Articles de jurisactuubs

  • La présence des articles détaillant le formalisme du contrat de consommation conclu hors établissement insuffisant à l’information du consommateur

    Civ. 1re, 24 janv. 2024, n° 22-16.115

    Le droit de la consommation est une matière relativement contemporaine. En effet elle trouve ses premières sources dans les années 1970. Ce droit a été créé pour réduire l’inégalité d’information entre le professionnel et le consommateur. Il protège donc grandement le consommateur en créant notamment de nombreuses présomptions à son avantage ou en rajoutant des informations obligatoires que le professionnel doit transmettre lors de la conclusion du contrat.

    En l’espèce, un consommateur avait conclu un contrat hors établissement le 7 avril 2016 avec une société pour la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques. Ce contrat est financé par le prêt d’une banque souscrit le même jour. Le consommateur découvrant des irrégularités dans le bon de commande demande l’annulation du contrat ainsi que du prêt.

    La Cour d’appel de Douai dans arrêt du 25 novembre 2021 donne droit à la demande de requérant. La société et la banque se pourvoi en cassation.

    La société estime sur le fondement de l’ancien article 1338 du Code civil que le contrat a été exécuté de manière volontaire par le consommateur en connaissance des irrégularités du bon de commande. Pour elle cette connaissance des irrégularités nait de la présence de manière « parfaitement lisible » au sein du contrat des articles « L. 111-1, L. 111-2, L. 121-17, L. 121-18, L. 121-18-1, L. 121-18-2, L. 121-19-2, L. 121-21, L. 121-21-2 et L. 121-21-5 du Code de la consommation » qui régissent le formalisme du contrat hors établissement. La présence de ces articles est, pour la société, la preuve que le consommateur est averti, ce qui lui fait perdre sa protection de consommateur.

    La première chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi dans un arrêt du 24 janvier 2024 et confirme l’interprétation de la cour d’appel estimant que les articles précités « dans des caractères de petite taille mais parfaitement lisibles, étaient insuffisante en eux-mêmes à révéler à l'acquéreur les vices affectant ce bon ».

    Cet arrêt sonne peut-être la fin d’une tergiversation de la Cour de cassation ces dernières années sur le sujet. En effet de nombreux acquéreurs se servaient de ce moyen pour résoudre ou annuler le contrat de prêt relié à un contrat de consommation erroné. Pour éviter cette dérive la Cour de cassation s’est montrée plus stricte envers le consommateur depuis 2019. C’est dans ce cadre qu’en 2020[1] elle admet pour la première fois que la reproduction des anciens articles L.121-1 et suivants du Code de la consommation pouvait engendrer la connaissance du vice au moment de la conclusion du contrat pour le consommateur. Cette position sévère n’a pas été reprise dans un arrêt du 20 avril 2022[2], au sein duquel elle revient à une interprétation protectrice pour le consommateur. Un énième revirement de jurisprudence dans un arrêt du 31 août 2022[3], confirmé depuis le 1er mars 2023[4] a eu lieu. La position de la Cour de cassation avant cet arrêt était donc que « la reproduction lisible, dans un contrat conclu hors établissement, des dispositions du Code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à ce type de contrat, permet au souscripteur de prendre connaissance du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions ». Cette solution est d’ailleurs reprise au sein de l’arrêt étudié. Toutefois, les juges effectuent un dernier revirement de jurisprudence estimant que la présence des articles était insuffisante pour que le consommateur repère les irrégularités du fait de la taille des caractères. Dorénavant, les juges du fond devront procéder à une observation in concreto des contrats conclus hors établissement afin de savoir si le consommateur avait une connaissance effective du vice ou non.

    Ce revirement est en réalité assez logique. La Cour de cassation veut avec cet arrêt « uniformiser le régime de la confirmation tacite et de juger ainsi dans les contrats souscrits antérieurement comme postérieurement » à la réforme du 10 février 2016.

    Cette évolution est saluée par la doctrine d’autant que la solution la mentionne. La Cour de cassation revient à une certaine orthodoxie du droit de la consommation qui vise justement à protéger la partie faible qu’est le consommateur.

