurté aux résistances du Conseil constitutionnel.

    Dans leur décision, les Sages brisent l’élan du Gouvernement en censurant le texte. Pour ce faire, ils fondent leur raisonnement en deux temps pour considérer que ces dispositions n’étaient pas compatibles avec les exigences constitutionnelles.

    Le Conseil constitutionnel commence tout d’abord par reprocher au texte d’accorder ces avantages fiscaux « au seul motif » qu’une fédération sportive internationale soit « reconnue par le Comité international olympique » (CIO) et que dans ce contexte, « le législateur n’a pas fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction du but qu’il s’est donné ».

    Ensuite, le Conseil constitutionnel pointe du doigt une incohérence. Il souligne que l’exonération d’imposition sur le revenu, étendue aux salariés qui sont déjà fiscalement installés en France, ne répond pas à l’objectif d’attractivité du texte.

    Par conséquent, le Conseil constitutionnel censure l’article 31 de la loi déférée à son examen, considérant qu’il méconnait le principe d’égalité devant les charges publiques.

    La Constitution n’interdit pas de faire supporter à certaines catégories de contribuables des charges différentes, mais elle s’oppose à une rupture caractérisée à l’égalité devant les charges publiques entre les contribuables. Dès lors, quand il détermine l’assiette d’une imposition, le législateur doit veiller au respect du principe d’égalité et doit fonder son applicable sur des critères objectifs et rationnels ainsi qu’une raison d’intérêt général. Tel n’était pas le cas pour ce texte, car le caractère sportif international ne justifie pas que ces salariés soient totalement exonérés d’impôt sur le revenu, à contrario des salariés d’une autre structure sportive internationale non reconnue par le CIO.

    Par ailleurs, ce texte laisse curieusement le soin à ce comité indépendant non gouvernemental de décider des avantages fiscaux accordés à des salariés en France, puisqu’il suffira qu’il reconnaisse une structure pour que ces salariés soient exonérés d’impôt sur le revenu, échappant à tout contrôle du Gouvernement ou du Parlement

    Enfin, il est saisissant de constater la présence de ces deux mesures alors même que cette loi de finances transpose en droit français une directive européenne imposant un taux minimal d’impôt sur les bénéfices de 15 % à l’ensemble des grands groupes internationaux[4]. Ainsi, si une société française détenant une filiale dans un Etat où celle-ci est imposée à 10 %, elle devra acquitter en France un impôt complémentaire égal à 5% du profit de la filiale.

    Ces deux mesures contestées sont sans aucun doute difficilement compatibles avec l’engagement de la France dans la lutte contre l’évasion fiscale que le Gouvernement considère comme « attaque contre la démocratie ».[5]

    Dorian GABORY

    Sources :

    • VIGNAL François, « Le sénat « siffle la fin de la partie » et supprime un « cadeau fiscal scandaleux » pour la Fifa », Public Sénat, novembre 2023, (consulté en décembre 2023), https://www.publicsenat.fr/

    • DELOUCHE-BERTOLASI Charles, « Le Conseil constitutionnel retoque l’amendement Fifa, qui prévoyait des avantages fiscaux pour les fédérations sportives internationales », Libération, décembre 2023, (consulté en décembre 2023), https://www.liberation.fr/

    • COLLET Martin, « Pourquoi le Conseil constitutionnel a-t-il annulé le régime fiscal issu de l’amendement FIFA ? », Le club des juristes, janvier 2024, (consulté en janvier 2024). https://www.liberation.fr/

    • DUPRE Rémi, « Le Conseil constitutionnel censure des dispositifs fiscaux avantageux taillés sur mesure pour la FIFA », Le Monde, décembre 2023, (consulté en décembre 2023), https://www.lemonde.fr/
     

    [1] GROSPERRIN Jacques, « Amendement n° I-157 rect. ter », Sénat, novembre 2023 , (consulté en décembre 2023), https://www.senat.fr/amendements/2023-2024/127/Amdt_I-157.html

