Articles de jurisactuubs

  • Colloque : L'enjeu du contract management dans la stratégie de l'entreprise.

    Le Master 2 Pratique Contractuelle et Contentieux des Affaires de l'Université Bretagne Sud organise un colloque sur le contract management le vendredi 25 mars de 14h15 à 17h15.

    SOYEZ AU RENDEZ-VOUS !

    Entrée libre

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  • Les réflexions envisagées sur une nouvelle manière de motiver les arrêts de la Cour de cassation

    En 2014, sous l’impulsion du Premier président Bertrand Louvel, un groupe de réflexion a été mis en place sur une éventuelle réforme de la Cour de cassation. Plusieurs groupes de travail ont été organisés : commission sur le filtrage, l’intensité du contrôle, la motivation, les études d’impact et le parquet général. Dans un souci de concision, on envisagera seulement les travaux portant sur une nouvelle manière d’aborder les motivations des arrêts de la Cour de cassation.

    Afin de respecter une meilleure lisibilité et la démocratisation de la compréhension des arrêts, le groupe de travail « Motivation » souhaite améliorer et clarifier la motivation des arrêts des juges du droit.

    La volonté de modifier les motivations des arrêts de la Cour de cassation n’est pas nouvelle. Plusieurs sources ont été retenues afin d’étayer les différentes possibilités de modification des arrêts de la Cour :

    • André Tunc et Adolphe Touffait ont, il y a 40 ans déjà, milités en faveur d’une motivation plus explicite des décisions de justice de la Haute juridiction.
    • Colloque sur le juge de cassation en Europe par l’Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, avec le soutien de l’Association Henri Capitant et la Société de législation comparée.

    De nombreux universitaires ont été conviés afin de réfléchir sur les probables évolutions de la Cour de cassation. Ainsi, le 24 novembre 2015 le résultat d’un an, l’évolution des travaux a été exposée.

    La motivation succincte est la critique qui ressort le plus souvent sur l’aspect laconique de la rédaction actuelle. Les arrêts de la Haute Juridiction Civile revêtent soit un caractère disciplinaire soit un caractère normatif. Le changement dans les motivations tel que envisagé actuellement ne concernerait que les arrêts ayant un caractère normatif, à savoir :

    • les arrêts de principe,
    • les arrêts tranchant une divergence d’interprétation,
    • les arrêts opérant un revirement jurisprudentiel.

    Ainsi, la distinction entre les faits, la procédure et le développement du raisonnement seront mis en exergue afin d’être mieux compris par des non juriste. Des arrêts tests vont voir le jour.

    Dans son rapport, le Conseil d’Etat a écarté l’emploi d’une phrase unique afin de garantir une meilleure lisibilité au regard du langage courant contemporain. Toutefois, l’utilisation de point-virgule tout au long des arrêts de la Cour a été conservée pour, soi-disant, plus clarté. L’un des objectifs phares de cette réforme est de rendre plus accessible aux justiciables les différents arrêts de la Cour. Ce qui apparait comme étant un acte manqué car il s’agit d’une technique de rédaction éloignée de la ponctuation utilisée par le grand public.

    Mais, il semble que les signes typographiques ont été écartés afin que la doctrine ne fasse pas d’interprétation trop littérale de la décision.

    L’emploi du style direct a également été conservé, ce qui permet d’avoir une décision laissant moins de marge d’interprétation. 

    Les nouveautés concernent en fait, la numérotation des développements ainsi qu’une séparation formelle des parties ou encore l’utilisation d’intertitres ont été retenu afin de rendre plus lisible l’arrêt. A l’avenir, il semble que les arrêts auront plus de limpidité.

    La construction sous forme de syllogisme est conservée, la concision le restera également. En effet, bien que pèse sur la Cour de cassation une obligation de motivation, l’étendue de cette motivation n’a pas été précisée. (455 CPC).  Il n’a pas été jugé souhaitable d’adopter la même motivation que celle des arrêts de la Cour européenne.

    Enfin, les professeurs Cécile Chainais et Loïc Cadiet ont participé à ces groupes de réflexion. Pour l’instant, leurs travaux ne sont pas publiés tant que la réforme envisagée ne voit pas le jour ; il sera intéressant de les consulter.

    Elynn GOULLIANNE

    Sources :

    LA SEMAINE JURIDIQUE ÉDITION GÉNÉRALE SUPPLÉMENT AU N° 1-2, 11 JANVIER 2016

    P. Cassia, Filtrer l'accès au juge de cassation ? : D. 2015, p. 1361 

    B. Haftel, Libres propos sur l'avant-projet de réforme de la Cour de cassation et la fonction du juge : D. 2015, p. 1378.