    Hugo SOUESME

    Sources :

    C. HÉLAINE, « Contrat conclu hors établissement et nullité », Dalloz actualité, 02 février 2024, https://dalloz.ezproxy.univ-ubs.fr/documentation/Document?id=ACTU0221301

    J. LASSERRE CAPDEVILLE, « Crédit affecté : revirement attendu concernant la connaissance des irrégularités du contrat principal ! », La Semaine Juridique Edition Générale, n° 06, 12 février 2024, act. 193


    [1]Cass. 1re civ., 26 févr. 2020, n° 18-19.316.

    [2]Cass. 1re civ., 20 avr. 2022, n° 20-22.084.

    [3]Cass. 1re civ., 31 août 2022, n° 21-12.968.

    [4]Cass. 1re civ., 1er mars 2023, n° 22-10.361.

  • L’admission de la connaissance du vice du contrat conclu hors établissement : revirement de jurisprudence en faveur du consommateur

    Civ. 1ère, 24 janv. 2024, n° 22-16.115

    Dans un arrêt rendu par la première chambre civile le 24 janvier 2024, la Cour de cassation précise les modalités d’admission de la connaissance du vice du contrat conclu hors établissement par le consommateur.

    En l’espèce, par contrat conclu hors établissement en date du 7 avril 2016, un acquéreur a commandé auprès de la société venderesse, la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques, financés par un crédit souscrit le même jour auprès d’une banque.

    L’acquéreur a assigné le vendeur et la banque en annulation du contrat principal et du crédit affecté pour irrégularités du bon de commande.

    La cour d’appel[1] retient que l’acquéreur n’avait eu connaissance du vice affectant le formalisme du bon de commande au moment de la souscription du contrat ou de son exécution. Par conséquent, elle juge que l’acte était entaché de nullité et qu’aucune confirmation de la part de l’acquéreur ne pouvait être caractérisée en l’espèce.

    Le professionnel s’est alors pourvu en cassation en arguant que l’interprétation des juges du fond, des conditions de la confirmation tacite du contrat conclu hors établissement, n’était pas la bonne.

    La Cour de cassation rejette le pourvoi et retient exceptionnellement que la simple mention des dispositions du Code de la consommation relatives à la nullité du contrat pour vice de forme dans les conditions générales de vente ne suffit pas à considérer que le consommateur ait eu connaissance desdits vices. Dès lors, l’exécution du contrat ne suffit pas à confirmer le contrat. Il ne s’agit donc pas d’une confirmation tacite du contrat.

    Il dépend des juges du fond de relever les circonstances permettant de justifier la connaissance du vice par le consommateur dans une appréciation au cas par cas. Le juge peut particulièrement appuyer son appréciation sur les nouvelles dispositions de l’article 1183 du Code civil instaurant la possibilité pour le professionnel d’envoyer une demande de confirmation au consommateur, en ce qui concerne les contrats conclus postérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016. La Cour précise qu’il est préférable de viser une uniformisation de ce régime de confirmation.

    En effet, auparavant la Haute juridiction avait toujours retenu le contraire. Ainsi, l’exécution volontaire par le consommateur du contrat conclu hors établissement, malgré cette connaissance, entraînait jusque-là la confirmation dudit contrat malgré sa nullité pour vice de forme[2]. Cette solution était adoptée dans le but de faire prendre conscience à l’acquéreur de ses obligations et notamment celles résultant du contrat de crédit affecté, qui est un acte important.

    Cette solution s’applique désormais aux contrats conclus antérieurement et postérieurement à l’ordonnance du 10 février 2016.

    La Cour de cassation consacre aujourd’hui un avantage aux consommateurs, qui sont dans la plupart du temps, profanes en la matière et qui signent souvent un bon de commande sans s’informer des informations fournies en petits caractères. Cette décision alerte sur une protection accrue du consommateur et sur la vigilance que doit maintenant adopter les professionnels. Toutefois, par exception, le juge peut relever des indices permettant de considérer que le consommateur a été informé, notamment par l’envoi d’une demande de confirmation par le professionnel.

    Les praticiens du droit de la consommation devront alors rapidement appliquer ce revirement de jurisprudence, au pied de la lettre, afin d’éviter d’éventuelles discordes.