    [2] Gouvernement, « Observations sur la loi de finances pour 2024 », Conseil constitutionnel, décembre 2023, (consulté en janvier 2024), https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/2023862DC.htm

    [3] LECHEVALLIER Anne-Sophie, « Retour de l’amendement Fifa dans le budget : mini-paradis fiscal en vue pour les fédérations sportives », Libération, décembre 2023, (consulté en décembre 2023), https://www.liberation.fr/economie/retour-de-lamendement-fifa-dans-le-budget-mini-paradis-fiscal-en-vue-pour-les-federations-sportives-20231214_5FJKACYLQBFKJCA2QEBFWD2LFY/

    [4] Ministère de l’Economie et des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, 2023, « LOI n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 » Article 33

    [5] PEYROL Bénédicte, « Avis fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices », Assemblée nationale, juin 2018, (consulté en février 2024), https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/AVISANR5L15B1093.html

  • Nullité de la cession de parts sociales et nullité en cascade des assemblées générales de SARL

    Cass.com., 11 octobre 2023, n°21-24.646, publié au bulletin

    Dans un arrêt de rejet en date du 11 octobre 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation, après avoir déclaré nulle une cession de parts sociales d’une SARL, affirme que les décisions prises par des personnes qui n’ont jamais eu la qualité d’associé, sont nulles de droit.

     

    En l’espèce, une mère et son fils créent en 1992 une SARL, dont les cinq-cents parts sont réparties à égalité. En 1998, par deux cessions simultanées, toutes les parts de la mère sont cédées à un couple tandis que le fils en vend deux-cent sur les deux-cent-cinquante à deux autres personnes. En 2010, la mère décède et laisse son fils et une fille pour lui succéder. Cette dernière, prétendant qu’elle n’avait eu connaissance de la cession de parts qu’à l’ouverture de la succession, et invoquant que les actes de cession constituent des faux, assigne le couple cessionnaire en annulation des actes de vente aux fins de réintégration des parts à l’actif successoral. Le fils, associé, agit également en annulation de toutes les assemblées de la SARL tenues entre 1998 et 2012.

    Dans un arrêt du 7 octobre 2021, la Cour d’appel de Rouen admettant la recevabilité de l’action des héritiers en nullité des cessions de parts, a déclaré en conséquence ces cessions nulles avant d’en ordonner la restitution, et de prononcer l’annulation des assemblées générales ordinaires et extraordinaires s’étant déroulées depuis le 31 mai 2010.

    Les cessionnaires forment un pourvoi en cassation. Ils soutiennent d’abord que la prescription de l’action court à compter de la date de la cession en raison des diligences sociétaires effectuées postérieurement, ce que la défunte ne pouvait ignorer. Ils invoquent ensuite, que même si la cession était annulée, pour entraîner la nullité des assemblées, ces dernières devraient avoir la nature « d’assemblées irrégulièrement convoquées[1] », permettant au juge d’apprécier in concreto s’il y a lieu ou non de prononcer la nullité.

     

    La Cour de cassation rejette le pourvoi, en retenant d’abord que l’action en nullité de la cession de parts sociales des héritiers est soumise au délai de prescription quinquennal, dont le point de départ se situe au jour où l’héritière a eu connaissance des faits[2]. Elle retient ensuite, que les décisions d’assemblées sont nulles non pas en raison d’une irrégularité dans les convocations des associés[3], mais plutôt parce que des personnes réputées ne jamais avoir eu la qualité d’associé y ont pris part.

     

    S’agissant du délai de prescription, si la Cour de cassation maintient que l’action des héritiers n’est pas prescrite, c’est parce qu’elle retient la date du décès. Les juges précisent que c’est aux fins de réintégration des parts à l’actif successoral que l’action intervient, de sorte que le point de départ de la prescription se trouve être celui du décès plutôt que celui des actes de cession.