  • Le contenu d'ordre public de l'Assurance construction obligatoire.

    Article publié le 24 février 2016

     

    « Attendu que toute personne physique ou morale, dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil à propos des travaux de bâtiment, doit être couverte par une assurance ; que tout contrat d'assurance souscrit par une personne assujettie à l'obligation d'assurance est, nonobstant toute clause contraire, réputé comporter des garanties au moins équivalentes à celles figurant dans les clauses types prévues par l'article A. 243-1 du code des assurances »

    Cass. Civ. 3e, 04 février 2016, pourvoi n°14-29790;15-12128, Bull. civ.

    Un contrat de réalisation de piscine est conclu entre un couple de particulier et une société. Les maîtres d'ouvrage, constatant des désordres après réception du bien, assignent le constructeur et son assureur en indemnisation.

    La Cour d'Appel (1) refuse de retenir la garantie de l'assureur au motif que même si le désordre provient d'une mauvaise mise en œuvre par le constructeur et rend l'ouvrage impropre à sa destination, « ce désordre ne peut pas être pris en charge par la police d'assurance souscrite qui précise que la garantie relevant de l'article 1792 du code civil est limitée aux seuls défauts de solidité affectant la structure de la piscine »

    Sans surprise, la Cour de Cassation casse l'arrêt qui n'a pas relevé l'illicéité de la clause limitant la garantie aux seuls dommages affectant la structure de la piscine, en ce qu'elle fait échec aux règles d'ordre public relatives à l'étendue de l'assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction.

    Rappelons que le constructeur a pour obligation de souscrire à une assurance de responsabilité civile décennale à l'ouverture de tout chantier. Cette obligation porte aussi bien sur les travaux de construction à proprement dit que ceux de rénovation.

    Le contrat garantit le paiement des travaux de réparation de l’ouvrage lorsque la responsabilité du constructeur est engagée. La garantie couvre les dommages matériels résultant de vices cachés lors de la réception et révélés dans un délai de dix ans à compter de la réception.

    Les dommages doivent être d’une certaine gravité et avoir pour conséquence de compromettre la solidité de l’ouvrage ou de le rendre impropre à sa destination. 

    On pourrait avoir du mal à comprendre la position des juges de la Cour d'Appel dans la mesure où la solution énoncée par la Cour de Cassation n'est qu'une redite, confirmant sans peine sa jurisprudence passée. En effet, elle avait déjà eu l'occasion dans un arrêt de la 3ème chambre civile du 2 mars 2005 (2) de préciser que « La clause limitant la garantie des travaux réalisés à ceux effectués en exécution d'un contrat de louage d'ouvrage, de sorte que les travaux réalisés par l'assuré lors d'une vente sous condition suspensive ou pour lui-même, avant la vente, ne sont pas assurés, fait échec aux règles d'ordre public relatives à l'étendue de l'assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction et doit, par suite, être réputée non écrit ».

    Dans un arrêt plus ancien de 2003 (3) elle avait pu affirmer qu'aucune clause ne pouvait exclure les travaux faisant appel à « l'utilisation de techniques non courantes. »

    La situation pourrait au premier abord sembler assez sévère pour l'assureur qui ne peut (sauf exceptions prévues à l'article L. 243-1-1 du Code des assurances) moduler les limites de sa garantie pour adapter sa prime au risque. Toutefois la situation n'est pas sans espoir pour lui puisque la jurisprudence autorise l'assureur à opposer au tiers lésé une réduction proportionnelle d'indemnité par l'application de l'article L. 113-9 du code des assurances en cas d'omission ou de déclaration inexacte d'un élément d'appréciation du risque par un assuré dont la mauvaise foi n'est pas établie (4). Cependant, comme certains auteurs le font justement remarquer, les applications de non assurance sont quasi inexistante.

     

    Lucie PARIS

    Sources :

    (1) Cour d'appel de Nîmes, 18 septembre 2014

    (2) Civ. 3ème, 2 mars 2005, n° 03-16.583

    (3) Civ. 3ème, 9 juill. 2003, n° 02-10.270

    (4) Civ. 1ère, 6 déc. 1994

     

  • La liberté d’expression de l’avocat, arrêt de la Cour de cassation Ass. Plén, 16 décembre 2016

     

    L’article 29, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881 dispose que « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation ».

