Articles de jurisactuubs

  • La primauté de la protection des tiers sur la protection des données personnelles faisant l'objet d'une publicité au RCS

    Article publié le 22 avril 2017

     

    CJUE, 9 mars 2017, C-398/15, Manni

     

    Dans cet arrêt, il est question de la rencontre de la protection des tiers tenant à un impératif de diffusion de certaines données au RCS avec le droit à l'oubli inhérent au droit de la protection des données personnelles.

     

    Cette affaire est née d'un litige immobilier en Italie. L'administrateur d'une société s'est vu attribuer un marché pour la construction d'un grand complexe touristique dans la région de Lecce. Ces immeubles ne se sont pas vendus, en raison selon lui, de la publicité de certaines données le concernant. Par le passé, il avait été administrateur d'une autre société qui avait fait faillite avant d'être liquidée. La réputation tenant une place primordiale, il soutenait que la publicité desdites informations avait nui au bon déroulement de la vente des immeubles du complexe touristique. Devant le refus de radiation des données par la chambre de commerce de Lecce, il a saisi le tribunal de première instance, qui lui a donné raison. Saisie en appel, la Cour de cassation italienne a posé à la CJUE deux questions préjudicielles tenant à l'articulation entre la publicité au RCS et la protection des données personnelles.

     

     

    La publicité au RCS permet de renseigner les tiers sur le patrimoine d'une société, seule garantie qui leur est offerte. Même après la dissolution, certaines données sont nécessaires pour vérifier la légalité d'un acte effectué au nom de la société, question qui peut survenir des années a posteriori de la liquidation de celle-ci.

     

    Pour trancher ce litige, la CJUE a du opérer un contrôle de proportionnalité, c'est à dire estimer si les données accessibles par les tiers étaient appropriées pour satisfaire leur protection. Une autre question s'est par ailleurs posée quant à la proportionnalité de la durée de conservation de ces données. On peut légitimement se questionner sur le nombre d'années de conservation de ces données post liquidation. A partir de quand ces données peuvent-elles être définitivement supprimées ? Question qui restera toutefois sans réponse.

     

    La CJUE statue en faveur de la primauté de la protection des tiers face au droit à l'oubli. Bien qu'elle reconnaisse que la publicité de données concernant d'anciens dirigeants de société constitue une ingérence dans les droits fondamentaux des personnes, elle n'en demeure pas moins proportionnée. En effet, la CJUE estime que le nombre de données collectées est limité et que les informations relatives au patrimoine de la société sont nécessaires aux tiers. Néanmoins, la CJUE n'exclut pas la possibilité pour les Etats membres de restreindre l'accès aux données aux tiers passé un certain délai.

     

    Cet arrêt n'est pas sans faire écho à l'entrée en vigueur de la loi pour une République numérique en octobre 2016 en France et à l'entrée en vigueur à venir du Règlement Général européen de Protection des Données (RGPD). Nul doute que la portée de cet arrêt sera vue de manière extensive quant à la confrontation de plusieurs droits fondamentaux. Cet arrêt représente une première base de réflexion pour déterminer quel droit prévaut lorsque plusieurs droits se confrontent.

     

    Lucie TALET

     

    Sources :

     

    CJUE, 9 mars 2017, C-398/15, Manni

    Roussille Myriam, « Pas de droit à l'oubli pour les données personnelles figurant au RCS », Editions Législatives, La Veille permanente – Droit des affaires, Sociétés, 18 avril 2017

  • Prépondérance du droit de propriété sur le droit au logement

    Par un arrêt rendu le 21 décembre 2017, la troisième chambre civile de la Cour de cassation est revenue sur la notion de référé judiciaire, qui peut notamment être demandé en cas de trouble manifestement illicite.

    En l’espèce, l’Office public de l’habitat, propriétaire d’un ensemble immobilier a assigné en expulsion deux occupants, ressortissants syriens, devant le juge des référés.

    L’affaire est portée devant la cour d’appel de Toulouse, qui a rendu un arrêt le 6 juillet 2016 infirmant dans toutes ses dispositions l’ordonnance consacrant l’expulsion des occupants. Elle a estimé que cette mesure d’expulsion aurait placé les deux occupants dans une plus grande précarité, ayant déjà été contraints de quitter leur pays. Selon les juges du fond, cette atteinte était plus importante que le respect au droit du domicile. La cour d’appel a refusé de reconnaître l’existence d’un trouble illicite, considérant en conséquence qu’il n’y avait pas lieu de demander un référé. 

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  • Respect de la stricte égalité des héritiers en cas de libéralité excessive accordée par le défunt

    Article publié le 9 mars 2018

     

    Dans de nombreuses successions, on peut remarquer que certains héritiers sont plus avantagés que d’autres. Cependant, cela ne doit pas être excessif ni dépasser la quotité disponible. C’est ce que la Cour de cassation a protégé dans un arrêt du 10 janvier 2018, en confirmant que l’action en réduction des libéralités excessives n’est pas soumise à un formalisme particulier.

    En l’espèce, le de cujus est décédé le 1er juillet 2002, laissant pour lui succéder trois enfants issus d’une union avec son époux prédécédé et ses deux petits-enfants venant en représentation de leur père prédécédé, le quatrième enfant du couple. Une des filles du couple a reçu le 26 mars 1968 une donation en avancement d’hoirie. Le 6 mai 2013, les deux autres enfants ont assigné leur sœur en ouverture de compte, liquidation et partage de la succession ainsi qu’en rapport des donations. Cette dernière décide de renoncer aux successions de ses parents.

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  • Déclaration des créances : précisions sur le destinataire de l’avis de contestation

    Article publié le 12 mars 2018

     

    Le 10 janvier 2018, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu un arrêt de cassation précisant les modalités d’envoi d’un avis de contestation de créance. En effet, la notification d’une contestation de créance au créancier lui-même, et non à son agent comptable, vaut avis à celui-ci de l’existence de la contestation.

    Pour rappel, l’article R. 624-1 alinéa 2 du Code de commerce prévoit que « si une créance autre que celle mentionnée à l'article L. 625-1 est discutée, le mandataire judiciaire en avise le créancier ou son mandataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le délai de trente jours prévu à l'article L. 622-27 court à partir de la réception de la lettre. Cette lettre précise l'objet de la discussion, indique le montant de la créance dont l'inscription est proposée et rappelle les dispositions de l'article L. 622-2 ».

    Si à l’expiration de ce délai de trente jours le créancier n’a pas répondu, il ne peut plus contester la proposition du mandataire ni exercer un recours contre la décision du juge commissaire confirmant cette proposition en application de l’article L.624-3 du Code de commerce. 

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