Com., 1er mars 2017 : Rappel de l’exigence d’une altération du comportement économique du consommateur

Article publié le 15 mars 2017

 

Les pratiques commerciales déloyales ont une importance considérable dans le droit de la consommation. En effet grâce à leur introduction dans le droit français par la loi LME de 2008[1], les consommateurs disposent d’un moyen de protection efficace contre le professionnel. A cet égard, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu le 1er mars 2017 un arrêt rappelant certains points afin qu’une pratique commerciale trompeuse puisse être condamnée. 

En l’espèce, une société, Léa Laboratoire, spécialisée dans la fabrication et la  commercialisation de cosmétique, vendait des savons d’Alep qu’elle se procurait par le biais de la société Najjar. Aussi, la société Léa laboratoire ayant mis fin aux relations commerciales avec la société Najjar, a commercialisé un savon dit « Savon tradition Alep » qu’elle se procurait en Tunisie.

La société Najjar l’a donc assigné en justice pour cause de concurrence déloyale en raison de pratiques commerciales trompeuses.

En effet cette dernière arguait d’une part que le savon dit « Savon Tradition Alep » était produit en Tunisie et non pas en Syrie, ce qui induisait par conséquent le consommateur en erreur. D’autre part, elle estimait que les nouveaux savons produits en Tunisie ressemblaient fortement aux savons qu’elle vendait auparavant à l’entreprise (emballage, inscription etc.)

A cet égard, la cour d’appel de Lyon a donné raison à la société Najjar et a ordonné l’interdiction de la commercialisation de ce produit sous la dénomination "savon tradition Alep", le rappel du savon commercialisé sous cette dénomination des circuits commerciaux et son retrait du site internet ainsi que la destruction des packagings du savon reproduisant la mention "savon tradition Alep"

La société Léa Laboratoire a donc formé un pourvoi en cassation. Elle estimait qu’il n’y avait pas de pratiques commerciales trompeuses puisque le savon d’Alep d’une part ne faisait pas l’objet d’une appellation d’origine protégée ou contrôlée, et d’autre part que le comportement du consommateur n’était pas induit en erreur du fait qu’il était inscrit sur l’emballage du savon « made in Tunisie ». Enfin elle estimait que le produit ne pouvait pas faire l’objet d’une pratique commerciale trompeuse puisque ce dernier était fabriqué avec les mêmes composants et de la même façon que le véritable savon d’Alep.

Face à ces arguments, la Cour de cassation a estimé « qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier si les éléments qu'elle avait retenus altéraient ou étaient de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. » Les juges du droit ont donc cassé l’arrêt rendu par la cour d’appel de Lyon et renvoyé les parties devant cette même cour autrement composée afin que soit caractérisée ou non l’altération du comportement économique du consommateur.

Cette solution est sans surprise puisque cette jurisprudence est constante depuis 2013. En effet, avant 2013, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) avait consacré le principe d’autonomie des pratiques commerciales agressives et trompeuses face à la « notion-mère » de pratique déloyale. Toutefois la Cour est revenue sur sa position par un arrêt rendu le 19 décembre 2013[2] et a considéré qu’une pratique commerciale trompeuse suppose que cette dernière soit déloyale et altère ou est susceptible d’altérer le comportement économique du consommateur.  Il s’agit donc ici seulement d’un rappel de la part des juges du droit.

Elodie PADELLEC

 

Sources :

Com., 1er mars 2017, n°15-16.988

CJUE 19 décembre 2013, C-281/12 Trento Sviluppo srl et Centrale Adriatica Soc. coop. arl contre Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato.


[1] LOI n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie

 
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