    La notion de diffamation est au cœur de l’arrêt rendu par l’assemblée plénière de la Cour de cassation en date du 16 décembre 2016. La France avait été condamnée par un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme le 23 avril 2015 ( CEDH, 23 avril 2015, Morice c. France, req n°29369/10 ), pour violation de l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Cette décision fait suite à une condamnation d’un avocat pour complicité de diffamation publique envers des fonctionnaires publics. Le pourvoi en cassation intenté par l’avocat à l’encontre de la décision de condamnation a été rejeté par la Cour de cassation. L’assemblée plénière a donc été saisie du réexamen de ce pourvoi.

    Dans cette affaire, les propos ayant donné lieu à condamnation  étaient ceux rapportés dans un article publié dans le journal Le Monde en date du 7 septembre 2000, mettant en cause le comportement des deux juges d’instruction précédemment en charge du dossier dans l’Affaire Borrel. Ces propos faisaient état de connivence et de manque d’impartialité des deux magistrats.

    La Cour de cassation s’est alors prononcée sur la liberté d’expression et ses limites pouvant être imposées à un avocat. Le but ici n’était pas de trancher sur la nature diffamatoire des propos, mais plutôt de déterminer si l’avocat pouvait bénéficier de l’exception de bonne foi.

    Le contexte entourant cet arrêt est fondamental, la Cour de cassation et la Cour européenne des droits de l’homme ont longtemps débattu sur l’équilibre entre liberté d’expression et protection de la réputation d’autrui. La Cour de cassation, à de nombreuses reprises, a admis un degré de liberté plus important lorsque les propos portent sur un « sujet d’intérêt général » ( Crim. 12 mai 2009, pourvoi n° 08-85.732, Bull. n°88 ). Dans un autre sens, elle condamne cependant les propos pouvant-être caractérisés comme une attaque personnelle ( Crim, 16 octobre 2012, pourvoi n°11-88.715 ).

    Pour condamner la France, la Cour européenne affirme dans un premier temps que les propos relatifs au fonctionnement du pouvoir judiciaire sont la preuve d’un débat d’intérêt général. Dans un second temps elle affirme que le niveau de protection de la liberté d’expression est d’autant plus important lorsqu’il s’agit des propos d’un avocat. La Cour estime alors que la défense d’un client peut se poursuivre dans les médias afin d’informer le public sur d’éventuels dysfonctionnements d’une procédure pénale en cours, dans la mesure où l’affaire suscite l’intérêt des médias et du public.

    En l’espèce, l’avocat ayant formé le pourvoi avait vu sa demande rejetée au motif que les limites admissibles de la liberté d’expression avaient été dépassées. Saisie du réexamen du pourvoi, l’assemblée plénière revient sur cette position en suivant le raisonnement de la Cour européenne des droits de l’homme et pose le principe d’une protection plus élevée de la liberté d’expression d’un avocat dans la critique de l’action des magistrats à l’occasion d’une procédure judiciaire.

    L’arrêt du 16 décembre 2016 indique que les propos tenus étaient fondés et qu’ils relevaient de l’intérêt général, faisant bénéficier à des propos « diffamatoires » d’une exonération sous deux conditions, à savoir qu’ils s’inscrivent dans un débat public d’intérêt général et qu’ils s’appuient sur une base factuelle suffisante.  Cette décision semble marquer la victoire de la liberté d’expression et laisse présumer que la nature des attaques portées à la réputation d’autrui n’a pas d’importance du moment qu’elles sont justifiées selon les critères posés par la Cour européenne des droits de l’homme. Cette affirmation trouve tout son sens dans un contexte où les débats publics se font nombreux et résultent d’un besoin d’information grandissant de l’opinion publique, mais laissent peut-être une liberté trop importante aux avocats, fragilisant la protection de l’image des magistrats en question.

     

    Gwenn DE CHATEAUBOURG

     

    Sources : 

    Article 29 alinéa 1 de la loi du 29 Juillet 1881

    Arrêt commenté : Ass. Plén, 16 décembre 2016, n°08-86.295

    Intérêt général : Crim. 12 mai 2009, pourvoi n° 08-85.732, Bull. n°88 

    Attaque personnelle : Crim, 16 octobre 2012, pourvoi n°11-88.715

    Condamnation de la France :  CEDH, 23 avril 2015, Morice c. France, req n°29369/10

    CEDH, 23 avril 215, Morice c. France, req. N°29369/10

    Note explicative  /www.courdecassation.fr

    Article 10 de la CESDH