    Il est en effet à relever que l’héritière n’avait pas à connaître nécessairement les actes passés entre les associés. Néanmoins, admettre la passivité totale de la mère comme associée est critiquable au vu du manque de justification en ce sens.

     

    Concernant les décisions d’assemblées, pour décider que celles-ci sont nulles dès lors que des personnes n’ayant pas la qualité d’associés y prennent part, les magistrats ne se fondent pas sur les causes générales de nullité[4] comme les cessionnaires l’ont fait dans les moyens du pourvoi, mais sur les règles du Code civil et celles propres à la SARL[5] dans le Code de commerce. 

    Néanmoins, la Cour de cassation tempère le raisonnement en réaffirmant un principe apparu dans l’arrêt Larzul 2[6], qui est que « l’irrégularité est de nature à influer sur le résultat du processus de décision ». En participant aux assemblées à la place de la véritable associée, les cessionnaires ont empêché le bon déroulement de celles-ci et ont influé sur les décisions prises, de façon à en entrainer de droit la nullité[7]. Le droit de vote de la mère en tant qu’associée réelle est empêché. Plusieurs auteurs[8] y voient l’application de la nullité subordonnée à la théorie du « vote utile[9] », régulièrement admise en jurisprudence[10].

     

    Il faut enfin souligner que c’est par une substitution de motifs que la Haute juridiction parvient à cette solution, en refusant d’appliquer le raisonnement relatif à l’irrégularité de la convocation des associés. En effet, les cessionnaires étant réputés non associés, ce n’est pas la convocation qui est source d’irrégularité mais leur participation.

                                        Quentin SCOLAN

     

    [1] C.com., Art. L223-27 al.4.

    [2] C.civ., Art. 1304 ancien ; Art. 2224 nouveau.

    [3] C.com., Art. L223-27.

    [4] C.com., Art. L235-1 et suivants.

    [5] C.com., Art. L223-1 et suivants.

    [6] Cass.com., 15 mars 2023, n°21-18.324, dit Larzul 2.

    [7] C.civ., Art. 1844 et 1844-10 ; C.com., Art. L223-27.

    [8] Notamment Jean-François HAMELIN, « La nullité des délibérations adoptées par un cessionnaire suite à la nullité de la cession », Droit des sociétés n°12, décembre 2023, comm. 140 ou Bruno DONDERO, « Le pseudo-associé et la cascade de nullités », Recueil Dalloz 2023, p.2024.

    [9] La nullité serait admise s’il est prouvé que les délibérations eussent été différentes si les vrais associés avaient régulièrement voté.

    [10] Pour faire écho à l’arrêt commenté, Cass.civ.3ème, 21 octobre 1998, n°96-16.537.

  • La Charte du football professionnel écartée au profit du droit du travail dans le cadre d’une rupture de contrat après le refus de baisse de salaire

    Cass. soc., 29 novembre 2023, n°21-19.282

     

    La professionnalisation du domaine sportif prend de plus en plus d'ampleur. Les clubs de football sont soumis au droit commun du travail, comme toute entreprise française, mais également à la Charte du football professionnel, qui constitue la convention collective du secteur.

    C'est dans ce cadre spécifique que la chambre sociale de la Cour de cassation a dû se prononcer, dans un arrêt du 29 novembre 2023, sur l'efficacité des dérogations au droit commun du travail par la Charte du football professionnel, en ce qui concerne la procédure et les motifs de rupture d'un contrat à durée déterminée d'un joueur professionnel.

    En l'espèce, un club de football professionnel, suite à une relégation sportive, a proposé le 2 juin 2014 une baisse de salaire de 50% à un joueur sous contrat. Le joueur a refusé dans une lettre. Le club a pris acte de cette décision et a notifié à l’intéressé la fin de son contrat pour le 30 juin 2014. Le joueur a décidé de saisir le conseil des prud'hommes pour obtenir réparation née de la rupture de son contrat de travail.