    Léna RABILLARD

    SOURCES :

    - « L’admission de la connaissance du vice du contrat conclu hors établissement : revirement de jurisprudence en faveur du consommateur », (en ligne), Lexis 360, 05 février 2024, (consulté le 6 février 2024)

    -« Contrat hors établissement (nullité) : conditions de la confirmation tacite », (en ligne), Recueil Dalloz 2024, 24 janvier 2024, p.165, (consulté le 6 février 2024)

    -NASOM-TISSANDIER H., « La confirmation tacite d’un contrat conclu hors établissement : un revirement favorable aux consommateurs », (en ligne), Le Quotidien du 1 février 2024 : Consommation, Lexbase, 01 février 2024, (consulté le 8 février 2024)

     

    [1] CA Douai, 25 novembre 2021, n°19/05437.

    [2] Civ. 1re, 9 déc. 2020, n° 18-25.686 et Civ. 1re, 31 août 2022, n° 21-12.968.

  • Violation temporaire de la clause de non concurrence : privation définitive de la contrepartie financière

     

    ( Soc, 24 janvier 2024 n°22-20.926)

     

     

    Le 24 janvier 2024, la Cour de cassation a confirmé que la violation de la clause de non-concurrence exclut le droit du salarié au versement de la contrepartie financière, même après la fin de la violation.

     

    En l’espèce, le 11 janvier 2018, un salarié travaillant en tant que technico-commercial pour le compte d’une société, avec une clause de non-concurrence intégrée à son contrat de travail, décide de démissionner. Par la suite, il est recruté par un concurrent, mais son contrat est finalement rompu pendant la période d’essai.

     

    L’employeur, considérant que cette seconde embauche constitue une violation de la clause de non- concurrence, assigne son ancien salarié, devant les juridictions prud’homales. Il demande l’interdiction pour le salarié de lui faire concurrence et réclame le paiement de certaines sommes d’argent. De son coté, le salarié cherche à obtenir le versement de la contrepartie financière prévue par la clause de non- concurrence.

     

    Par un arrêt en date du 24 juin 2022, la Cour d’appel de Douai1 constate la violation de la clause de non- concurrence. Toutefois, étant donné que le salarié a mis fin à sa période d’essai, la Cour estime que la violation n’a duré que six mois. Après la période d’essai, aucune infraction n’étant caractérisée, l’employeur redevient donc débiteur de la contrepartie financière.

     

    L’employeur forme un pourvoi en cassation en soutenant que la violation, même temporaire, de la clause de non-concurrence exclut de manière définitive le droit du salarié à la contrepartie financière.

     

    La Cour de cassation censure les chefs du dispositif de l’arrêt condamnant l’employeur à payer au salarié des sommes à titre de solde d’indemnité de non-concurrence. La Haute juridiction rappelle que la violation de la clause de non-concurrence ne permet pas au salarié de prétendre au bénéfice de la contrepartie financière de cette clause, même après la cessation de sa violation.

     

    Cette solution n’est pas nouvelle, la Cour de cassation ayant déjà jugé que «  la violation par le salarié de la clause de non-concurrence à laquelle il était soumis ne lui permettrait plus de prétendre au bénéfice de l’indemnité convenue, contrepartie d’une obligation à laquelle il s’est soustrait, quand bien même la violation aurait cessé2. »

     

    Cette solution pourrait trouver sa justification sur le fondement de l’exception d’inexécution, permettant à l’employeur de suspendre le versement de la contrepartie financière lorsque le salarié viole son obligation de non-concurrence. Cependant, l’exception d’inexécution n’est qu’une sanction temporaire, car une fois que l’exécution redevient possible, la contrepartie est à nouveau exigible.

     

    En réalité, cette solution découle de la nature de l’obligation de non-concurrence, qui est une obligation de ne pas faire, et dont l’inexécution est nécessairement définitive. Même si le salarié, après avoir violé la clause de non-concurrence, se conforme ultérieurement à son engagement, son inexécution justifie la suppression de la contrepartie financière et peut éventuellement entraîner la mise en jeu de sa responsabilité contractuelle.

     

    Cette décision renforce la portée dissuasive de l’obligation de non-concurrence en soulignant que le salarié enfreignant une telle clause, même pour une période limitée, perd tout droit au versement de la contrepartie financière associée.

     

    Eva THEBAULT.

     

    SOURCES :

    - Soc, 24 janvier 2024 n°22-20.926

    - A. NIVERT, Fin de la clause de non-concurrence rime toujours avec la fin du droit à la contrepartie financière, Dalloz Actualité, 30 janvier 2024. Disponible sur : Fin de la violation de la clause de non-concurrence rime toujours avec fin du droit à la contrepartie financière - Social | Dalloz Actualité (dalloz-actualite.fr)

    - T. RUCKEBUSCH, La violation de l’interdiction de concurrence libère l’employeur du versement de la contrepartie, quand bien même elle aurait cessé, Lexisnexis, 24 janvier 2024. Disponible sur : La violation de l'interdiction de concurrence libère l'employeur du versement de la contrepartie, quand bien même elle aurait cessé | Lexis Veille

     

     

     

    1 Cour d’appel de Douai 24 juin 2022 n°20/01324

    2 Soc, 3 mars 1993 n°88-43.820

  • La nouvelle loi sur le traitement des situations de surendettement s’applique aux instances en cours.

    (Civ. 2e., 8 févr. 2024, n°22-18.080)

    Par un arrêt de cassation en date du 8 février 2014, publié au bulletin et aux lettres de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rappelle un principe traditionnel en matière d’application de la loi dans le temps, selon lequel, la loi entre en vigueur à la date fixée ou, en l’absence de précision, le lendemain de sa publication au Journal officiel.

    En l’espèce, le représentant légal de créanciers professionnels a formé un recours contre la décision d’une commission de surendettement des particuliers qui a déclaré recevable la demande du débiteur pour le traitement de sa situation financière.

    Par un jugement en date du 11 avril 2022 rendu en premier et dernier ressort, le tribunal judiciaire de Valence déclare le débiteur irrecevable au bénéfice de la procédure de surendettement. Le juge des contentieux de la protection retient que l’article L. 711-1 du Code de la consommation interdit la prise en compte des dettes professionnelles pour l’appréciation de la situation de surendettement.

    Le particulier se pourvoit en cassation.

    Au visa de l’article 1er, 2 du Code civil et l’article L.711-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction issue de l’article 10 de la loi n°2022-172 du 14 février 2022, la Cour de cassation casse et annule le jugement.

    Elle relève d’office, sur le fondement de l’article 620 du Code de procédure civile, un moyen de pur droit tiré de l’application de la loi dans le temps de l’article L.711-1 du Code de la consommation.

    La Cour de cassation relève que la loi du 14 février 2022, publiée au Journal officiel le 15 février 2022, ne contient aucune disposition transitoire concernant son article 10. Par conséquent, ce texte entre en vigueur à partir du 16 février 2022.

    Avant que la nouvelle version de ce texte entre en vigueur, seules les dettes non-professionnelles étaient prises en compte pour évaluer la situation financière du débiteur qui sollicitait le traitement de sa situation de surendettement auprès de la Banque de France. C’est précisément en se servant de cette ancienne version que le tribunal de Valence a refusé d’admettre le débiteur à la procédure du surendettement.

    Cependant, la réforme du statut de l’entrepreneur individuel, adoptée le 14 février 2022, à considérablement élargi les critères d’éligibilité au surendettement des particuliers. Désormais, les dettes professionnelles entrent également en ligne de compte dans l’analyse financière du demandeur, suite à la modification de l’article L.711-1 du Code de la consommation. Ce changement majeur se répercute sur de nombreux particuliers jusqu’alors exclus de ce dispositif de protection.

    La question de l’application de la loi se pose alors pour le tribunal, étant donné que le jugement a été rendu le 11 avril 2022 et que les débats ont eu lieu « antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 14 février 2022 ».

    Les magistrats du Quai de l’Horloge rappellent les principes fondamentaux du droit transitoire énoncés par le titre préliminaire du Code civil aux articles 1 et 2. Selon ces principes, une loi entre en vigueur à la date fixée par elle-même ou, à défaut, au lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française.

    Malgré le fait que l’instance ait débuté avant la promulgation de la loi, l’article 2 du Code civil impose que la loi nouvelle s’applique immédiatement, même en cours de procédure judiciaire, pour des situations non contractuelles.

    Ainsi, pour la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le moment où les débats ont eu lieu importe peu.

    Dorian GABORY

    Sources :

    • HELAINE Cédric, « Droit transitoire et prise en compte des dettes professionnelles en matière de surendettement », [en ligne], Dalloz actualité, février 2024, [consulté en février 2024]. https://www.dalloz-actualite.fr/