    La cour d'appel de Douai, dans un arrêt du 28 mai 2021, a donné raison au joueur, jugeant la rupture du contrat de travail non fondée et condamnant le club au versement de dommages et intérêts consécutifs à une rupture contractuelle abusive.

    Le club s'est pourvu en cassation, estimant que la décision violait la Charte du football professionnel.

    Tout d'abord, concernant la saisie du conseil des prud'hommes, la société sportive a opposé l'article 271 de la Charte du football professionnel disposant que "tous les litiges entre clubs et joueurs, notamment ceux (...) qui découlent du contrat, sont de la compétence de la commission juridique" de la ligue professionnelle. Cet article est complété par l'article 51, qui donne compétence à la commission juridique pour "tenter de concilier les parties en cas de manquements aux obligations découlant d'un contrat passé par un club avec un joueur". Le club interprète cette disposition comme une clause de conciliation obligatoire préalable à toute action judiciaire et estime l’action irrecevable.

    En outre, sur le fond du litige, le club invoque l'article 761 de la Charte, prévoyant la possibilité d'une baisse de salaire en cas de relégation. Cette baisse peut concerner individuellement 50% du salaire pour les salaires les plus élevés. Selon la société sportive, cet article ajoute un cas de rupture du contrat de travail s'expliquant par la spécificité économique du football.

    La chambre sociale de la Cour de cassation écarte ces deux moyens et rejette le pourvoi.

    Tout d'abord, sur la recevabilité de l'action judiciaire, la Haute juridiction estime que l'article 271 de la Charte du football professionnel "n'institue pas une procédure de conciliation". Elle ne subordonne donc pas une action judiciaire à une procédure de conciliation devant la commission juridique de la ligue préalablement.

    Cette interprétation est critiquable, car si l'article 271 ne mentionne pas directement la conciliation, l'article 51, traitant de la compétence de la commission juridique, prévoit très clairement la conciliation dans les litiges contractuels entre la société sportive et le joueur. De plus, elle ne tient pas compte de l'arrêt rendu par la chambre mixte de la Cour de cassation du 12 décembre 2014[1], selon lequel une clause de conciliation obligatoire contractuellement prévue s'impose au juge si les parties l'invoquent. Enfin, elle ne suit pas la volonté croissante du législateur d'imposer la conciliation comme solution alternative de règlement des litiges en matière de contrat de travail, comme le dispose l'article R.1471-1 du Code du travail.

    Pour finir, sur le fond du litige, la chambre sociale rejette la cause d'annulation du contrat de travail prévue à l'article 761 de la Charte du football professionnel. Elle rappelle en effet que l'article L.243-1 du Code du travail, qui énonce les causes de rupture du contrat de travail, est d'ordre public. Ainsi, elle rappelle que la "Charte du football professionnel (...) ne peut déroger dans un sens défavorable au salarié". Cette position est constante, car elle avait été déjà formulée dans un arrêt du 10 février 2016[2]. Quant à la possibilité d'une modification contractuelle, elle l'écarte en affirmant que "sauf disposition légale contraire, une convention collective ne peut permettre à un employeur de procéder à la modification du contrat de travail sans recueillir l'accord exprès du salarié". Cette position est également constante en vertu du principe d'intangibilité du contrat prévu découlant de l'article 1103 du Code civil.

    Hugo SOUESME

    Sources :

    D. JACOTOT, « Rupture du contrat de travail - L'inefficacité des dispositions d'une convention collective », La Semaine Juridique Social, n° 3, 23 janvier 2024, page n°1025.

    F. LAGARDE, « La Charte du football professionnel une nouvelle fois retoquée », Jurisport 2024, n°248, p. 9.


    [1] Cass. ch. mixte, 12 déc. 2014, n° 13-19684

    [2] Cass. soc., 10 février 2016, n° 14-30.095